Critiques Cinéma

SHINING (Critique)

SYNOPSIS: Écrivain, Jack Torrance est engagé comme gardien, pendant tout l’hiver, d’un grand hôtel isolé du Colorado – l’Overlook – où il espère surmonter enfin sa panne d’inspiration. Il s’y installe avec sa femme Wendy et son fils Danny, doté d’un don de médium. Tandis que Jack n’avance pas dans son livre et que son fils est de plus en plus hanté par des visions terrifiantes, il découvre les terribles secrets de l’hôtel et bascule peu à peu dans une forme de folie meurtrière où il s’en prend à sa propre famille… 

13 longs-métrages réalisés entre 1955 et 1999, une œuvre à l’épreuve du temps, élevée par le public et la critique mondiale au rang de Temple, arborant chacune de ses occurrences comme étendards, comme exemple même de la maestria cinématographique, ayant révolutionné et transformé durablement l’industrie et la manière dont on fait les films… Stanley Kubrick est peut-être l’un des noms de réalisateurs les plus connus et les plus estimés au monde. Rare par ses productions (plusieurs années séparaient chacun de ses films), il n’en reste pas moins un metteur en scène de grand talent, qui a su explorer son sens de l’image, du rythme, du montage et du dialogue dans des œuvres denses et encore aujourd’hui étudiées et analysées dans toutes les écoles de cinéma. Et bien qu’il ait eu à cœur d’explorer tous les genres (la comédie avec Docteur Folamour, le film de guerre avec Les Sentiers de la Gloire ou Full Metal Jacket, la science-fiction avec son Odyssée de l’Espace, ou encore la fresque historique à travers Barry Lyndon), il y en a eu un dans lequel il s’est moins plongé. L’horreur. Et pourtant, il a malgré ça signé en 1980 l’un des films d’horreur les plus marquants et les plus mémorables de l’Histoire du cinéma avec sa seule approche du genre, souhaitant aller à l’encontre des tendances du moment. Le film ne se passera pas dans la nuit noire comme L’Exorciste, mais bien dans un jour blanc éclatant comme la neige. Et les fantômes et autres démons se feront bien plus discrets de ceux de Polanski dans son Rosemary’s Baby, relégués au second plan derrière un protagoniste aux portes de la folie. C’est en adaptant une œuvre d’un des plus grands romanciers horrifiques, Stephen King, que Stanley Kubrick explorera les entrailles de l’Overlook Hotel dans son désormais plus que culte Shining.


Pour celles et ceux qui auraient passé les 40 dernières années isolés dans un hôtel au fin fond des Rocheuses, Shining raconte l’histoire d’un père de famille, Jack Torrence, écrivain raté en manque d’inspiration, décidant d’accepter un poste de gardien d’hiver d’un gigantesque hôtel, l’Overlook, situé en plein Colorado. Il emmène alors sur place sa femme Wendy, et leur fils, Danny, possédant un ami imaginaire nommé Tony qui semble lui parler à travers son index, ainsi qu’un pouvoir lui permettant de voir des scènes passées et futures ainsi que de télépathie : le fameux Shining. Les jours avancent dans ce grand hôtel à l’allure de labyrinthe, et Jack se retrouvera aux prises avec son esprit, le poussant alors à vouloir faire du mal à sa famille. S’il en a le pitch, Shining n’a pourtant rien du film d’horreur contemporain aux œuvres citées précédemment. En ça, Kubrick s’affranchit des codes établis et des chemins tracés pour ouvrir une nouvelle page du genre. Et cela passe déjà par un remaniement du roman d’origine, scénario co-écrit avec Diane Johnson. Les deux scénaristes mettent gentiment à la porte les intrigues de fantômes et de démons du récit de King pour se concentrer sur les personnages. En particulier sur Jack, s’enfermant de plus en plus au sein de son esprit, signifié par la figure du labyrinthe, omniprésente dans le film. C’est également la forme que prend l’histoire, coinçant la famille au sein d’un dédale où la sortie semble bien lointaine et certainement introuvable. Jack est prisonnier de son esprit malade, de son isolement, de ses démons. Car ici les fantômes sont plus que métaphoriques, traduisant les maux d’un homme, la quarantaine, artiste raté, et violent. Kubrick prend un malin plaisir à nous priver d’explication paranormale pour mieux terminer sur encore plus de questions avec ce plan du cadre photo, qui aura fait naître un bon paquet d’analyses en tout genres pour tenter d’en percer le mystère.


