SYNOPSIS: Lyra, une jeune orpheline vit dans un monde parallèle dans lequel la science, la théologie et la magie tiennent une place primordiale. En partant à la recherche d’un de ses amis disparu, Lyra va découvrir l’existence d’un vaste complot qui implique des enlèvements d’enfants. S’en suit une quête incroyable à la recherche de réponses concernant un phénomène étrange appelé : Dust, la poussière.
C’est l’une des plus grandes sagas pour enfants ayant été écrite à notre époque, et pourtant jusqu’à présent, sa seule adaptation l’avait maltraitée il y a près de dix ans. His Dark Materials, ou A la Croisée des Mondes en français, est de retour pour une nouvelle adaptation, fruit de la collaboration entre la BBC et HBO. L’œuvre de Philip Pullman a le droit à une nouvelle chance, avec une série chapeautée par Jack Thorne, à qui l’on doit notamment la controversée pièce Harry Potter et l’Enfant Maudit il y a trois ans.
Pour rappel, His Dark Materials, qui doit son nom à un poème de Milton, est une trilogie dont seul le premier livre avait fait les frais d’un film franchement décevant, malgré un casting en or et des moyens conséquents. Et des moyens, on le sent, que la BBC les a mis sur la table, ne serait-ce que pour les daemons, ces animaux qui accompagnent leurs humains en permanence. Mais après le visionnage des quatre premiers épisodes de la saison, il apparaît que malgré toute la bonne volonté du monde, ces moyens-là ne suffisent pas.
On se retrouve donc à Oxford, où l’histoire de Lyra, petite fille de douze ans, commence. Son oncle, Lord Asriel, a fait une découverte importante qui peut changer l’histoire de l’humanité. Mais il s’oppose à la fermeté des institutions qui, pour une raison que l’on ignore, tentent d’empêcher Asriel d’en savoir plus.
C’est le début d’une aventure pour Lyra, qui, engagée par la charismatique Mrs. Coulter pour l’assister à Londres, va découvrir un engrenage effrayant dont son meilleur ami fait partie…
L’histoire est connue de toute une génération, et dans le contexte actuel, cela fait forcément plaisir de voir une telle saga aussi complexe et aussi intelligente dans ses thématiques revenir en force. Surtout quand cette fois, les auteurs derrière la série sont anglais (Jack Thorne, donc), et qu’aucun risque d’américanisation n’est à prévoir. Pourtant, la douche froide est très rapide.
On se retrouve devant un Oxford timoré, avare en détails, et qui semble presque vide, malgré les décors utilisés. Idem pour les costumes, qui vont à la simplicité, peut-être trop simple, et aux effets spéciaux, dont on devine chaque fond vert. On se retrouve aussi devant une mise en scène terne, signée Tom Hooper pour les deux premiers épisodes, qui privilégie une caméra à l’épaule maladroite accompagnée d’un montage par moments calamiteux. On se raccroche alors au casting, excellent : Dafne Keen, sortie de Logan, est une excellente Lyra, là où James McAvoy impose tout son charisme en Lord Asriel le temps de quelques scènes. Ruth Wilson en Mrs Coulter fait ce qu’elle peut avec ce qu’on lui donne, mais elle est l’incarnation de ce qui manque à la série : une réelle plus-value qui n’apparaît que trop peu.
Certes, le casting se débrouille bien, mais il doit composer avec un scénario ronflant en mode automatique, qui coche chaque case et tue dans l’œuf toute tentative de créer de la surprise. Petit spoiler, mais pour celles et ceux qui savent qui sont les réels parents de Lyra, la mise en scène appuie trop lourdement sur le visage de ces personnages, nous faisant comprendre l’évidence… Et ça dure encore et encore.
Quant aux thématiques abordées par Pullman dans ses livres ? Elles sont quasiment absentes. Certes, la présence religieuse est bien là, avec le Magisterium et des prêtres. Mais toute la réflexion derrière la Poussière, et les croyances notamment ? Pour le moment elle est aux abonnés absents, là où la saga était une attaque frontale contre les systèmes religieux qui enferment l’individu dans une zone de pensée qui le rend aveugle à toute autre forme de croyance et de foi.
Et le problème, c’est que sans cette parabole, l’aventure perd énormément de son intérêt ! Si les créateurs de la série l’avaient annoncé dès la dernière Comic-Con de San Diego, il est dommage de les voir rechigner à traiter cet aspect de la saga qui tient pourtant beaucoup à cœur à Pullman et à une grande partie du lectorat. On rappelle que jusque dans son titre His Dark Materials (le « His » étant le pronom de Dieu), la métaphore des sombres matériaux chère à Milton et à son « Paradis Perdu » était déjà présente.
Est-ce la peur d’une nouvelle polémique de la part d’organisations chrétiennes qui avaient déjà attaqué la saga littéraire qui a refroidi Thorne et la BBC ? Le manque de motivation des créateurs de parler d’un sujet complexe dans un contexte tendu ? On l’ignore, mais toujours est-il qu’entre son manque de moyens visuels apparents et ses thématiques siphonnées par le bas, His Dark Materials n’est toujours l’adaptation que la saga de Philip Pullman mérite malgré quelques améliorations. On a quand même envie de jouer les prolongations, par affection pour le casting et parce que de telles adaptations forcent naturellement la curiosité, mais il est dur de réprimer une certaine déception face à ce résultat.
Crédits: BBC / HBO / OCS