SYNOPSIS: Pour conclure sa carrière, l’inspecteur Somerset, vieux flic blasé, tombe à sept jours de la retraite sur un criminel peu ordinaire. John Doe, c’est ainsi que se fait appeler l’assassin, a decidé de nettoyer la societé des maux qui la rongent en commettant sept meurtres basés sur les sept pechés capitaux: la gourmandise, l’avarice, la paresse, l’orgueil, la luxure, l’envie et la colère.
Seven est entré dans une forme de panthéon cinématographique en réunissant en quelque sorte le fond et la forme. En effet, le succès commercial de Seven ferait pâlir d’envie bien des producteurs. 30 millions de budget, pour plus de 327 millions de recettes. En France, plus de 4.9 millions d’entrées. Il a soit convaincu soit converti des millions de spectateurs de la force esthétique qui peut se dégager d’un thriller pourtant très glauque, et a globalement largement satisfait la critique de l’époque, qu’elle fut généraliste ou spécialisée. David Fincher réussit le tour de force de rendre un thriller puissamment esthétique, alors qu’il est émaillé de scènes sanguinolentes parfois gores, dans la théâtralisation autour des meurtres qui reprennent les 7 pêchés capitaux. Le cinéaste a en effet pu se lâcher après être sorti d’une expérience frustrante dans la réalisation d’Alien 3 (1992), son premier long-métrage, s’étant senti pleinement bridé dans sa créativité. Il se tourne alors vers une petite société de production indépendante de l’époque New Line Cinéma, pour, librement, réaliser un thriller qu’il souhaite comme un révélateur de la noirceur de l’âme humaine. Cette aspiration sera une constante dans la suite des créations de Fincher, mais ça, c’est une autre histoire. Pour Seven, le polar épique se situe dans une ville façon mégalopole à l’américaine qui a bien sûr la noirceur de New York, mais qui pourtant n’est à aucun moment nommée dans le film. Le tournage a d’ailleurs lieu à Los Angeles (Quality cafe à Downtown). D’emblée, dès les premières minutes, la photographie installe l’atmosphère propice à la narration du film. Elle joue sur les contrastes, avec beaucoup de sombre et comme une forme de lumière percée permanente ; Ajouté à l’omniprésence de la pluie, et cet ensemble vient comme « polariser le polar » et installe habilement dans l’esprit du spectateur une angoisse un peu latente.

Collection Christophel
Le générique de début de Kyle Cooper, façon rock saccadé industriel, donne à voir des images en mode machine à écrire, qui balbutie et qui illustre des mains énigmatiques façon quasi subliminale (style que Fincher réutilisera à souhait dans Fight Club (1999)). Cette ambiance très travaillée va venir elle aussi assombrir le récit du polar. Même le cliché du jeune padawan et de son yoda passe crème ici, tant l’alliance des contraires est portée puissamment par Brad Pitt et Morgan Freeman qui sembleraient presque s’amuser de cette situation, et qui incarnent avec force et convictions respectivement Mills et Somerset (ce nom claque comme une star du jazz new yorkais..). Cette mythologie grecque du disciple et de son maître vu 1 million de fois au cinéma devient pourtant ici un véritable atout. Les joutes verbales existentielles émailleront leur association. Et surtout, subtilement, la femme de Mills, jouée par Gwyneth Paltrow, va s’immiscer avec délice et grâce dans ce duo. D’une part, dans le rôle du jeune premier, Brad Pitt, à la bogossitude étincelante qui va forger une irrésistible ascension pour un acteur que l’on va prendre du plaisir à voir grandir ensuite. D’autre part le vieux loup de mer en quasi pré-retraite, façon Murtaugh (en quand même moins enjoué) dans L’Arme fatale 3 (1992). Morgan Freeman livre un chef-d’œuvre d’interprétation sur un mode désabusé, en ayant déjà tellement et trop vu… Le jeune chien fou boit de la bière, le sage expérimenté est au vin… Ces détails de mise en scène n’en sont évidemment pas et installent subrepticement un récit… Somerset voit dans les tableaux meurtriers des pêchés capitaux, un puzzle criminel froidement réfléchi, fruit d’une psychose extrême. Là où Mills a tendance à simplifier la pensée du mal, n’accordant à tort que peu d’importance aux détails. Le rapport au temps est ici également fascinant… Sorti en 1995, Seven fait partie de ces films où internet balbutie à un niveau microscopique et où l’instantanéité téléphonique est lilliputienne. On peut rater des RDV et c’est normal. Il y a une urgence à agir dans Seven, mais dans une torpeur savamment orchestrée.

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Mills se jette comme un chien sur l’os que le méchant (que l’on ne connaît pas encore…) lui laisse goulument et intentionnellement ronger, pendant que Somerset tente de décrypter les significations bibliques pour aller vers des indices, empêchant l’accomplissement de l’œuvre criminelle dans son entièreté. Brad Pitt, aussi fonceur que son personnage s’est d’ailleurs cassé le bras lors du tournage de la course-poursuite avec le serial-killer. A mesure que les meurtres s’accumulent dans leur mise en scène à la fois léchée et répugnante, les détectives prennent la mesure de la psychose morbide de celui qu’ils traquent. Entre le pêché de gourmandise avec une tête plantée dans un plat de spaghettis ; Celui de la paresse et sa victime qui tout un coup n’est plus morte car maintenu en vie depuis un an… La gourmandise, l’avarice, la paresse, l’orgueil, et la luxure ont été « traités » par le tueur. Restera avant l’entrée en scène fracassante du lunaire John Doe (Kevin Spacey) l’envie et la colère… Les monologues quasi psychotiques de Kevin Spacey sont d’ailleurs assez effrayants… A l’image des mises en scène théologiques de ces crimes, de son œuvre… Sous fond de tortures vengeresses et d’une inquisition sadique. Et évidemment, il y a cette fin qui participe pleinement à la mythologie autour de Seven… Donc SPOILER ALERT pour les habitant-e-s de Gibraltar de la galaxie Véga qui seraient passés à côté…
Une fin qui va faire de David Fincher le roi du cliffhanger, les amateurs de The Game (1997) ne nieraient pas. Une fin qui va aussi consacrer Kevin Spacey en prince du dénouement homérique… Un certain Usual Suspects 1995) sorti quelques mois avant Seven le confirme magistralement. Avant de partir pour l’expédition que l’on sait en voiture avec Doe, au moment où Brad Pitt s’épile le torse avec Morgan Freeman, pour pouvoir caser ensuite leurs micros, il évoque sa femme… Et en 1996 dans les salles de cinéma, bien sûr sans certitude aucune, nous nous étions chuchoté une forme d’inquiétude… Dans la voiture, Brad Pitt s’agite et bouge beaucoup. En revanche, les plans sur Spacey sont toujours les mêmes. Il est déterminé. Il est embastillé à l’arrière de la voiture, mais a pris tout le pouvoir… Quand Somerset repère le « chien mort », tout proche du dénouement… Doe, avec le style pseudo raffiné tout en Kevin Spacey, qui scrute ailleurs : « c’est pas moi qui ai fait ça » … Suprême folie du tueur en série, petit moment de plaisir d’écriture de Fincher, devenu épique. Et enfin bien sûr à la découverte de l’horreur absolue du contenu du colis … « David, si tu le tues…. C’est lui qui gagne » … Cette phrase de Somerset vous file les poils même après 14 visionnages… Avec ce coup de maître empathique de Fincher, qui vient nous demander à chacun-e- : « Et vous, qu’auriez-vous fait à la place de Mills ? ». La loi du Talion vient toujours interroger les bas-fonds de notre conscience et c’est à chaque fois passionnant. Il faut noter que pour ne rien spoiler de l’identité du tueur, le nom Kevin Spacey n’apparaît pas dans le générique au début du film, mais figure en premier dans celui de fin. La société de production du film, la New Line a clairement voulu offrir une autre fin, façon Happy End à Seven jugée comme trop choquante, avec cette tête de femme enceinte dans une boîte. Il aurait même été question qu’il s’agisse de la tête d’un des chiens de Mills !!! Mais heureusement pour l’anthologie de Seven en particulier et du cinéma en général, David Fincher a force d’entêtement a pu garder l’idée originelle. Soutenu d’ailleurs par Brad Pitt, allant jusqu’à conditionner sa présence dans le film. Au final, Seven c’est un peu comme du glauque onirique, mais du glauque quand même !! C’est surtout, dans sa folle créativité scénaristique que le film est devenu culte pour ses nombreux défenseurs… C’est aussi car dans son usage du twist, il est en avance sur son temps, il voit loin et juste. La cerise sur le gâteau étant que le plaisir de le revoir ne prend pas une ride, ce qui est en général un parfait indicateur d’une vraie forme d’intemporalité. Titre Original: SEVEN
Réalisé par: David Fincher
Casting :Brad Pitt, Morgan Freeman, Gwyneth Paltrow …
Genre: Policier, Thriller
Sortie le: 31 Janvier 1996
Distribué par: Metropolitan FilmExport
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Catégories :Critiques Cinéma
Excellente critique
merci à vous