A travers ces décors somptueux de l’hôtel, aux couleurs aussi douces et luxueuses qu’austères et au charme étrange, Shining soigne son apparence et son ambiance, combinant la minutie perfectionniste et la maestria technique de Kubrick. Il crée une imagerie percutante et picturale, en filmant ces montagnes à perte de vue, les couloirs interminables dont on garde longtemps le bruit des roues d’un tricyle sur ses tapis en tête, l’étroite et impossible chambre froide qui semble se téléporter entre deux plans, la chambre 237 en forme de salle de bain maudite au rideau de douche semi-transparent culte ou encore ce labyrinthe verdoyant puis enneigé en forme de terrain de chasse. Les décors traversent encore aujourd’hui le temps, arrivant jusqu’à s’immiscer dans le dernier blockbuster de son ami Steven Spielberg Ready Player One – à travers une scène à l’intérieur du film de Kubrick en forme d’hommage et de fantasme de pop-culture. Et on ne cessera pas de rappeler l’importance du casting du film, tout aussi responsable de sa réussite, même si bon nombre d’histoires, de on-dits et de légendes existent autour de la production et du tournage, viennent remettre en contexte et en perspective la façon de travailler de Kubrick. En premier lieu, le seul et unique Jack Nicholson. Venant d’enchaîner des immenses collaborations avec des grands réalisateurs avec Chinatown, Profession : Reporter, et son Oscar du Meilleur Acteur chez Milos Forman pour Vol au-dessus d’un Nid de Coucou, il est devenu un visage singulièrement culte du cinéma mondial, grâce à ses étonnantes expressions faciales et son approche unique des émotions. Il obtient chez Kubrick l’un des rôles les plus majeurs de sa carrière, conférant à Jack Torrence une dimension déchirée et puissante qui favorise en grande partie l’aspect horrifique et terrifiant du film : tout comme lui, il est imprévisible, incalculable, incomparable. En seconde ligne, on retrouve Shelley Duvall et Danny Lloyd dans les rôles de Wendy et Danny, figures elles-aussi majeures du paysage horrifique.


Cause d’un renouveau des standards horrifiques par son approche moins explicite et plus grandiose que ses contemporains, Shining reste encore aujourd’hui un modèle du genre, tant par son aspect que par ses propositions techniques. Il est par exemple l’un des premiers films à faire usage de la technologie de la steadycam, inventé par Garrett Brown, cadrant ainsi une très grande partie du film, après avoir testé sa création dans le premier Rocky, grimpant les escaliers en rythme avec son protagoniste dans l’un des plans les plus connus de cette période. Si sa maestria technique et artistique n’est vraiment plus à présenter et à justifier, c’est parce qu’en maintenant 40 ans et malgré son approche bien moins mainstream et accessible que bon nombre de ses semblables, Shining est une vraie proposition d’un grand auteur de cinéma qui s’essaie avec une grande réussite au genre pourtant périlleux de l’horreur, créant en même temps un tas d’images marquantes qui hantent encore et toujours les cauchemars de plusieurs générations. Il suffit de six lettres écrites au rouge à lèvres sur une porte pour faire trembler toute une partie du monde. Et si le mot REDRUM ne vous dit rien, nous vous conseillons alors d’aller passer un week-end à l’Overlook, où l’ambiance chaleureuse et accueillante saura vous détendre et vous vider la tête, tout en vous fournissant l’inspiration nécessaire pour écrire votre prochain roman !

Titre original: THE SHINING

Réalisé par: Stanley Kubrick

Casting: Jack Nicholson, Shelley Duvall, Danny Lloyd …

Genre: Epouvante-Horreur, Thriller

Sortie le: 16 octobre 1980

Distribué par : Warner Bros. France

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