Après sept tomes et huit longs-métrages (dont vous pouvez retrouver les critiques sur le site), Harry Potter reste toujours autant à la mode. Goodies à foison, soirées à thème, parcs d’attraction…le petit sorcier qui soufflait il y a peu de temps ses vingt bougies a beau avoir vaincu Voldemort il y a belle lurette, son héritage demeure. L’univers est toujours en pleine expansion notamment grâce aux Animaux Fantastiques qui après un premier volet convaincant s’est tristement effondré dans sa suite, prouvant par la même occasion que la franchise au sens large avait du mal à se défaire de Poudlard et de ce qui avait fait le sel d’Harry Potter. Alors quand en 2016 une pièce de théâtre Harry Potter fut annoncée, les fans sautèrent immédiatement de joie. Présentée officiellement comme une huitième histoire et donc une suite canon des livres, la franchise à succès qui a fait rêver petits et grands renaissait de ses cendres. La pièce a été écrite par Jack Thorne, scénariste prolifique capable du meilleur comme de l’ignominie (ses derniers méfaits en date étant sa participation à Star Wars IX ainsi que l’écriture du film Radioactive) d’après une idée originale de John Tiffany, J. K Rowling et de lui-même. Divisé en deux parties, le texte a été édité et est sorti en librairie, tandis que la pièce en elle-même a débuté ses représentations (et se joue encore en continu depuis, la distribution étant renouvelée au fil du temps) au Palace Theatre à Londres. Petit à petit Harry Potter et l’Enfant Maudit s’est forgée un nom jusqu’à s’exporter à Broadway, puis poursuivra sans nul doute son voyage dans les années à venir. Aujourd’hui nous vous parlons de cet Harry Potter 8, afin de boucler la boucle, et parce que refaire une incursion dans le monde d’Harry Potter cela met toujours un peu de baume au cœur, surtout en ces heures sombres.
Harry Potter et l’Enfant Maudit est un cas très particulier. Nous avons découvert le texte en 2016, l’avons lu d’une traite attablés à la terrasse d’un bar sous un beau soleil, avec une bonne bière sous le coude : puis au fil des pages nous avons pris une douche froide. Se déroulant après l’épilogue d’Harry Potter septième du nom, cette huitième histoire est une déception bien que nous notions quelques idées intéressantes par-ci, par-là. Digne d’une mauvaise fanfiction le texte propose une intrigue globalement peu inspirée et parfois incohérente malgré un angle d’attaque novateur dans la saga : l’histoire est centrée sur Albus Potter (l’un des fils de Harry et Ginny), fraîchement envoyé à Serpentard, et qui vit très mal la place qu’il occupe dans l’ombre de son père ; la pièce se concentre également sur Scorpius Malefoy (fils de Drago Malefoy) qui contre toute attente va devenir son meilleur ami. Harry Potter et l’Enfant Maudit semble évidemment vouloir rendre hommage à tout ce qui a fait le succès de la franchise auprès du grand public mais la dénature parfois maladroitement (et surtout dénature le personnage de Voldemort). Pire cette suite utilise le retourneur de temps, objet fétiche d’Hermione dans Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, afin de se permettre quelques fantaisies à base de voyage dans le temps. L’occasion de revivre quelques moments clés de la saga comme le tournoi des trois sorciers. Le gros problème de la pièce et nous nous demandons d’ailleurs comment cela a pu être cautionné par J. K. Rowling est bel et bien d’avoir inventé une progéniture à Voldemort… certains personnages ont un tel égo, une telle envie d’immortalité et sont tellement détachés de tout ce qui peut faire un être humain que l’imaginer ne serait-ce qu’une seule seconde féconder Bellatrix Lestrange ne colle pas du tout avec sa personnalité et sa soif de pouvoir (nous parlons quand même d’un mage noir qui a divisé son âme dans des Horcruxes…). C’est le point majeur qui pose problème dans la pièce. Notre cher Palpatine avait souffert d’une dénaturation similaire dans Star Wars IX en fin d’année dernière (mais lui il n’y avait malheureusement pas que ça de honteux dans son traitement…). Au final le problème de cette pièce, au-delà de la faiblesse de son histoire, n’est-il pas tout simplement qu’elle est présentée comme une suite officielle ? Cette dernière ayant été appréhendée comme un Harry Potter 8 par bon nombre de fans, uniquement sous le prisme du texte, le débat n’est-il pas faussé ? N’oublions pas qu’il ne s’agit pas d’un roman, mais d’un script, il faut l’avoir en tête même si cela n’excuse bien sûr pas tout.
