ENTRETIENS

WE ARE WHO WE ARE (Interview avec Tom Mercier) « Luca te donne la liberté d’être qui tu es… »

À l’occasion de la sortie de la mini-série We Are Who We Are sur StarzPlay (à partir du 7 mars, un épisode par semaine), nous avons pu nous entretenir avec Tom Mercier, l’un de ses principaux acteurs. Il incarne Jonathan, un officier militaire qui travaille étroitement avec Sarah (Chloe Sevigny), la mère du personnage principal, Fraser (Jack Dylan Grazer), désignée colonel de la base militaire qu’elle rejoint en Italie avec sa femme Maggie (Alice Braga). Entre les deux garçons se tisse une amitié parfois ambigüe alors que Fraser, à quatorze ans, explore sa sexualité et ses premiers amours…



Vous tenez ici votre second rôle après Synonymes de Nadav Lapid : comment s’est passé votre rencontre avec Luca Guadagnino et comment êtes-vous arrivé sur le projet ?

Tom Mercier : Je pense que lorsqu’on débute dans le cinéma, dans les séries, et qu’on décroche son premier rôle, le second aura une très forte influence pour son interprète. Quand j’ai rencontré Luca en Grèce, c’était quelque chose d’assez nouveau de voir un cinéaste tel que lui. C’était étrange : il ne fait pas des auditions classiques. On se rencontre, on parle… Au bout d’un moment, tu attends qu’il dise quelque chose… Il parle de sa vie, moi de la mienne, c’est quelque chose d’assez naturel. Je crois que c’est quelque chose de propre à l’Europe. Aux États-Unis ou en Israël, par exemple, il y a tout le temps des auditions, c’est très sérieux, on a besoin de quelque chose de produit. Je pense que Luca a décidé de travailler avec moi car je suis resté vivre en France après avoir fait Synonymes, à Paris. J’ai continué à apprendre le français. Ce qui l’a attiré, je pense, c’est que je n’ai finalement pas quitté le rôle que je tenais dans Synonymes.

Quand j’ai commencé à travailler avec Luca, son but était d’abord de me faire sortir de ce personnage. Il avait ce pouvoir de me faire sortir de ma carapace. Je suis allé en Italie pendant six mois et je me suis métamorphosé : la langue était différente, je devais me mettre à l’anglais, j’incarne un soldat américain, juif, qui s’est installé à Detroit avec son père à 15 ans, qui n’a pas pu être une rockstar… et devenu officier exécutif dans une base militaire à la place !

Ce qui était bien avec cette rencontre, c’est que Luca te donne la liberté d’être qui tu es. Alors que je lui disais tout ce qui pouvait ne pas lui donner envie de me prendre pour ce rôle, il m’a justement répondu qu’il me choisissait parce que je n’avais pas l’expérience préalable : je ne savais pas tenir une arme, je ne savais pas tirer. La seule chose que j’adore, c’est le mouvement, la danse. Je pouvais accepter le côté physique d’un rôle militaire, je pouvais l’apprendre mais ce n’était pas quelque chose qui m’attirait personnellement. J’ai appris à tirer sur un stand de tir à Los Angeles, c’était impressionnant de voir cette vie américaine. J’étais très proche de l’entraîneur militaire, Hans Bush (il incarne le colonel McAunty dans la série, NDLR.), qui était notre référent sur le tournage. Il nous montrait comment faire le salut, comment bouger pendant une cérémonie… Il faut entrer dans ce cadre militaire tout en développant les relations avec tous les autres personnages, entre Jonathan et Fraser



Le monde de We Are Who We Are est binaire : il y a la base militaire où c’est le monde américain, très carré, et l’extérieur, l’Italie, où c’est un espace de liberté pour les personnages…

TM: Après des années passées dans une base militaire, je pense que tous ces personnages, le mien, ces ados, apprécient la vie hors de la base. Ils ont envie de s’amuser, d’aller à la plage, de faire comme s’ils étaient des enfants italiens et de se mélanger à cette culture qu’ils ne connaissent pas. Mon personnage a son appartement ce qui lui permet d’avoir sa propre vie en dehors de la base.

La série se déroule pile avant l’élection de Donald Trump. On sait que cette trame politique est en toile de fond…

TM: Quand Obama était encore président des États-Unis, il était parvenu à insuffler à l’armée cet esprit du « don’t ask don’t tell », pour permettre aux femmes et aux hommes de se libérer sexuellement, de ne pas vivre dans l’ombre et d’avoir leur propre vie. En même temps, la structure de l’armée n’a pas accepté ce changement à bras ouverts, ça a mis du temps à se construire. Il y a toujours de mauvaises choses du passé qui refont surface, et dans la série, lorsque les personnages de Chloe Sevigny et Alicia Braga arrivent dans la base alors qu’elles sont en couple, avec ce gamin new-yorkais hyper intelligent… on voit d’autres personnages choqués, comme le père de Caitlyn (incarné par Scott Mescudi, ndlr.), qui se pose des questions, se demande qui laquelle des deux va au supermarché… La série se passe pile au moment de ce passage de l’ombre à la lumière. Comme dans le livre Les Bienveillantes de Jonathan Littell qui commence avec cette phrase comme quoi un humain, tout au court de sa vie, cherche à se métamorphoser pour devenir le papillon secret qu’ils cherchent à être toute sa vie. Ce qui est beau avec mon personnage, c’est que lorsqu’il passe du temps avec Fraser, ce gamin, il peut lui-même devenir un papillon. Cette amitié, c’est un moment d’ouverture.

Propos recueillis par Gabin Fontaine

Remerciements : Mylène Dalmasso pour l’agence Zérovirgule

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