Critiques

STRANGER THINGS 4 VOLUME 2 (Critique) Un final efficace mais balisé…

SYNOPSIS: Six mois se sont écoulés depuis la bataille de Starcourt qui a semé terreur et désolation sur Hawkins. Encore titubants, nos amis se trouvent séparés pour la première fois – et la vie de lycéen n’arrange rien. C’est à ce moment de vulnérabilité qu’une nouvelle menace surnaturelle apparaît et, avec elle, un terrible mystère qui pourrait être la clé permettant de mettre fin aux horreurs du monde à l’envers.

L’ère télévisuelle dans laquelle nous sommes est celle de l’éphémérité. L’hégémonie des plateformes de streaming, la démocratisation du binge watching et la tendance à voir les durées des séries drastiquement raccourcir font des exceptions de véritables phénomènes culturels. Il y a 10 ans, on suivait des saisons de 24 épisodes de 40 minutes, désormais remplacées par des frasques de 8x1h sur nos écrans d’ordinateur. Ce changement, impliqué par nos modes de consommation et notre capacité de plus en plus accrues à vouloir plus de contenu toujours plus rapidement, finit par fatalement donner autant de séries oubliables qui vivent l’espace d’un instant un quart d’heure de célébrité (malgré un des plus gros succès de l’histoire de la télé et la mise en chantier d’un véritable empire lucratif via un très ironique projet de télé-réalité, qui attend véritablement quelque chose de la suite de Squid Game ?). Mais au milieu de ces continuels renouvellements intrinsèques et purement logiques du format télévisé contemporain, certaines œuvres parviennent encore à créer l’évènement. Dernièrement, c’est le cas très inhabituel de la curieuse Stranger Things qui a monopolisé l’attention avec une première salve d’épisodes pour sa tant attendue saison 4, retardée maintes fois pour cause de pandémie mondiale. Une saison plus mature, plus sombre, plus sanglante et plus longue, profitant de son succès-monstre pour s’étirer étonnamment tout au long de ses 7 premiers épisodes fixés entre 1h et 1h40 de temps d’écran. Un succès colossal pour la série des Frères Duffer, rallié derrière la re-popularisation chez la nouvelle génération de la chanson Running up that Hill interprétée par Kate Bush. Avec Bush devenue la bande-son de la course de Max pour sa survie (vous avez dit métaphore de la dépression, du deuil et du stress post-traumatique dans une série populaire pour ados ?), Stranger Things n’avait, après un épisode 7 très riche en action, en émotions et en révélations (on gardera les spoilers pour nous), pas encore tout dit au sein de son avant-dernière saison. Car une pièce manquait encore, la fin du début-de-la-fin. Les deux derniers épisodes de la saison 4 arrivent un mois après (manque de temps pour la finalisation des effets spéciaux, stratégie marketing ou un mélange des deux ?), et l’Upside Down revient nous dire bonjour à nouveau pour notre plus grande frayeur.


On retrouve nos personnages là où on les avait laissés. Le groupe de Mike part à la recherche de Onze, toujours retenue dans le laboratoire où elle tente de retrouver ses pouvoirs ; les enfants et ados de Hawkins passent à l’offensive en préparent l’assaut sur Vecna ; et le petit groupe en Russie planifie son exfiltration et son retour en Amérique. Mais même les plans les mieux rodés finissent par amener leur lot d’imprévus, et tout ce beau monde se retrouve au milieu d’une bataille acharnée dont ils n’ont pas le contrôle, et qui pourrait bien déboucher sur une apocalypse totale… Dans la lignée de son premier volume, cette Saison 4 embrasse ses concepts inspirés de la mythologie horrifique, donnant à ces épisodes des parfums macabres tirés des plus belles heures des Griffes de la Nuit, de Halloween ou de Hellraiser. Un boogeyman invulnérable et surpuissant agissant dans les têtes des personnages pour les plier à sa volonté, la série nous en a offert un (pas) beau. Vecna, le nouvel antagoniste phare de la série Netflix, aura su déchaîner les passions et les frissons chez les fans, par sa nature insidieuse et menaçante comme on n’en fait presque plus de nos jours. Un méchant de grande qualité aussi terrifiant que génialement amené (sa kryptonite semble être la musique, d’une certaine façon) qui propose un bon bol d’air frais et un renouvellement total du show. Dans ces deux derniers épisodes (de respectivement 1h20 et 2h30 !), nos personnages marquent une rupture dans leur approche de la situation. Il est temps de passer à l’attaque, et l’épisode 8 suit leur préparation et la mise en place des dernières pièces pour le bouquet final. Un bouquet final aux allures de long-métrage qui se doit de répondre à un bon nombre de questions, d’apporter une conclusion efficace ainsi qu’une ouverture du diable vers la saison 5 d’ores et déjà annoncée comme la finale.



