Critiques Cinéma

LES 2 ALFRED (Critique)

SYNOPSIS: Alexandre, chômeur déclassé, a deux mois pour prouver à sa femme qu’il peut s’occuper de ses deux jeunes enfants et être autonome financièrement. Problème: The Box, la start-up très friendly qui veut l’embaucher à l’essai a pour dogme : « Pas d’enfant! », et Séverine, sa future supérieure, est une « tueuse » au caractère éruptif. Pour obtenir ce poste, Alexandre doit donc mentir… La rencontre avec Arcimboldo, « entrepreneur de lui-même » et roi des petits boulots sur applis, aidera-t-elle cet homme vaillant et déboussolé à surmonter tous ces défis?

Si la crise de la Covid-19 a bien provoqué quelque chose dans le fonctionnement interne de la société, c’est bien un réajustement radical des rapports sociaux au monde du travail. Le télétravail est devenu habituel, là où les réunions en visioconférence étaient alors surtout réservées à ces start-ups internationales qui communiquent par skype interposés avec des clients aux quatre coins du monde. Alors peut-être que par la force des choses, le nouveau long-métrage de Denis Podalydès est devenu un peu plus universel dans son propos que ce qu’il avait prévu d’être à son origine. Les 2 Alfred nous raconte l’histoire d’Alexandre (Denis Podalydès toujours au rendez-vous), un quinquagénaire subissant le départ de sa femme après un écart conjugal. Alors sans-emploi et responsable de deux enfants en bas-âge, il postule pour un job dans une start-up branchée où on l’accueille à bras ouverts. Cependant, il y a une condition sine qua non à son recrutement : il doit pouvoir être disponible H24 et par conséquent, ne pas avoir d’enfant. Ni une ni deux, Alexandre se retrouve enfermé dans un mensonge qui va le pousser à devoir tout faire pour cacher son secret.



Plaçant son intrigue et ses personnages dans une société ultra-connectée qui vient pousser à l’extrême le monde actuel dans un futur très (très) proche où les drones livrent les colis aux fenêtres, Podalydès dissèque la sphère du travail via cette très inhumaine start-up nation où seul compte le profit, et où l’on semble plus jouer au ping-pong qu’occuper véritablement un poste, sous la direction d’un jeune patron tête-à-claque au possible. De par son angle d’attaque, Les 2 Alfred s’aventure dans une vision pittoresque et aux portes d’une interprétation réactionnaire de la société actuelle. Si on s’attend alors au « c’était mieux avant » dans la finalité de ses développements, Bruno Podalydès se montre bien plus fin, mettant au centre de son intrigue ses personnages et amplifie grâce aux enjeux de son scénario leur humanité, prix rafraîchissant que le spectateur finit par décrocher à la fin du long-métrage. Les 2 Alfred est donc une plongée maligne et touchante dans un monde ultra-connecté et insensé au possible, en constant décalage avec la naïveté et l’inculture technologique d’Alexandre. Grâce à son ton absurde, bienveillant et un brin grinçant quand il le faut qui évite la médisance et la fermeture d’esprit qu’on taxerait aujourd’hui d’un « ok boomer » sur Twitter, Podalydès construit avec générosité une drôlerie imaginative et dans l’ère du temps qui vient gentiment moquer les dérèglements de cette société française en constant mouvement tout en mettant à chaque instant en exergue la beauté des humains qui la forment et qui lui donnent cœur.



Chaque film de Bruno Podalydès est également l’occasion de se retrouver devant un joli casting, et Les 2 Alfred ne fait évidemment pas exception à la règle. Si on retrouve l’habituel très attachant Denis Podalydès en tête d’affiche larguée par la vitesse d’exécution du monde qui gravite autour de lui (autant professionnel que sentimental) et frappé par une crise de la cinquantaine violente, on soulignera aussi la présence du metteur en scène dans le rôle du très attachant Arcimboldo, enchaînant les petits boulots à la chaîne avec un grand sourire constant, et une très jolie interprétation pour Sandrine Kiberlain incarnant une patronne à l’apparence austère de « tueuse » bien plus nuancée que ce qu’il paraît. A noter également la présence de la très talentueuse Luàna Bajrami, qu’on a pu voir dans le passé chez Céline Sciamma dans son Portrait de la Jeune Fille en Feu, ou bientôt dans le Ibrahim de Samir Guesmi. Une jeune comédienne overbookée qui irradie le film de son charisme magnétique dans un pourtant second rôle savoureux et touchant.


Évitant soigneusement et heureusement les propos sarcastiques et vieille école en prenant pour base une uberisation radicale sans jamais venir dénoncer gratuitement, Les 2 Alfred est une petite aventure profitant d’une fraîcheur lumineuse pour placer des personnages largués par la constante mutation de la société dans un futur pas si futuriste que ça. Doté d’un casting et d’une exécution technique propre et toujours bien dosée, Bruno Podalydès signe avec son nouveau long-métrage une mise en lumière de la solidarité, de la coopération, des contacts humains et de la modernité sous son sens le plus classique, au service d’un propos simpliste mais pourtant si nécessaire et forcément touchant. Car si la crise sanitaire que nous traversons a impacté tous nos rapports sociaux, il est toujours bon de se rappeler que nous ne gagnerons jamais trop à se rapprocher les uns des autres.

Titre Original: LES 2 ALFRED

Réalisé par: Bruno Podalydès

Casting : Denis Podalydès, Sandrine Kiberlain, Bruno Podalydès…

Genre: Comédie

Sortie le: 16 juin 2021

Distribué par: UGC Distribution

TRÈS BIEN 

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