SYNOPSIS: L’amour et la confiance d’un couple de cambrioleurs sont mises à rude épreuve lorsque Carol, pour liberer Doc McCoy enfermé dans une prison mexicaine, doit faire appel à Jack Benyon, malfrat de haut vol seul capable de le faire libérer.
Là, on ne va pas se faire des amis. On va peut-être même friser l’hérésie. Mais tant pis. Sans forcément prétendre à une différence écrasante entre un film culte et son remake majoritairement détesté, on va se contenter d’exprimer une sorte de quasi mise à égalité des deux films, et d’avouer une légère préférence pour une seconde adaptation qui, pour le coup et quoi qu’on en dise, se révélait bien plus fidèle au matériau d’origine. Car oui, à la base de Guet-apens, il y a un roman noir de Jim Thompson dont le contenu ne variait pas en regard de ses précédents : des paumés, des losers, des sadiques, des traîtres, bref des individus pour qui le simple fait de vivre est plus un fardeau qu’autre chose. Rien qu’avec ce principe-là, on pouvait légitimement penser que Sam Peckinpah était le cinéaste idéal pour une adaptation ciné dans les années 70 – ce que beaucoup auront validé. Et que remettre le couvert vingt ans plus tard avec un tâcheron hollywoodien aux commandes (Roger Donaldson, capable du très bon Sens unique et du très con Cocktail), qui plus est avec un couple de stars ultra-glamour en tête d’affiche, sentait bon la mauvaise affaire – ce que presque tout le monde aura pensé. Après avoir revu les deux films à la suite, osons avancer quelque peu contre cette lecture-là et redonner un peu de son prestige à un solide remake au look de « film-rétroviseur » qui ne méritait pas tant d’opprobre.
Incarnation du film noir old school pour certains, parangon de badass attitude machiste pour d’autres, le Guet-apens original n’était franchement pas ce que l’on pouvait appeler un « film de Sam Peckinpah ». D’abord parce que le projet tenait avant tout de la simple commande censée surfer sur le succès de Bonnie & Clyde quelques années plus tôt. Ensuite parce que le scénario fut un work in progress perpétuel à force de passer entre les mains successives de Jim Thompson et de Walter Hill (alors scénariste débutant). Enfin – et surtout – parce que l’indécrottable Steve McQueen ne se gêna pas pour interférer dans le processus créatif et imposer ses propres choix. En effet, ce dernier n’hésita pas à remplacer le compositeur attitré de Peckinpah par un Quincy Jones auteur d’une BO funky, à réclamer qu’on donne le rôle féminin principal à son épouse Ali McGraw, ou encore à adoucir le récit en troquant un final ouvertement tragique contre un happy end à la noix. Et le résultat crève l’écran : un gros véhicule promo pour star capricieuse, une actrice principale aussi utile qu’un pot de fleurs et aussi expressive qu’une tarte aux quetsches (elle s’en sortira mieux dans Le Convoi), de la badass attitude qui frise sans cesse la frime mal canalisée, des seconds couteaux caricaturaux au possible, sans oublier des velléités romantiques qui ne s’accordent pas toujours très bien avec le nihilisme sous-jacent de Peckinpah. Tout juste peut-on repérer la patte du cinéaste dans ce légendaire gunfight final, où McQueen fait cracher son fusil à pompe au ralenti dans une superbe ambiance de western, ou dans cette peinture d’antihéros torturés évoluant tant bien que mal dans une Amérique corrompue et filmée comme une décharge publique.
