Cher Roger Carel,
J’apprends à l’instant votre disparition et je ne peux m’empêcher de me précipiter sur mon clavier afin de vous dire à quel point vous avez compté dans ma vie. Comme toutes ces voix qui m’accompagnent depuis toujours, vous m’avez bercé de vos intonations, de vos facéties vocales, de votre timbre multiple devenu mythique. Vous avez inscrit dans ma banque de données des sonorités dont je ne me lasserais jamais. Vous parveniez à faire passer tant d’émotions, de l’humour, de la sensibilité, le tout par la grâce de nuances subtiles que seuls ceux qui ne savent pas écouter avec leur cœur n’entendaient pas. La farandole des personnages que vous m’avez fait aimer défile dans mes pensées alors que j’écris ces lignes et je sens poindre une véritable émotion. Car, non content d’imprégner mon imaginaire d’enfant, votre présence chaleureuse ne m’a jamais quittée, une fois l’âge adulte atteint. Tous ces héros, qu’ils soient animés ou non, vous leur donniez une vie plus dense, une présence plus grande, une identité plus forte. En regardant votre voxographie on reste sans voix pour le coup devant le nombre proprement ahurissant de personnages qui vous doivent tant. Tous les citer reviendrait à entamer la rédaction d’un bottin mais certains sont incontournables et représentent tellement bien l’acteur que vous sembliez être, jovial, enthousiaste, précis dans la rythmique et orfèvre d’une discipline dont vous étiez devenu l’un des rois : Comment oublier C-3PO, Astérix, Mickey, Benny Hill, le Hercule Poirot de Mort sur le Nil mais aussi celui incarné par David Suchet à la télévision, le Jerry Langford de La valse des pantins, M. Miyagi dans Karaté Kid, Bernard dans Les aventures de Bernard et Bianca, le Basil, Détective Privé, Wally Gator, Mister Magoo, Winnie L’Ourson, Alf, Cecil Colby dans Dynastie, Maestro dans Il était une fois l’homme, le Kermit du Muppet Show... La liste est infinie. Mais vous n’étiez pas que 1000 voix cher Roger Carel et il serait injuste que je passe sous silence le fait de vous avoir aimé aussi à la télévision et au cinéma, quelle qu’ait été la taille des rôle que vous y jouiez, jamais aussi important que lorsque l’on vous entendait c’est vrai, mais pas moins profondément vivant, ni talentueux. Que ce soit dans Les Saintes Chéries, Schulmeister, l’espion de l’Empereur, La Nouvelle malle des Indes ou au cinéma dans On a volé la cuisse de Jupiter, Le coup du parapluie, Papy fait de la résistance, La gueule de l’autre, Le viager, même si vous ne passiez qu’une tête, on se souvenait de vous y avoir vu, on se rappelait de votre voix et de votre bouille.
Il n’en reste plus beaucoup des acteurs comme vous capables de marquer des générations successives par la grâce de leur voix. Cette époque où la VO n’était pas la seule valeur cardinale et à raison, car les versions françaises y étaient soignées et travaillées, vous l’avez représenté avec un talent hors normes qui vous aura permis d’enchanter grands et petits. Vous incarniez tant et si bien vos personnages que votre voix était devenue indissociable de nombre d’entre eux et que par ce truchement elle est devenue centrale dans la bande originale de nos vies. Il ne se passe guère de temps en général avant que vous reveniez au creux de mon oreille tant vous faites partie intégrante de ma vie et vous allez terriblement me manquer. Je vous entends me ramener par la voix à ces vestiges de mon enfance, à ce retour au chocolat chaud devant la télévision, à ces moments de quiétude en famille perdus pour toujours mais suspendus dans le temps, quand j’étais dans la lune et que j’essayais tant bien que mal de vous emprunter vos intonations, je vous entends encore et toujours me donner cette part de plaisir que vous transmettiez naturellement parce que vous restez et resterez jusqu’à la fin des temps une part non négligeable de mon âme d’enfant.
Votre dévoué Fred Teper.
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