Critiques

TWO SUMMERS (Critique Mini-Série) Totalement addictive…

SYNOPSIS: Années 1990 : Un groupe de jeunes passe son dernier été d’insouciance avant l’entrée dans la vie adulte. Mais les vacances tournent au cauchemar quand l’un d’eux meurt dans un accident. Trente ans plus tard, Peter et Romée décident d’inviter le même groupe d’amis sur leur île du sud de la France. Mais le jour du départ, Peter reçoit une vidéo datant de ce tragique été, montrant le viol d’une de leurs amies. Les images sont accablantes. Il est persuadé que l’auteur de ce chantage se trouve sur l’île, parmi ses invités. Ce n’est qu’une question de temps avant que la vérité n’éclate. Leur amitié survivra-t-elle à cette nouvelle épreuve ?

La série Belge de Tom Lenaerts et Paul Baeten, connus pour leurs qualités littéraires respectives, ce qui ici est tout sauf un hasard, est une pépite, qui est un régal encore plus en VOST, ne serait-ce que pour profiter de l’accent flamand, ancré dans le jeu des comédiens. La série est totalement addictive. Difficile de ne pas raffoler de l’intense intelligence qui en émane. L’écriture est dingue, la mise en scène aux petits oignons, le jeu des acteurs complètement engagé, voire parfois enlevé, survolté, pour une série pépite, un thriller efficace, rapide et esthétique sur 6 épisodes, dont la grande force est psychologique, et qui vient nous poser un tas de questions essentielles. C’est une anthropologie foisonnante, un regard acerbe et authentiquement glaçant sur nos lâchetés ordinaires. D’emblée, on est dans l’intrigue. Peter (Tom Vermeir) est sur ses WC, et sa vie bascule… Un peu comme quand le génial Olivier Gourmet apprend qu’il obtient le ministère de ses rêves, en étant… sur le trône, dans l’excellent L’exercice de l’état» (2011). Ici, pour Peter, c’est le trône, non du couronnement, mais du début de la déchéance putative et putride. La dramaturgie s’installe, une sorte de Cluedo un peu doré. Le décor de la baraque, la piscine, font un peu penser à l’adaptation télé de La vérité sur l’affaire Harry Quebert  (2018) et aussi au très haletant Un homme idéal »(2014) avec Pierre Niney. Une forme de luxe, de la manipulation, de l’inavouable… C’est en tout cas un décor de thriller bourgeois qui se plante là.



Très vite, on entend« Quelqu’un sur cette île n’est pas celui que l’on croit  ». Le groupe d’amis depuis au moins 30 ans, à chaque plan est au bord de vaciller, et nous on trépigne..  » C’est qui ? Pourquoi ?  » Ce générique de Brel « On n’oublie rien de rien, on s’habitue c’est tout« , on devine qu’il dit tout, mais sans trop savoir. Il nous lancine, mais jamais nous bassine. Comme la série, on est intrigués, mais jamais fatigués, tant c’est fin, juste, pas trop bavard ou labyrinthique et juste ce qu’il faut d’explicatif. Les alternances entre les deux étés, à 30 ans d’intervalle sont autant captivantes que troublantes et déroutantes. Elles viennent forcément nous raconter un peu du temps qui défile, de la perte des idéaux, de la victoire de l’extrême cynisme. Bon, on n’est pas non plus dans Le Guépard (1963), mais le message temporel est là. Nous est montré beaucoup d’amours contrariés, des réussites professionnelles (Il y a un ministre dans la troupe !!), des liens amicaux forts souvent, délétères parfois. Le travail scénaristique est un artisanat redoutablement rusé, fin et efficace. La mise en images est largement à la hauteur, dans cette villa de rêve, aux intérieurs épurés et classes, magnifié par une image et une photographie hyper raffinées, c’est un bonheur visuel et permet à l’œil une accroche qui vient en double addiction avec celle de l’intrigue. Les images sur la mer sont sublimes, son calme apparent, son caractère immuable, face à des hommes complexes, en mouvement qui se gâchent la vie, et qui devient le témoin merveilleux et silencieux de l’inexorable catastrophe qui arrive.



Évidemment, le spectateur échafaude à mesure de l’avancée des épisodes, des théories fumeuses et complotistes sur ce « Murder Mystery » horrifique affectivement, malaisant moralement, mais tellement brillant. Il est question entre autres, de violences sexuelles sous fond de bêtise masculine tel des primates primaires, avec différentes pressions : le groupe, l’alcool, les drogues, un état semi conscient. Le pire est ainsi expliqué, mais jamais excusé. Ils vont payer, mais combien, quelles sera la monnaie et à qui ? La série joue à carte de l’anti-héros à fond. Les malins scénaristes Tom Lenaerts et Paul Baeten Gronda, s’amusent avec nos nerfs et surtout notre morale, en déployant tout un tas de circonstances atténuantes, mais pour finalement mieux démontrer le caractère inexcusable de l’ignominie commise. C’est aussi la question de la définition des regrets et de la culpabilité qui semblent être très peu ressenties chez ces messieurs. On plonge dans les tréfonds de l’âme humaine et de sa faiblesse. C’est une pleine immersion neuronale et cognitive dans notamment la lâcheté masculine. Ce calme olympien de la mer, avec des hommes qui ne la regardent même plus, trop occupés à s’autodétruire en s’inventant des drames. Le sexe et l’argent, Freud avant, Coluche après, l’avaient théorisé. Un chantage va faire émerger quelques lourds secrets enfouis, avec son cortège de regrets, et ça… ben ça fait mal… La Mise en scène est d’une grande habileté, en alternant les époques donc, mais aussi les moments en groupes et de solitude de chaque membre de cette chorale qui se ment, pour servir l’intrigue et nous amener doucettement vers le drame. A sujet, sans spoil aucun, la dernière image de l’épisode 5, antépénultième, est…. une pépite, un régal, une dinguerie, une boucherie psychanalytique nous offrant sur un plateau le dénouement de l’épisode 6….



Et puis quand même, à un moment, tout en décalage, y’a les Bangles avec Eternal Flame  (1988) et rien que pour ça… Mais de manière plus générale, la musique est à l’image de la série, à savoir très juste, sans excès, utilisé avec intelligence et toujours au service l’intrigue. Les interprétations en mode chorale sont largement à la hauteur. Le leitmotiv qui a du guider les actrices et acteurs, aussi bien les jeunes que les moins jeunes, dans ces trois décennies qui séparent les deux étés, est clairement la quête d’authenticité, tant les prestations apportent une crédibilité totale à l’histoire. Les filles, Ruth Becquart, Inge Paulussen, Sanne-Samina Hanssen et An Miller sont touchantes de vérité, avec notamment cette dernière, dans le rôle de Romée, épouse modèle, femme brillante qui se rebelle, se révolte et dont le survoltage à plusieurs reprises est assez jubilatoire. Du côté des gars, l’engagement est également total. Koen De Bouw, le faux calme, Tom Vermeir, avec comme ce désespoir permanent, et Herwig Llegems, qui est aussi pathétiquement faible que les couleurs de ses polos et bermudas brillent…  Y-a-t-il vraiment des coupables, donc des victimes, au moins une, c’est sur… La série envoie valser le manichéisme, la binarité. « Two Summers  travaille l’art de la nuance comme le menuisier le bois… Très très belle surprise, n’hésitez pas à foncer…. dans ce groupe d’amis un peu trop humains…

Crédits: Canal+

1 réponse »

  1. Si quelqu’un peut m’éclairer sur les liens qui unissent les personnages, ça m’aiderait beaucoup… Je suis incapable d’associer les personnages jeunes et âgés tant ils n’ont rien à voir physiquement (même la couleur des yeux ne correspond pas, faut pas pousser quand même !)
    Alors Romé est l’épouse de Peter. Mais les liens entre les autres, je n’ai pas encore compris. Il faut attendre l’épisode combien pour que ça s’éclaire ?
    Merci d’avance et bonne chance aux autres !

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