Alors, Stranger Things a toujours puisé ses inspirations et ses atmosphères dans la salle de cinéma. Cette nouvelle paire d’épisodes nous propose d’ailleurs des séquences typiquement Starwarsienne ou Alienesque, tout en piochant dans le cinéma médiéval (une paire de boucliers, autant de lances et un combat de gladiateurs à l’épée feront vibrer les cœurs des fans d’action en flippe pour leurs personnages préférés). Les Frères Duffer seraient-ils en train de faire du cinéma sur Netflix, de faire dévier leur bébé vers un autre format ? C’est vrai, qu’en est-il de la démarche de cette nouvelle saison ? Pas un épisode de moins d’une heure, des intrigues densifiées, des références horrifiques passées au dépoussiérant… Sommes-nous toujours dans une série télévisée ? Et plus important, qu’est-ce qui justifie exactement un tel traitement de faveur ?



Il est possible que Stranger Things, par son impact pop-culturel, ait quelque part réussi à casser les cases. Dans cette fameuse ère de l’éphémérité, certaines figures (pourtant tirées du passé) vont réussir à braver le temps grâce à des propositions modernes et singulières qui ont réussi avec leur originalité et leur bienveillance envers leurs spectateurs à réinventer leur format. Stranger Things ne sera probablement pas la plus grande série de la décennie en cours, ni même une révolution formelle, mais elle pourra se targuer d’avoir réussi à mener à bien sa mission. Jamais le vieux n’a senti aussi neuf, aussi frais et aussi inventif. Ça y est, elle est à la hauteur populaire de ses inspirations. Vecna s’est émancipé de Freddy Krueger, Mike et sa bande ont roulé tout droit loin des studios Amblin, les 80s ne sont plus l’argument commercial numéro 1. Nous ne sommes plus dans un mash-up de fans de cinoche. Stranger Things est devenu une œuvre à part, hors des balises, un objet non identifié à la forme imprévisible qui approche à grand pas de sa fin – suffit-il de voir le cliffhanger cataclysmique du dernier épisode en date. Une guerre arrive à Hawkins en même temps que sur les plateformes de streaming. Une guerre pour la survie et pour espérer voir les gentils gagner pour de bon. Ça vaudra bien quelques larmes, quelques frissons, et une paire de séries inintéressantes sur le chemin. En attendant de voir le monde s’écrouler, les Frères Duffer signent avec ces deux épisodes de clôture un final efficace bien que balisé par ses propres enjeux et par une certaine retenue narrative. La saison 5 s’annonçant dantesque (dans le sens infernal du terme), difficile de concevoir autre conclusion que celle apportée par ce volume 2. Sa structure un peu sage ne déçoit pourtant pas, réussissant à tirer de l’émotion à ses moments clés, donnant aux valeurs de sacrifice, d’héroïsme et d’amitié un sens particulièrement touchant. Sur une bande-originale toujours plus géniale (Kate Bush est intelligemment parachutée en thème d’un personnage, rejoint par un cast délicieux incluant notamment The Police ou encore Metallica), Stranger Things conclue limpidement son avant-dernière phase, avec une grande promesse à la clé. On reprendra bien encore un peu d’ambition formelle, de dimension démoniaque, de monstres sanguinaires et de tueur en série télépathe. Parce qu’après presque 2 ans d’attente – on ne va pas mentir – Stranger Things nous avait bien manqué. Et après ce final, on se souvient très bien pourquoi.

Crédits : Netflix France

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