Le choix d’un remake de Guet-apens venait à la base de Walter Hill, désireux de réadapter son scénario original de 1972 en le réalisant lui-même avec Alec Baldwin dans le rôle principal. Sauf que des aléas de production et de budget auront contraint Hill à s’en aller tourner Geronimo, laissant le scénario atterrir entre les mains d’un Roger Donaldson au départ pas très intéressé à l’idée de remaker un film culte (il changera d’avis en constatant les variations). La grande place accordée à l’intrigue amoureuse convainc même Baldwin d’imiter la démarche passée de McQueen en proposant d’engager sa femme Kim Basinger pour le rôle féminin principal. Tout pareil qu’avant, donc ? Pas vraiment. Si la trame du récit ne s’écarte que très peu de celle du film de Peckinpah, il n’en va pas de même pour son contenu sous-jacent. Le gros point fort de ce remake tient surtout dans le fait que la perversité du roman original de Jim Thompson, autrefois gommée par les choix conformistes de McQueen, trouve cette fois-ci racine dans un panel de détails bien ciblés, allant d’un récit centré sur la duplicité du tandem amoureux jusqu’à des seconds rôles à l’ambiguïté plus prononcée. Sur le premier point, le couple Baldwin/Basinger se révèle parfait pour faire monter à dose égale le cynisme et le glamour, comme si l’objectif consistait à guetter le moment où le doute, aussi bien dans l’opposition que dans la reconquête, peut les faire chuter. Sur le second point, c’est peu dire qu’on se réjouit de voir Michael Madsen (en bad guy visqueux et retors) et Jennifer Tilly (en otage « retournée ») rejouer les partitions outrancières d’Al Lettieri et Sally Struthers en y intégrant un vrai romantisme tordu et un zeste de syndrome de Stockholm. Sans parler d’un James Woods qui, le temps d’une très courte scène, réussit à nous faire oublier la prestation de Ben Johnson dans le film original.
Plus généralement, là où le Guet-apens de Peckinpah laissait toute latitude à Steve McQueen et à son charisme animal, ce remake tente d’offrir un rééquilibrage global de toutes les composantes du scénario. Par exemple, même si l’on s’attendait à ce qu’Alec Baldwin soit incapable d’égaler Steve McQueen en matière d’animalité dangereuse (et c’est le cas), la satisfaction reste de rigueur en ce qui concerne le rôle féminin principal, désormais central et bien mieux écrit, qui permet à Kim Basinger – bientôt actrice oscarisée de L.A. Confidential – d’enterrer six pieds sous terre la prestation insignifiante d’Ali McGraw. Le hold-up, autrefois bâclé et traité comme une scène lambda, devient ici un modèle de suspense et de précision, pas si éloigné de ce que Kubrick mettait en pratique dans L’Ultime Razzia. Et la romance se traduit autant par une mise à l’épreuve des corps en toutes circonstances (la fameuse scène de la benne à ordures a été conservée et améliorée) que par une poignée de scènes de sexe particulièrement crues et sensuelles qui ont fait pour beaucoup dans la renommée du film. L’un des points forts de ce remake est aussi à chercher là-dedans, dans cette façon d’utiliser le désir pour rendre la poursuite plus intense et plus fiévreuse, là où le film de Peckinpah se vouait tout entier à exposer la puissance de son antihéros. Alors, certes, Roger Donaldson fait figure d’honnête technicien par rapport à l’énergie radicale du cinéaste de La Horde sauvage, mais sa mise en scène, carrée et sans bout de gras, a la décence d’opérer une solide illustration des rapports de force du récit. Et si le massacre final dans un hôtel mexicain (le même que celui du film original !) offre à nouveau une très forte dose de violence jouissive, il se voit suivi d’un happy end un peu plus immoral qu’avant. Au final, avec tout ça, on s’étonne que le calcul soit aussi bon. Redonnez donc sa chance à ce Guet-apens.
Titre original: THE GETAWAY
Réalisé par: Roger Donaldson
Casting: Alec Baldwin, James Woods, Kim Basinger…
Genre: Thriller, drame, romance
Sortie le: 06 avril 1994
Distribué par : Agence Méditerranéenne de Location de Films (A.M.L.F.)
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma
(evilashymetrie) Tu me donnes envie de le revoir, bien joué ! 🙂 Je n’ai en BR que le Peckinpah, je vais tâcher de trouver celui ci. (…en même temps j’ai bien réussi à choper le No Mercy avec Kim Basinger et Richard Gere en BR from Spain donc…)