De passage à Londres en novembre dernier, décidés à ne pas mourir idiots et parce que nous sommes des fans inconditionnels d’Harry Potter, nous avons franchi le cap. Nous ne devions d’ailleurs voir que la partie 1 de la pièce de théâtre, craignant de nous ennuyer (chaque partie dure environ 2h30-2h40, avec un entracte de vingt minutes). Puis la claque. La partie 1 nous a tellement subjugués que nous avons pris nos tickets pour la partie 2 quelques jours plus tard. Nouvelle claque. L’un de nos plus beaux moments lors de notre séjour à Londres, et bien plus savoureux et surprenant en ce qui nous concerne que les studios Harry Potter. La pièce est brillante, aide à relativiser le texte et à être plus indulgent avec lui ; à y voir un merveilleux spectacle plutôt qu’un texte médiocre et balisé. Car tout dans la mise en scène, dans la musique (superbe partition d’Imogen Heap au passage), dans les costumes, dans la distribution, transpire le professionnalisme, la générosité, le talent et l’envie de proposer un voyage de qualité. Le monde d’Harry Potter est là, dynamique, onirique, magique, avec des trucages qui laissent bouche bée…nous n’avons pas vu le temps passer et nous nous sommes régalés.
Dans cette suite Harry, Ron et Hermione sont devenus des adultes responsables avec des postes à responsabilités et doivent gérer leurs descendances parfois turbulentes et en quête d’identité…ce qui est surtout le cas pour Albus Potter que nous évoquions plus haut. Un retourneur de temps va venir tout bouleverser au risque de briser l’équilibre établi, surtout lorsque Albus va se mettre en tête de s’en servir pour sauver Cédric Diggory, ancien camarade d’Harry abattu par Peter Pettigrow juste avant la résurrection de Voldemort à la fin d’Harry Potter et la Coupe de Feu. Un programme chargé en perspective où Albus Severus Potter, qui jusque dans ses prénoms porte un lourd héritage, va essayer d’accomplir quelque chose qu’il juge exceptionnel quitte à mettre le monde sans dessus dessous. L’expérience que vous allez vivre devant la pièce sera bien entendu différente de ce que vous avez ressenti en lisant les livres ou en regardant les films, et si elle prolonge ce que vous connaissez déjà, elle le fait dans une ambiance visuelle et sonore qui lui est propre : une bonne opportunité de vivre de nouvelles choses au sein d’éléments pourtant déjà bien connus des fans mais qui sont réappropriés pour l’occasion.
Escaliers capricieux, Poudlard Express, ballet de baguettes, danse avec des valises, combats, sorts en tous genres, jeux de lumières, il n’y a pas à dire la scénographie est réellement impressionnante. Si la forme est importante et brillante, et quand bien même le fond est perfectible, le tout est au service de questions sur les relations parents/enfants qui demeurent pertinentes. Harry Potter est célèbre, adulé de tous, il a à son actif de brillants faits d’armes et sa famille doit vivre avec cela : là où certains s’en accommoderaient parfaitement et trouveraient cela flatteur pour leur image (être le fils de) Albus va devoir apprendre à façonner son avenir sans avoir l’impression de souffrir systématiquement de la comparaison. Si la distribution est particulièrement bonne, Jonathan Case qui interprète Scorpius, se démarque du lot par son dynamisme et son indéniable talent comique : c’est un plaisir de l’écouter dans ses digressions et de le voir jouer un Malefoy totalement différent des hurluberlus habituels.
Nous ne mettons pas 5/5 car objectivement le texte pris de façon isolé est une fanfiction de piètre qualité que nous nous sentions obligés de sanctionner un minimum. Nous ne pouvons néanmoins pas enlever davantage de points à cause de cela car en live la pièce est un véritable bonheur et nous retournerons la voir avec plaisir et grande impatience. Si vous êtes fan d’Harry Potter, que vous ayez aimé ou détesté lire le texte de la pièce, vous rendre au théâtre si vous en avez l’occasion est un passage obligé. Allez-y les yeux fermés car nous mettons notre main à couper que vous allez adorer. Et puis au fond même si nous le prenons comme une huitième histoire officielle, malgré sa qualité il faut relativiser l’impact que le texte peut avoir sur l’univers. Profitons juste du spectacle, après tout Harry Potter et l’Enfant Maudit a été façonnée dans ce but.
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