Critiques

OUSSEKINE (Critique Mini-Série 1×01-1×02) Une série tout simplement indispensable…

SYNOPSIS: Oussekine se penche sur les terribles événements du 5 décembre 1986 qui ont conduit à la mort de Malik Oussekine, auxquels jamais aucune série n’a été consacrée. Centrée sur le combat de sa famille pour obtenir la justice, elle plongera au cœur des années 1980 pour comprendre l’impact que ce drame a eu sur la société française de l’époque. 

Il y a dans Oussekine (et plus largement dans l’Affaire du même nom) un traumatisme durablement français auxquels les médias bleu blanc rouge ont pendant des années eu bien du mal à s’attaquer. Et par la force des choses, 2022 a vu poindre deux projets différents sur le sujet, l’un au cinéma présenté en Avant-Première au Festival de Cannes (Nos Frangins de Rachid Bouchareb, avec notamment Lyna Khoudri, Reda Kateb et Raphaël Personnaz) et l’autre à la télévision. Ce dernier, mené par Antoine Chevrollier qui réalise également les 4 épisodes de 1 heure qui le compose, porte sobrement le nom de famille de Malik et traite intimement des quelques jours qui ont suivi le meurtre du jeune homme des mains de la police. Oussekine commence en 1986. Les étudiants sont dans la rue et militent activement contre le projet de loi Devaquet qui consiste en une réforme de l’Université. La tension monte lors de manifestations et de nuits d’émeute qui découlent sur le déploiement d’un grand nombre de policiers pour maintenir l’ordre. Malik Oussekine, 22 ans et étudiant discret, sort d’un club de jazz et, alors qu’il cherche à rentrer chez lui, est poursuivi par un groupe de voltigeurs motocyclistes. Le lendemain, la fratrie de Malik apprend son décès par bribes dans la plus grande incompréhension. Cherchant à faire la lumière sur cette histoire et à rétablir la justice, Mohamed Oussekine (l’aîné de la famille) décide de se faire représenter par l’avocat Georges Kiejman, alors que le Ministre de l’Intérieur Robert Pandraud cherche inlassablement des preuves pour disculper la police dans l’incident.



Découpé en 4 épisodes d’une heure chacun dont nous avons pu voir les deux premiers, Oussekine est une reconstitution acerbe et profondément précise du contexte politico-social qui faisait bouillonner la France à la fin des années 80, entre protestations étudiantes, répression policière, violences racistes et encrassement de la Justice. De ce fait, la série d’Antoine Chevrollier nous balance dans une période trouble qui nourrit une histoire essentielle de la France moderne à travers la mort de Malik Oussekine. Car ces épisodes parlent essentiellement de l’après et de la famille de Malik, notamment ses frères et sœurs – Mohamed, Ben Amar, Sarah et Fatna – ainsi que leur mère dont l’annonce de la mort du jeune homme devient le fil rouge du premier (et très puissant) épisode. En creusant les personnalités de chacun face à ce drame ainsi que la prise de responsabilité qui leur incombe (la série répète souvent que la mort de Malik n’est plus une affaire familiale, mais désormais un symbole politique), Oussekine balaie le spectre du deuil et de la justice sur cette petite famille en apparence normale qui se retrouve propulsée sous les projecteurs d’un mouvement social et d’une explosion qui se profile à l’horizon. En se découpant en segments qui passent du présent à la nuit du drame (morcelée en courtes scènes au fil des épisodes), la série puise également dans les souvenirs d’enfance de Malik, balisant le récit par des séquences qui reviennent sur quelques remises en question, traumatismes et moments de bonheur vécus pendant ses jeunes années (le racisme incrusté dans les racines française, son intérêt pour la religion catholique ou son sentiment d’appartenance à la société française sont au cœur du sujet). Par une mise en scène très dynamique qui ne laisse pas de temps morts tout en distillant un précieux suspense autour de la nature exacte des évènements (dans le passé ou dans le présent), Oussekine parvient à peindre un tableau 80’s d’une justesse impeccable voire même carrément impressionnante. L’émotion, violente, déchirante et gerbante, est au rendez-vous d’une série tout simplement indispensable.


Antoine Chevrollier compose également une troupe formidable pour incarner ses protagonistes, en particulier Sayyid El Alami qui a la lourde tâche de redonner vie à Malik Oussekine au-delà du symbole, accompagné par les merveilleux Malek Lamraoui, Tewfik Jallab, Mouna Soualem, Naidra Ayadi et Hiam Abass qui forment la famille éponyme. On citera également Slimane Dazi dans le rôle du père Oussekine, Kad Merad incarnant l’avocat Georges Kiejman, et l’impeccablement détestable Olivier Gourmet qui déploie une force impressionnante pour porter le Ministre Robert Pandraud à l’écran.


Fort d’un casting éblouissant, d’une reconstitution irréprochable et d’une puissance émotionnelle radicale, Oussekine est un récit à l’ampleur politique et à la construction dramatique remarquables. Disney+ prouve avec cette série que ses programmes tendent désormais à accompagner les histoires importantes qui méritent, plus de 30 ans plus tard, d’être racontées dans le meilleur écrin possible. Antoine Chevrollier signe une réussite essentielle et engagée qui révolte autant qu’elle passionne dans son approche méthodique des évènements qui suivent le drame. Mais avant tout, Oussekine est une série à l’humanité frappante sur le deuil d’une famille heurtée par une politique violente et un racisme omniprésent. On dirait presque que ça se passe aujourd’hui, tiens.

Crédits: Disney+

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