Critiques Cinéma

KAAMELOTT – PREMIER VOLET (Critique)

SYNOPSIS: Le tyrannique Lancelot-du-Lac et ses mercenaires saxons font régner la terreur sur le royaume de Logres. Les Dieux, insultés par cette cruelle dictature, provoquent le retour d’Arthur Pendragon et l’avènement de la résistance. Arthur parviendra-t-il à fédérer les clans rebelles, renverser son rival, reprendre Kaamelott et restaurer la paix sur l’île de Bretagne ? 

Dire que l’arrivée de Kaamelott – Premier Volet constitue un évènement incontournable dans le paysage cinématographique français serait un euphémisme. Et pourtant ce n’est rien comparé à son impact dans le cœur des fans qui ont depuis 2009 patiemment rongé leur frein. En effet comme nous l’avons passé en revue dans notre article Kaamelott : le Long Retour, le film s’est fait attendre plus d’une décennie et sa sortie dans les salles de cinéma relève presque du miracle. Comme si Merlin et ses capacités magiques douteuses avaient tenté des années durant de matérialiser le long métrage et qu’Elias de Kelliwic’h avait enfin été appelé à la rescousse pour réparer ces facéties dignes des mauvaises blagues du Rassemblement du Corbeau. Kaamelott est de retour, après nous avoir donné l’impression de vivre Un Jour sans fin. Oui Kaamelott est à nouveau sur le devant de la scène, cela ne fait aucun doute : le film s’ouvre au son des trompettes de la série télévisée et nous embarque pour des aventures d’une durée de deux heures. Le pari est audacieux, ce premier volet sort qui plus est dans un contexte assez délétère…gageons que les fans seront eux au moins au rendez-vous, peu importe les obstacles, puisque si le film sort enfin du cachot dans lequel il était enfermé, n’oublions pas qu’il ne représente que les bases d’une trilogie et qu’à ce stade rien n’est encore joué pour le futur. Mais ça vaut quoi Kaamelott sur grand écran après plus de dix années d’absence ? Alexandre Astier a-t-il encore le feu sacré pour continuer à bâtir l’univers qui demeure à ce jour l’œuvre de sa vie ?



Avant d’entrer dans les pures ramifications scénaristiques du film, intéressons-nous tout d’abord aux premiers impacts de Kaamelott – Premier Volet sur les spectateurs que nous sommes lorsque s’ouvre son épopée. En premier lieu la musique, composée par Alexandre Astier (comme énormément d’éléments du film car comme chacun le sait c’est un véritable artisan qui s’occupe de la plupart des pièces maîtresses de ses créations), d’ailleurs déjà disponible depuis novembre dernier. Les musiques sont extrêmement présentes dans le film et se révèlent indubitablement somptueuses. Le son de la salle de cinéma magnifie leur puissance et leur connotation d’aventures pour notre plus grand plaisir. Tout au long du film elles sont omniprésentes et au service de décors naturels et de costumes diablement esthétiques et détaillés. C’est d’ailleurs ce qui frappe dans ce premier round cinématographique : Alexandre Astier a fait le choix, lorsqu’il situe son action en plein air, de tourner dans de magnifiques paysages et le film leur rend indéniablement justice. Kaamelott propose néanmoins quelques effets spéciaux puisqu’ici, contrairement à la série, le but est de nous montrer ce qui se passe en dehors du château et d’enfin faire transparaître en live ce que les personnages ont évoqué durant des années au cours des épisodes dépeignant leurs quêtes et leurs lubies farfelues. Seules les bandes dessinées montraient jusqu’à présent le réel univers d’heroic fantasy qui se cachait derrière les portes de Kaamelott. Malheureusement, faute à un budget trop restreint, à un choix d’Alexandre Astier ou à un mélange des deux options, ce premier volet ne s’engouffrera pas réellement dans l’interstice que lui laissait cette voie cinématographique : ne vous attendez ainsi pas à voir un dragon survoler le royaume de Logres ou quelconques créatures fantastiques au sein du film. L’espace s’est élargi, la qualité de tout ce qui compose l’œuvre (abstraction faite d’éléments que nous développerons plus bas) également mais l’univers ne s’en retrouve pas particulièrement étoffé. Kaamelott agrandi ses décors, mais ses ambitions restent encore un peu à l’étroit, cloisonnées même en passant par la majestueuse case cinéma. Cela reste un peu dommage pour un film d’exposition, mais compréhensible.


Alexandre Astier l’a répété en interviews, avec ce premier film il veut surprendre et emmener les fans là où ils ne s’y attendent pas. Le créateur a ainsi expliqué à plusieurs reprises que le film était écrit de façon à ce que des personnes n’ayant jamais visionné la série puissent appréhender l’intrigue aisément et a résumé les choses ainsi : « le roi est absent depuis dix ans et il revient pour tout péter ».Ces propos ne se confirment malheureusement qu’assez peu à la vision du film. Oui, Kaamelott – Premier Volet sera facilement compréhensible pour les néophytes puisque l’histoire est effectivement très simple (peut-être trop d’ailleurs). En lançant les hostilités le réalisateur propose de toute façon, à la manière d’un Star Wars, un texte résumant brièvement le contexte dans lequel débutent ces nouveaux événements. Facilement compréhensible pour un non-initié oui, mais difficilement accessible selon nous. Compliqué d’imaginer que le film élargira réellement substantiellement la fanbase tant il est calibré pour les fans de la première heure, fans qui ne seront pourtant pas forcément entièrement contentés par le résultat final tant des éléments apparaissent perfectibles. Ensuite dire que le roi revient  » pour tout péter  » est également assez galvaudé. Dix ans se sont écoulés pour les fans mais également pour Arthur qui a disparu de la circulation. Certains imaginent qu’il est mort depuis longtemps, d’autres attendent sa providentielle réapparition. Le bougre n’a toutefois aucune envie de revenir, passe son temps à se plaindre, à vouloir retourner dans une sorte d’ermitage/anonymat et comme l’illustrera une scène clé du film n’est pas non plus spécialement sorti de sa dépression même si sa tentative de suicide remonte à dix ans. Arthur revient malgré lui, c’est d’ailleurs ce qui compose l’entièreté du long métrage mais il n’a aucune envie de tout péter. Exit donc le retour d’un roi combattif qui a repris du poil de la bête. En dix ans Arthur n’a finalement pas beaucoup évolué même si le film vise effectivement à le remettre à sa place de leader. D’ailleurs quid de ces dix ans ? Alexandre Astier a toujours eu à cœur de voir vieillir ses acteurs en même temps que leurs personnages et a vraisemblablement prix un malin plaisir à situer ses aventures dans une ellipse d’une durée équivalente à celle de l’absence de Kaamelott. Et pourtant nous ne ressentons pas foncièrement le poids de cette ellipse. Oui le temps a passé au royaume de Logres, oui nous sentons que quelques années se sont écoulées…de là à sentir la charge d’une décennie, pas nécessairement. Si un néophyte ne se sentira pas dépaysé, un aficionado non plus. Les personnages n’ont donc pas vraiment l’air d’avoir vécu (psychologiquement parlant) dix années de leurs vies depuis leur dernière apparition sur les écrans de nos télévisions.




Si la réalisation est globalement qualitative mais manque malgré tout de ce côté épique et iconique que nous aurions pensé trouver à plusieurs moments phares du film, le scénario apparaît quant à lui davantage déséquilibré. Difficile de dire concrètement si Alexandre Astier a pu écrire la version du film qu’il souhaitait ou s’il a dû composer avec l’agenda chargé des uns et des autres (et donc s’accommoder d’un nombre de jours de tournage très limité pour certains) mais quelque chose dérange. Le film regorge de personnages, il y en a toute une tripotée, des anciens, des nouveaux (notamment les saxons au look très punk), un festival défile avec cette sensation que peu ont fondamentalement la place nécessaire pour exister. Un aspect  » cahier des charges  » mélangé à une contrainte « tout le monde n’avait pas le temps d’être là  » se profilent assez rapidement, donnant le sentiment que presque tout le monde est présent mais pas toujours à la bonne place. Tout semble pourtant fait pour raviver la flamme et faire frétiller des réminiscences des heures de gloire de la série : Le Duc (Alain Chabat) et la Duchesse (Géraldine Nakache) d’Aquitaine, le roi Loth (François Rollin), Guethenoc (Serge Papagalli) et Roparzh (Gilles Graveleau) etc. sont au rendez-vous mais les interactions semblent un peu ternes. Comme s’il s’agissait de cocher les cases d’une check-list nostalgique sans apporter de nouveaux moments de joutes verbales d’anthologie. Entre certains dialogues qui tombent à plat et manquent de rythme et des interactions trop courtes pour réellement s’envoler, Kaamelott – Premier Volet nous laisse parfois sur notre faim. D’un point de vue comique autant que dramatique. Pour ceux qui se poseraient la question le film est d’ailleurs très orienté comédie, tentant de raccrocher les wagons suite à la scission opérée par les livres V et VI avec les précédents : un équilibre de ton (même si la balance était pour nous déjà parfaitement équilibrée dans les deux derniers Livres) semble avoir été trouvé au détriment toutefois de la qualité des deux registres qui doivent aussi composer avec un aspect très introductif viscéralement lié au rôle du film. Ainsi, outre l’absence d’interactions réellement savoureuses entre les personnages, et quelques dialogues qui ne font pas mouche, nous nous surprendrons également à remarquer l’absence de profondeur qui avait fait les beaux jours de la série. Qu’il s’agisse du magnifique monologue de Pierre Mondy (épisode 8 du Livre VI) ou de celui d’Arthur (neuvième et dernier épisode du même Livre), rien ne se hisse à la hauteur des envolées lyriques passées. Alors oui de beaux clins d’œil à la série sont présents comme Arthur qui semble ému devant une nouvelle table ronde bricolée avec les moyens du bord mais qui a l’avantage d’être bel et bien ronde, afin qu’aucun chevalier « ne se retrouve assis dans un angle », oui les gimmicks des uns et des autres sont présents mais les cahotements des personnages laissent souvent un goût d’inachevé. Presque tout le monde est là (nous remarquerons tout de même l’absence de Simon Astier), mais peu ont le temps d’exister…même en deux heures. Léodagan et Dame Séli (couple que nous avons connu plus en forme) semblent par exemple traverser cet opus tels deux spectres qui font acte de présence.



