SYNOPSIS: Rahim est en prison à cause d’une dette qu’il n’a pas pu rembourser. Lors d’une permission de deux jours, il tente de convaincre son créancier de retirer sa plainte contre le versement d’une partie de la somme. Mais les choses ne se passent pas comme prévu…
Asghar Farhadi, en grand habitué de la Compétition Officielle du Festival de Cannes, était cette année à nouveau sur le tapis rouge pour y présenter Un Héros, son nouveau film, retour dans son Iran natal après son aventure espagnole de Everybody Knows il y a 3 ans. Et à défaut de n’avoir jamais décroché une Palme d’Or, Farhadi partage avec Un Héros le Grand Prix avec le lumineux Compartiment n°6 de Johu Kuosmanen. Retour sur l’un des temps forts de la dernière compétition cannoise. Le long-métrage nous raconte l’histoire de Rahim, alors en permission d’une peine d’emprisonnement pour le non remboursement du prêt qu’il a fait à son ex beau-frère. Retrouvant sa compagne qu’il prévoit d’épouser à sa libération, cette dernière lui apprend qu’elle a trouvé dans la rue un sac rempli de pièces d’or qu’il peut utiliser pour éponger sa dette. La somme n’étant pas suffisante, Rahim, pris de remords, décide de rendre le sac à son propriétaire. Très vite, son action attirera l’attention des médias et la vie de ce « héros » deviendra virale jusqu’à la bascule.
Véritable architecte du social qu’il dépeint constamment à travers ses films, Farhadi sait y faire avec ces figures ordinaires qui font face à leur entourage, aux retombées de leurs actes et au tragique de la réalité. Un Héros n’échappe pas au schéma, peignant l’aventure médiatico-familiale de cet iranien dont l’honnêteté ne manquera pas d’être remise en doute. Rahim, protagoniste phare dans ce tourbillon en plein tribunal médiatique, est dépeint comme un homme intègre, au sens de la famille prononcé qui jongle à la fois entre sa situation économique, la dette astronomique qu’il doit régler, le divorce difficile qu’il a traversé avec son ex-femme et son fils bègue à qui son père manque. Mais loin des apparences et des évidences, Un Héros est construit en plusieurs strates, toutes en quinconces, qui transforme cette ode à la bienveillance en véritable torrent médiatique. Car la vérité doit-elle être remise en question par une simple omission ou par un petit mensonge ? C’est toute cette interrogation que le réalisateur iranien creuse en profondeur dans cette plongée humaine et dense à l’intérieur d’un compartiment social à la férocité et à l’impartialité terrible.
Un Héros est un film tout en nuances et en sérieux sur son sujet, n’oubliant jamais ses personnages dans son portrait politique et judiciaire scrutant la moindre ombre au tableau pour s’abattre sur les malheureux qui auraient la mauvaise idée de garder pour eux leurs secrets. Amir Jadidi campe ce héros éponyme, un grand sourire constant sur le visage, dont les images d’humilité et d’intégrité vont s’effriter à son dépend quand il sera emporté dans ce tourbillon médiatique auquel il n’a rien demandé. Il est accompagné par Rana Azadivar, elle aussi épatante, par Alireza Jahandideh et Mohsen Tanabandeh qui composent autour de Rahim les pièces d’un puzzle complexe et asymétrique dont la résolution ne peut se faire qu’au prix de la vérité.
De son intrigue particulièrement sobre à la linéarité classique, Farhadi signe une excellente proposition sociale à la portée universelle, profitant de sa mécanique narrative implacable et au tragique omniprésent pour peindre un drame humain complexe et moderne, jonglant avec la place des médias, le tribunal populaire des réseaux sociaux, le pouvoir des images et la versatilité de la popularité. Qu’est-ce qui fait de quelqu’un un héros ? Et combien de temps peuvent-ils exister dans un temps où tout le monde connaît à volonté tous les aspects de la vie des autres ? Un Grand Prix décroché ex-aequo à Cannes, Un Héros se pose comme un film très réussi, à l’épaisseur thématique imposante derrière une sobriété technique et une maîtrise scénique très solides, qui compte sur son casting radieux, son découpage narratif admirable et son propos assurément moderne pour étayer une plongée naturelle, redoutable, bienveillante et lumineusement humaine dans la rugosité d’un système à la puissance destructrice impartiale.
Titre Original: GHAHREMAN
Réalisé par: Asghar Farhadi
Casting : Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh, Sahar Goldust…
Genre: Thriller, Drame
Sortie le: 15 décembre 2021
Distribué par: Memento Distribution
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma