SYNOPSIS: PAYS BASQUE, 1609. Six jeunes femmes sont arrêtées et accusées d’avoir participé à une cérémonie diabolique, le Sabbat. Quoi qu’elles disent, quoi qu’elles fassent, elles seront considérées comme des sorcières. Il ne leur reste plus qu’à le devenir…
Si le mythe de la sorcière a très largement évolué ces dernières décennies dans l’inconscient collectif pour lui enlever son image de méchante Disney au long nez poilu et au rire démoniaque en la rendant plus humaine (avec par exemple l’univers de la saga Harry Potter), il n’empêche qu’elle porte avec elle les lourds stigmates d’une histoire violente et complexe que les arts contemporains tentent de faire connaître au plus large public possible. Ainsi, la sorcière est devenue un véritable symbole féministe par les massacres qu’ont signifiés ces chasses aux sorcières impitoyables et très souvent injustifiés où l’on condamnait à mort le plus souvent des femmes qui avaient eu le malheur d’être douées dans de nombreux domaines intellectuels visant à atteindre la très fragile « toute puissance » masculine. Par cette diabolisation de la femme qui a finit en alignement de bûchers partout à travers le monde, la sorcière est devenue martyr, icône féministe moderne qui nourrit de plus en plus d’œuvres à travers les arts. Et cette année, c’est le réalisateur argentin Pablo Agüero qui livre sa propre vision d’un procès de sorcières dans un film où la magie est absente – à moins qu’elle ne se trouve pas où on persiste à s’attendre à la trouver… Les Sorcières d’Akelarre nous fait suivre six jeunes filles habitant un petit village paisible dans le Pays Basque espagnol du début du 17ème siècle avant d’être enfermées par un Juge fraîchement débarqué à la recherche de renseignements sur le fonctionnement d’un rituel satanique, les accusant de sorcellerie en les condamnant au bûcher. Les filles, menées par Ana, décident de gagner du temps en trouvant des stratagèmes pour retarder l’exécution.
Par sa trame relativement simple, voire même limpide, Agüero cherche à atteindre dans son film un certain propos contemporain plutôt que de tisser une intrigue à la lisière du fantastique – bien qu’à certains égards de nombreux sortilèges sont lancés sur les personnages au fil du film. Avec le portrait de ces six jeunes filles qui traversent toutes sortes d’émotions de la panique à la solidarité intense dans leur cachot, Les Sorcières d’Akelarre met en images et en mots une inquisition violente et absurde où la moindre once de féminité est perçue comme dangereuse et où la beauté pure est signe de la présence du Malin. » Les hommes ont peur des femmes qui n’ont pas peur « , voilà ce qu’explore Agüero dans son récit de sorcières sans aucune sorcière, où la magie joue dans le paraître et dans les mensonges que construisent de toutes pièces nos protagonistes pour se défaire de l’emprise misogyne de ces hommes, produits d’un système violent et radical. Ainsi, même le manichéisme de ses personnages se montre logique dans la structure du film, dans la mesure où la fatalité prédomine constamment chez ces femmes seules contre tous, en attente inquiétées du jugement final. Par une succession de scènes où la violence est omniprésente – physiquement par de la torture ou psychologiquement par l’humiliation – Les Sorcières d’Akelarre se montre aussi particulièrement aérien dans sa mise en scène, rendant le ton du film d’autant plus souple et lui évite de cette façon l’approche sombre, nihiliste et sans profondeur d’un récit unilatéral et binaire. Akelarre trouve certains rayons de soleil dans son déroulé, donnant un soupçon d’âme traversant ses personnages désespérés qui se raccrochent à l’innocence désormais perdue de leur jeunesse. Cette innocence et cette joie étant les mêmes qui effrayent les religieux qui les retiennent.
En profitant de Alex Brendemühl, de Daniel Fanego et de Asier Oruesagasti dans le box des jurés, dignes représentants de mesures oppressives et inhumaines opérées par de nombreux gouvernements dans cette époque sanglante, Les Sorcières d’Akelarre se fournit un casting très juste, dominé par la solaire Amaia Aberasturi dans le rôle principal d’Ana, qui survole le film de son naturel et de son charme contagieux. Remise en contexte moderne de ces chasses aux sorcières, modèles de misogynie et de la violence patriarcale de notre Histoire, Les Sorcières d’Akelarre est une réussite ensorcelée, libératrice et flamboyante qui jongle avec la magie de son casting pour monter un drame historique à tendance fantastique dans ses embouchures. Pablo Agüero signe un film constamment dans l’air du temps à la mise en scène sobre et aérienne qui iconise et mystifie la forêt et ses protagonistes par ces grands angles particulièrement évocateurs pour peindre la quête de liberté de femmes condamnées à tort par pure haine d’un système oppressif et ignorant, dont la violence nous hante toujours aujourd’hui.
Titre Original: AKELARRE
Réalisé par: Pablo Agüero
Casting : Alex Brendemühl, Amaia Aberasturi, Daniel Fanego …
Genre: Drame, Historique
Sortie le: 25 août 2021
Sortie en DVD & Blu-Ray le 08 décembre 2021 chez Blaq Out
Distribué par: Dulac Distribution
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma