SYNOPSIS: François Perrin est ailier droit dans l’équipe de football de la petite ville de Trincamp. Seulement il a un sale caractère. Le président du club est également le patron de l’usine où il travaille. Après un coup de gueule, il est renvoyé du terrain et perd son emploi à l’usine. Et pour corser le tout, il est accusé d’un viol qu’il n’a pas commis. Mais l’équipe doit jouer en coupe de France et ne peut absolument pas se passer de Perrin.
Deuxième long métrage de Jean-Jacques Annaud, qui est donc un quasi inconnu à cette époque (il vient de la publicité) Coup de tête, c’est l’histoire avec un tout petit H, du club de foot imaginaire de l’AS Trincamp. Club qui s’inspire directement de l’épopée de l’En Avant de Guingamp en coupe de France lors de la saison 1972/1973. Le club est alors en 7ème division (DSR pour les intimes) et inconnu au bataillon footballistique français. Trincamp, Guingamp, quelques lettres diffèrent. Dans l’excellent So Foot, Jean-Jacques Annaud confirmera l’inspiration. Le tournage aura lieu à Auxerre, avec notamment un conseiller technique nommé Guy Roux… Toute une histoire le gars au bonnet. Qui mieux que lui pour relater l’ambiance tout aussi champêtre que délétère des clubs de foot de province. Avant d’aller tourner dans l’Yonne, Annaud et Francis Veber scénariste, étaient venus en rapide immersion au sein de l’En Avant. Avant La guerre du feu, Annaud s’attaque à la guerre du foot. En tous les cas, il regarde du côté de l’anthropologie sociale. 18 Mars 1978 un samedi de Coupe de France, le club de l’AS Trincamp, des clubs amateurs, comme il en existe des milliers dans l’hexagone. Un président dégoulinant de paternalisme. François Perrin (Patrick Dewaere), viré du club, viré de l’usine, le Président Sivardiere (Jean Bouise) au village est forcément patron de l’entreprise locale. Le modèle économique Qatarie franchouillard avant l’heure. Premier signe d’avant-gardisme de coup de tête. En face, François Perrin, chien fou, esprit libre, pas un grand méchant mais juste un pt’it con, en tout cas en marge de l’univers lisse et aseptisé du foot en général, et du foot de province en particulier. Puis, accusé à tort d’un viol. « Bon de toute façon il aurait pu le faire »disent les dirigeants. « Je veux qu’on gagne dimanche, y’a que ça qui compte« . Et s’il faut l’exempter de la pire des accusations, tant que le club gagne les 16èmes de finale de la coupe de France, plus de salaud, juste un héros. Le directeur de la prison en chantant « Allez Trincamp« , lui accorde une permission dorée pour aller sauver la patrie. Encore un signe glacement intemporel qu’il serait tellement facile de transposer. Le déchainement des passions est un rouleau compresseur qui écrase la raison.
A mort l’arbitre en 1984 de Jean-Pierre Mocky viendra lui aussi titiller la bêtise folle de la foule, y compris quand celle-ci est peuplé de supporters déchaînés, parfois avinés, potentiellement violents, et qui décharge les médiocrités hebdomadaires, les humiliations du quotidien, en rage décérébrée le week-end dans un stade… « J’entretiens 11 imbéciles, pour en calmer 800« . Tout est là, exacerbation du cynisme assumé, qui rappelle un peu l’assertion de Patrick Le Lay sur le temps de cerveau disponible. Du pain et des jeux « Panem et Circences », les jeux du cirque pour maintenir un esprit grégaire, passif et suiviste. La satire est totale. « Je voudrais foutre le feu à cette putain de vie » on ne sait plus trop si c’est François Perrin ou Patrick Dewaere qui parle. En tout cas, c’est puissant et bouleversant quand on connait la suite… Lui veut retourner en taule, plutôt que de jouer ce match, qu’il sait ridicule, mais la permission de sortie sera à tout prix. Il faut bien aller taper les crétins en rouge, nous les anges bleus. Le salaud va donc devenir héros, double buteur de l’exploit, et comme une renaissance, toutes les souffrances seront oubliées pour célébrer le nouveau-né du peuple qui exulte et continuera à rêver… Alors ça n’a pas de prix, un but marqué, un viol effacé. Le football rédempteur, la victoire au bout du pied… « Perrin » vilipendé marque accidentellement le but égalisateur et « Perrin« scandé par la foule… « Ça va pas être simple de le refoutre en taule » enchaîne le Président… « Finalement, c’est pas le mauvais bougre »…. « Et quel putain d’attaquant ».
La libération est réglée, non pas car il est réellement innocent mais car il marqué le doublé. Il sera de plus maître-nageur à la piscine municipale. Question : « Il sait nager ? ». Réponse : « Oh, compliques pas tout ». Le héros est un dieu, c’est maintenant le roi du monde, au moins jusqu’au match retour. Haut les cœurs des gloires éphémères et des triomphes absurdes. Les politiques discourent, les journalistes photographient et Perrin passe de la taule au palace, alors que lui veut le gnouf car il refuse le passe-droit. Inversion du paradigme, le p’tit con est noble, l’institution est folle. Coup de tête, apogée de cynisme, est un extraordinaire coup de tronche à la crétinerie organisée. C’est acide, acerbe, d’un humour subversif et corrosif, et même d’une violence inouïe sur le monde du ballon rond, mais qui n’est qu’un emblème de nos déchéances morales. Le foot est ici un formidable prétexte à la dénonciation au vitriol d’une bêtise crasse collective. Car à l’image de votre serviteur, l’on peut aimer le foot et aussi Coup de tête. L’art de la nuance toujours. Ça protège, ça préserve. On peut facilement imaginer que la scène finale du restaurant est une incroyable allégorie vengeresse, une métaphore tellement ironique de la Cène… Dewaere est un dieu pour l’éternité.
Cette mise en Cène en particulier et la mise en scène en général, permet à Patrick Dewaere de ne quasi jamais quitter l’écran, ce qui est un bonheur sans fin. Cette petite musique sifflée de Pierre Bachelet, passé maître des accompagnements musicaux originaux offre un petit caractère obsédant, mais profondément optimiste, et qui se veut une aspiration au bonheur, en réponse très certainement aux immondices morales quotidiennes. Le casting est fou, Jean Bouise toujours excellent, et qui ici incarne à lui seul tout un cynisme, Michel Aumont, Gerard Hernandez et tant d’autres, mais soyons clair, la performance de Patrick Dewaere écrase tout. Il est en effet un inoubliable François Perrin, patronyme préféré de Francis Veber, qui passera ensuite à Pignon… Dewaere est déjà très haut, et tourne avec les meilleurs, alterne le cinéma populaire, mais aussi plus auteuriste. Ici, il porte, il écrase, il joue l’ignare, manie l’ironie, il fait tout car il sait déjà tout faire. Une performance quasi christique à l’image de la scène de la Cène…. Coup de tête, satire footballistique, mais surtout cocktail à l’acide sur les travers humains et sociétaux, qui malgré son charme tout franchouillard désuet n’a moralement pas prit une ride, et c’est bien le drame… mais c’est aussi et surtout un pur film de cinéma qui se dévore, et pas que sur un coup de tête…
Réalisé par: Jean-Jacques Annaud
Casting: Patrick Dewaere, France Dougnac, Jean Bouise …
Genre: Comédie dramatique
Sortie le: 14 Février 1979
Distribué par : Gaumont Distribution
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Catégories :Critiques Cinéma