La structure du film y est probablement aussi pour beaucoup, très introductif, Kaamelott – Premier Volet pose les bases de sa future trilogie en réintégrant et traitant des enjeux tout juste introduits à la fin du dernier Livre : le pouvoir totalitaire de Lancelot. Ce dernier est d’ailleurs étrangement transparent au cours du film, à la limite de l’anesthésie générale, probablement une volonté d’Alexandre Astier puisque Le Chevalier du Lac avait été manipulé par l’énigmatique Méléagant…la psychologie de Lancelot restera toutefois un nouveau point d’interrogation à l’issue du film. Heureusement Kaamelott propose aussi beaucoup de belles choses, comme un nouveau jeu du Pays de Galle : ici pas seulement question d’écouter des règles tarabiscotées, l’épreuve a lieu en live au cours de scènes extrêmement drôles où incompréhension et bazar général se succèdent autant pour les spectateurs que pour les protagonistes. Précisons aussi que ce premier volet n’est pas tout à fait linéaire dans la mesure où il met en scène des flashbacks qui couvrent une petite période de l’adolescence d’Arturus (incarné par Neil Astier, l’un des fils d’Alexandre ; tous ses enfants apparaissent d’ailleurs dans le film), visant à approfondir la psychologie du roi. Bien que le film manque probablement de surprises (à vrai dire il n’y en a pas vraiment…) et de moments forts, il mettra tout de même en scène un passage inattendu qui a failli nous arracher une larme…et pour ça on lui dit un grand merci.



Au final deux heures ça passe relativement vite et trente bonnes minutes supplémentaires n’auraient pas été de refus afin de trouver un juste milieu entre exposition des enjeux et approfondissement des personnages. Nous regretterons quelques scènes de dialogues assez plan-plan qui tombent un peu à l’eau (majoritairement celles qui se déroulent au quartier général de Lancelot) mais saluons l’audace du film de transposer d’une bien belle façon son univers au cinéma. La production est qualitative et si le manque de budget a sans doute freiné les ardeurs du roi, le résultat est bien au rendez-vous. Mention spéciale, une nouvelle fois, aux magnifiques costumes. Difficile de savoir si au cours de ces dix ans Alexandre Astier a déjà écrit les volets 2 et 3 (c’est parfois sous-entendu dans certaines interviews mais sans que cela ne soit dit clairement, nous savons en tout cas que Monsieur Astier a une vision très claire des prochains films, lui qui évoque avoir en tête une  » couleur » par opus) mais ce qui est certain c’est que pour que ces derniers voient le jour (espérons d’ailleurs avec budget plus confortable), il va falloir aller soutenir massivement cette première pierre. Nous sommes heureux mais pas comblés. Mais heureux tout de même, et c’est bien là le principal. A dans moins de dix ans, espérons-le, pour la suite des aventures du roi Arthur et de tous les pignoufs qui l’entourent. Ah oui, et pour ceux qui ont la bougeotte, ne partez pas trop tôt : il y a une scène post-générique.

 

Titre Original: KAAMELOTT – PREMIER VOLET

Réalisé par: Alexandre Astier

Casting:  Alexandre Astier, Lionnel Astier, Alain Chabat…

Genre: Comédie, Historique, Aventure

Sortie le:  21 juillet 2021

Distribué par: SND

TRÈS BIEN

 

 

 

5 réponses »

  1. Critique très intéressante à lire !
    C’est marrant, parce que sur quelques points, j’ai eu un ressenti parfaitement opposé (par exemple, j’ai trouvé que la scène du Robobrol était too much, j’ai trouvé qu’au contraire, la plupart des personnages avaient assez bien trouvé leur place, etc). Mais après, c’est surtout une question de sensibilité personnelle et quoi qu’il en soit, j’ai beaucoup aimé lire votre point de vue.

  2. Je partage.. Mais une chose m’agace : le film est visuellement magnifique. Le risque c’était que la qualité du reste, reste en reste.. Je l’ai personnellement déjà vu avec Hero Corp, et ça se confirme. Alors qu’on ne parle pas de budget quand on peut montrer si grandiloquent :/
    Ça ne m’énerve ni ne me frustre, ça me blase. Est-ce inéluctable dans une œuvre ou est-ce le temps qui passe ?

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