SYNOPSIS: Différent. Une mère qui s’inquiète un peu trop. Un père absent. Un chef qui n’écoute jamais ses idées. Des acolytes jaloux et méchants. Zéro perspective d’évolution. Puis il y a ce logement dans une zone à risque .Cette belle étrangère qui ne le remarque pas. Des voisins terriblement dangereux. Bref, la vie de MOAH est compliquée. Et le fait que ce soit il y a 45.000 ans n’arrange pas vraiment les choses.
Produite par Empreinte Digitale pour OCS, Moah est le nouvel ovni qui débarque ce jeudi dans le paysage audiovisuel français. Décrite comme la première série française en prises de vue réelles sans dialogues ni musiques (précisons également qu’elle se déroule à la préhistoire), Moah a de quoi être déroutante, et un seul épisode ne suffit d’ailleurs pas à cerner les contours de projet. A quoi s’attendre en effet avec un tel concept ? Quid du ton choisi ? Si le synopsis semble nous aiguiller vers quelque chose d’assez léger et farfelu, cette première saison est plus riche dans ses thématiques que ne le laissent supposer les quelques éléments marketing sur le sujet. Alors, qui a envie d’aller apprendre la cueillette, la chasse et le troc ?
Empreinte Digitale et OCS ont déjà collaboré ensemble à plusieurs reprises par le passé : Lazy Company, Missions ou encore Les Grands sont des bébés qui sont nés de cette union. De très grands bébés puisque leur qualité a dépassé les espérances (enfin principalement Lazy Company et Les Grands en ce qui nous concerne). Au-delà de cette collaboration, OCS Signature a souvent été gage d’audace avec par exemple la délirante FranceKbek ou la pépite Vingt-Cinq. Mais l’audace ne suffit pas toujours à faire un bon programme, comme en témoigne la très décevante Nu qui avait été incapable de donner un réel intérêt à son concept, repoussant ainsi les limites de l’ennui et du brassage de vent, malgré quelques bonnes idées il faut néanmoins le reconnaître. L’occasion de se demander où se situe Moah dans tout ça ? Nous la situerons plutôt dans l’entre-deux. Moah a plusieurs cordes à son arc : déjà elle se déroule à la préhistoire et sur le principe nous trouvons ça très « hypant » ; ensuite elle est écrite sans réels dialogues (mais pas totalement muette pour autant). L’occasion toute trouvée de vous recommander subtilement la merveilleuse série animée (et également sans dialogues), Primal, joyau du créateur de Samurai Jack centré sur un homme et un dinosaure. A tomber. Mais revenons à Moah. Nous évoquions plus haut le ton de la série et il est assez difficile à décrire. N’espérez pas (ou ne craignez pas) dénicher un RRRrrrr !!! silencieux ni un La famille Pierrafeu revisité. En réalité Moah se veut « réaliste » sans réellement avoir la prétention de l’être, elle subodore que les comportements des personnages pourraient avoir été, à une telle époque, dans une situation géographique qui n’est pas connue, comme ils sont décrits à l’écran (ou pas), en y ajoutant des « gags » et quelques fantaisies, mais sans pour autant éluder des sujets moins légers comme les rapports sexuels (de l’époque), le meurtre décomplexé, la maladie ou le deuil. Il en ressort un mélange très particulier qui ne manque pas d’idées mais qui pourra néanmoins laisser quelques personnes sur le bord de la route car l’intérêt qui réside dans l’œuvre est surtout lié à sa réalisation, à son casting, à son ambiance et non pas à son « intrigue ».
L’équipe a tourné en Dordogne et a notamment pu s’établir aux Gorges de l’enfer : côté décors il n’y a donc rien à redire, c’est naturel, c’est beau, tout est réuni pour l’immersion. Côté costumes c’est la même chose, les frusques de nos hommes et femmes préhistoriques ont été créées avec soin et créativité, ce qui ne fait que renforcer davantage la crédibilité de l’ambiance et des environnements. Tout cela est au service d’un casting qui est à saluer. Nul doute qu’il doit être difficile de faire passer autant d’idées et d’émotions en gesticulant, en marmonnant, en criant, en crachant, sans se sentir un poil mal à l’aise. Les moyens semblent avoir été mis dans la série au service d’une liberté créative totale. Si le show demeure intéressant, nous ne pourrions pas dire qu’il en est pour autant captivant. Pourtant Moah dialogue avec son spectateur de bien des manières, notamment en projetant à l’écran les idées des personnages sous forme de mini-films afin de remplacer les dialogues et de nous faire comprendre concrètement ce qui se passe dans la tête d’un personnage ou pour illustrer un « dialogue » bâti de marmonnements. Au-delà de ces considérations, la série balaie les codes et rapports sociaux d’une petite tribu socialement hiérarchisée : il y a un chef, et ce dernier change souvent au fil des événements. La série n’hésite d’ailleurs pas à liquider ses protagonistes, y compris ceux qui semblent de prime abord fondateurs et indispensables. L’occasion de voir comment les autres personnages réagissent à ces disparitions via leurs rites et à travers leurs émotions, puis comment ils se réorganisent derrière. Suivant le chef imposé ou choisi, la tribu n’évoluera pas de la même façon et c’est une idée que la série va largement exploiter : si la nourriture reste l’obsession principale, cette dernière est souvent recherchée avec les moyens du bord et donc peu efficacement…mais les techniques du feu, de la chasse ou même le troc vont bientôt venir aider les uns et les autres et rééquilibrer les rapports de force.
Disponible ce jeudi sur OCS Max, Moah est un prototype tantôt contemplatif, tantôt amusant, parfois perturbant ; nulle inquiétude si lors du premier épisode vous ne comprenez pas réellement où la série veut en venir. Bien que l’aventure ne soit pas forcément captivante en tant que telle, elle n’est pas ennuyeuse pour autant, tout dépendra du degré de lâcher-prise et d’intérêt que vous investirez dans toutes ses autres qualités, en découvrant le quotidien de Moah, Gawaa, Courageuse, Hoquet, Tueur, Bec de Lièvre et tous les autres. Mais rien que pour l’audace et la qualité finale du projet, nous ne pouvons que vous encourager à y consacrer un peu de votre temps. Son format 26 minutes (en réalité les épisodes durent un peu moins) est parfaitement adapté à un visionnage malléable.
Crédits: OCS / Empreinte Digitale