Critiques Cinéma

LES CINQ SECRETS DU DÉSERT (Critique)

SYNOPSIS: Rommel, Maréchal éminent de la Whermacht, loge avec plusieurs de ses hommes dans un hôtel construit dans le désert. John, un soldat de l’armée britannique, arrive sur place. Pour voler des informations capitales à la victoire, il va se faire passer pour un soldat allemand.

Après Casablanca de Michael Curtiz en 1942, voici un autre film qui se passe pendant la Sconde Guerre Mondiale en Afrique du Nord et mettant en scène des personnages de diverses nationalités coincés au même endroit et faisant face à la guerre et à l’espionnage. Billy Wilder et son co-scénariste et producteur Charles Brackett ont transposé Hotel Imperial, une pièce de Lajos Biro qui se passait pendant la Première Guerre Mondiale et qui avait déjà été adaptée à Hollywood à l’époque du muet. Ils ont écrit un film se basant sur des éléments réels (la conquête de l’Afrique du Nord par le Général Rommel et l’Afrikakorps) et qui venait tout juste d’arriver à l’époque du tournage (en janvier-février 1943). On pourrait donc penser que ce film s’inscrit dans les films d’effort de guerre américain, c’est-à-dire des films montrant la bravoure des soldats américains pour remonter le moral du public. Ici pourtant, on est du côté des Britanniques, et non des Américains, le personnage principal étant Anglais. Il est entouré par une bonne française et un gérant d’hôtel égyptien, des militaires allemands et des prisonniers anglais. Le début est in medias res et les cinq premières minutes du film sont exceptionnelles. On ne vous les révélera pas mais elles valent le coup d’œil. Ensuite le personnage principal va se retrouver enfermer dans un hôtel, un huis clos qui va exacerber les tensions et les doubles jeux (avec néanmoins une légère baisse de rythme au milieu). On retrouve l’obsession du réalisateur pour le travestissement et le déguisement, le personnage principal devant jouer un rôle pour sauver sa peau.

Dans le rôle principal, on trouve Franchot Tone, acteur populaire qui fait le job ici, même si son personnage n’est pas le plus intéressant. Le cinéaste voulait Cary Grant, qui refusa le film, comme toutes les offres de rôle que Wilder lui faisait, bien que les deux hommes fussent amis. On sent d’ailleurs que le rôle était écrit pour Grant, avec cette espèce de nonchalance qui surgit parfois dans certaines scènes, mais qui par conséquent ne marche pas toujours très bien (et Tone n’est pas Grant). En vérité, ce sont les seconds rôles qui nous ont le plus intéressés. L’immense acteur et réalisateur Erich Von Stroheim est impérial en Rommel. Sans en faire une caricature, il arrive à instiller une grande froideur qui vient nous déranger. Il retrouvera le cinéaste quelques années plus tard pour Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard, 1950) dans le rôle capital du majordome. Anne Baxter, alors en début de carrière, est excellente en personnage trouble de femme française appelée « Mouche« . Son accent français est plutôt bon et le personnage plus complexe que prévu. Son évolution au cours du film est d’ailleurs assez passionnante. L’actrice tournera ensuite avec d’immenses metteurs en scène, dont Alfred Hitchcock (La loi du silence) et Joseph Mankiewicz (Eve). Akim Tamiroff, acteur russe installé aux États-Unis, interprète Farid, le gérant de l’hôtel, et vole la plupart de ses scènes. Il campe un homme bon mais complètement dépassé par les événements et passe du registre comique au registre dramatique en un battement de cils. Le dernier plan se terminera d’ailleurs sur lui. On pense que le cinéaste a en quelque sorte réutilisé ce personnage dans l’un de ses derniers films : Avanti (1972). En effet, le directeur de l’hôtel est tout aussi gentil et empathique, même si beaucoup plus efficace.

Par ailleurs, Wilder et Brackett font un mélange des genres assez brillant entre le film de guerre, le film d’espionnage et le film d’aventures, ce qui confirme l’aisance avec laquelle le metteur en scène a et aura de passer d’un genre à l’autre avec succès. On pense aussi à l’influence d’Alfred Hitchcock, avec Les 39 Marches notamment. De plus, il y a toujours des touches d’humour réussies chez le réalisateur grâce à des dialogues brillants (par exemple : « Notre serveur est parti avec les Anglais à Alexandrie » « Et votre femme ? » « Elle est partie avec un Grec à Casablanca »). Enfin, on tient à souligner la magnifique photographie de John F. Seitz qui utilise le noir, quitte à ce que le spectateur ne voit plus très bien, et qui annonce le même soin au niveau de l’image pour les films suivants de Billy Wilder. Ce grand directeur de la photo participa à plusieurs autres films du cinéaste également remarquable pour leur image : Assurance sur la mort, Le Poison, et Boulevard du crépuscule. Il fut d’ailleurs nommé à l’Oscar de la meilleure photographie pour le travail qu’il fit sur les quatre films du réalisateur (sur un total de 7 nominations !).

Quelques bémols néanmoins : les avances et tentatives de séduction envers le personnage féminin, qui paraissent très datées et même franchement limites aujourd’hui, notamment de la part du personnage principal qui a quand même autres chose à faire que d’essayer de séduire la jeune femme. D’autre part, on apprécie moins la caricature faite du général italien, qui ne comprend pas grand-chose aux stratégies militaires et passe son temps à chanter et parler de Milan. On comprend cependant où Wilder veut en venir à la fin et l’on se doute en réalité que le metteur en scène aime beaucoup l’Italie (voir Avanti). Pour finir, le film dure 1h30 et on aurait aimé qu’il prenne un peu plus de temps, notamment dans son dernier tiers, ce qui est en vérité une forme de compliment pour nous, comme s’il était un peu court. Après la comédie très réussie Uniformes et jupons courts (son premier film en tant que réalisateur) et avant de tourner le chef-d’œuvre du film noir Assurance sur la mort (1944), Wilder se développe en tant que cinéaste. On retrouve notamment en filigrane ses thèmes de prédilection qu’il développera par la suite dans sa riche filmographie (des hommes moyens et banals face à des circonstances exceptionnelles, le déguisement…). Les Cinq Secrets du désert est donc un très bon film d’espionnage, d’aventures et de guerre. Bien qu’il ne soit pas un sommet dans la carrière de Billy Wilder, il reste un excellent divertissement d’une efficacité redoutable qu’on vous recommande ! D’ailleurs, en 2019, Quentin Tarantino l’a mis dans sa liste des 11 meilleurs films de tous les temps !

Titre Original: FIVE GRAVES TO CAIRO

Réalisé par: Billy Wilder

Casting : Franchot Tone, Anne Baxter, Akim Tamiroff …

Genre: Espionnage, Guerre

Sortie le: 14 novembre 1946

Sortie en Combo DVD Blu-ray le 12 novembre 2019 

Distribué par: Elephant Films

4 STARS EXCELLENT EXCELLENT

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s