Cher Monsieur Dabadie,

© BALTEL/SIPA
« Vous qui pénétrez dans mon coeur, ne faites pas attention au désordre ». Il y a des semaines dont on souhaiterait qu’elles n’existent jamais, où certains des artistes qui nous sont le plus chers nous sont arrachés dans un même mouvement. Quelques jours après Michel Piccoli dans la bouche de qui vous avez mis quelques unes des plus belles répliques du cinéma français voilà que c’est vous qui nous faites le coup de l’adieu. Vous qui avez écrit quelques uns des plus beaux films de ce cinéma français que je chéris tant, vous tirez votre révérence dans votre bel habit d’académicien, sans même qu’on ait eu le temps de terminer de pleurer ce cher monsieur Piccoli. D’ailleurs en termine t-on un jour de pleurer ceux qui nous ont fait vibrer de tant d’émotions? Certainement pas. Je me souviens encore de ces mots que vous avez fait exister sur le papier avant que des comédiens de génie se les approprient et qu’ils ne deviennent des maximes ou des mantras dont on se délecte sans cesse.
Ah vous pouvez vous vanter de m’avoir fait rêver cher monsieur que ce soit par l’intermédiaire de vos sketches mythiques écrits pour Guy Bedos (Bonne fête Paulette, La drague…) à ces chansons où vous posiez des paroles si justes et si délicates pour les merveilleux interprètes qu’étaient Michel Polnareff, Julien Clerc, Michel Sardou, Serge Reggiani ou encore pour rien moins que Jean Gabin avec la magnifique chanson Maintenant Je sais. Mais ce sont les films que vous avez écrit pour lesquels j’éprouve encore et toujours une passion infinie, ces dialogues ciselés avec cœur et grâce, ces mots empreints d’amour et d’amitié qui font chavirer nos âmes de spectateurs. Vous trouviez la formule juste, toujours, ces expressions qui marquent en suivant ce postulat que vous dévoiliez en 2016 au Festival Lumière ! « Dépouiller au maximum, enlever les affèteries, les minauderies de langage. Écrire le plus simplement en pensant à son histoire, à ses personnages, au public aussi. »
J’en ai pris des claques pour la vie par l’intermédiaire de votre plume aérienne qui me faisait m’envoler vers les cimes où vos mots étaient les plus beaux, les plus doux, les plus à même de faire battre la chamade à mon cœur d’artichaut. Votre association avec Claude Sautet m’a changé pour toujours car les films que vous écriviez ensemble, que vous dialoguiez, sont devenus des phares dans ma nuit pour me donner l’impression d’entendre et de voir vivre sur l’écran des personnes réelles, dont l’humanité explosait constamment. J’aime et j’ai aimé jusqu’à la déraison Les Choses de la vie, Max et les ferrailleurs, César et Rosalie, Vincent, François, Paul et les autres, Une Histoire simple, Garçon parce que ces films m’ont fait entendre une musique qu’à n’en pas douter, vous impulsiez par la délicatesse de votre écriture.
J’aime et j’ai aimé jusqu’à la déraison Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis car vous aviez trouvé la note de l’élégance, de l’humour, de l’émotion, ces particules si rares qui font les œuvres éternelles dans lesquelles on se sent comme chez nous. Je ris systématiquement aux échanges de nos quatre amis et je pleure à chaque fois que Victor Lanoux dit à Guy Bedos: « il veut te dire que ta maman est morte ». Votre sens de la formule, de l’à-propos, de joindre les rires et les sanglots dans un même élan m’ont profondément marqué et touché.
Et comme si ça ne suffisait pas vous étiez aussi l’homme derrière Le sauvage, Salut l’artiste, Clara et les chics types, La gifle, Le silencieux, Violette et François, Courage Fuyons… Votre nom est indissociable de ces pages marquantes et inoubliables de ma vie de cinéphile et je tenais à vous dire même si il est trop tard que jamais vos mots ne me quitteront et que votre élégance et votre noblesse auront rendues mes jours plus heureux. Merci infiniment monsieur et bon voyage, on ne vous oubliera pas.
Votre dévoué Fred Teper.
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