SYNOPSIS: Paul Sheldon, romancier et créateur du personnage de Misery dont il a écrit la saga est satisfait. Il vient enfin de faire mourir son héroïne et peut passer à autre chose. Il quitte l’hôtel de montagne où il a l’habitude d’écrire et prend la route de New York. Pris dans un violent blizzard, sa voiture dérape dans la neige et tombe dans un ravin. Paul Sheldon doit son salut à Annie Wilkes, infirmière retraitée qui vit dans un chalet isolé. Annie est justement une supporter inconditionnelle de la belle Misery.
Avec ce postulat de départ, cette nouvelle adaptation du maître Stephen King aurait pu basculer dans le grotesque très facilement, mais il n’en est rien, et ce pour plusieurs raisons. En effet, le projet ne pouvait être qu’entre de bonnes mains car William Goldman et Rob Reiner sont tous deux des connaisseurs de Stephen King et avaient déjà travaillés ensemble auparavant sur The Princess Bride. C’est feu le grand William Goldman (décédé en 2018) qui adapte le roman de King, avec tout le talent qu’on lui connaît (Butch Cassidy et le Kid, Les Hommes du Président, Marathon Man, rien que ça !). D’ailleurs, il ne s’arrêtera pas au grand écran puisqu’il l’adaptera aussi au théâtre avec Bruce Willis et Laurie Metcalf en 2012. La surprise vient ensuite de la réalisation. On connaît effectivement plutôt Rob Reiner pour des films légers comme Quand Harry rencontre Sally, Princess Bride, le film judiciaire Des hommes d’honneur et le mockumentary (ou « documenteur » en français) Spinal Tap, des univers assez éloignés du film d’horreur. Mais en réalité il n’en était pas à son premier coup d’essai en portant un roman de Stephen King au cinéma puisqu’il avait aussi réalisé avec réussite une autre adaptation, moins célèbre que d’autres : Stand by me (1982). Avec Misery, il utilise le gros plan pour à la fois enfermer ses personnages (Paul Sheldon) et les faire envahir l’espace (Annie Wilkes) et utilise les décors pour appuyer cette impression d’enfermement (le dîner) ou faire une mise en abyme de cadre dans le cadre avec la fenêtre de la chambre dans laquelle le personnage de James Caan est enfermé. Il utilise ainsi le huis-clos (et la quasi-seule dynamique de l’affrontement entre deux personnages) à bon escient en en maximisant les effets dans sa mise en scène, et évite ainsi tout aspect théâtral. Par exemple, la fameuse séquence du marteau (par ailleurs moins violente que dans le livre) est un moment d’horreur anthologique, dont chaque spectateur se rappelle.
De plus, le jeu à la fois tout en nuances et imprévisible (énamouré puis agressif, car on le sait bien, « il ne faut jamais blesser ou trahir une femme ») de Kathy Bates fait d’Annie Wilkes l’un des personnages les plus terrifiants qu’on ait pu voir sur grand écran. L’infirmière attentionné devient bourreau psychopathe et torture son écrivain adoré pour avoir ce qu’elle veut : la suite de sa série littéraire préférée. Selon Rob Reiner, c’est William Goldman qui a suggéré Kathy Bates pour le rôle. Elle était alors prisée et reconnue au théâtre à Broadway mais inconnue au cinéma (malgré quelques petits rôles), et elle est ici tout bonnement incroyable. En 1991, elle reçoit d’ailleurs l’Oscar de la meilleure actrice pour sa performance inoubliable, ce qui lui permet de faire une entrée remarquée dans le milieu d’Hollywood avec la carrière que l’on connaît aujourd’hui (Titanic, la série American Horror Story…). Pour l’anecdote, elle sera d’ailleurs à nouveau présente en tête d’affiche d’une autre adaptation de Stephen King en 1995 : le drame psychologique Dolores Claiborne, réalisé par Taylor Hackford.
Pour lui donner la réplique, James Caan est formidable en écrivain dépassé par sa fan numéro 1 et qui se retrouve à sa merci. De nombreux acteurs d’Hollywood avait refusé le rôle, certains lui reprochant sa passivité, mais quand celui-ci fut proposé à Caan, il accepta car c’était un rôle très différent de ceux qu’il avait joué avant. Son côté séducteur et star américaine aux dents blanches marche très bien, et il révèle une étonnante palette de jeu en tant que victime au moment où le rapport de force change. Le titre prend alors tout son sens et révèle un effet de miroir : Misery est le nom du personnage principal qu’a inventé l’écrivain Paul Sheldon (James Caan) dans sa série de livres du même nom, mais c’est aussi ce qu’il va endurer (« misery » signifiant non seulement » misère » en français, mais aussi « souffrance », « détresse » et « malheur »). La souffrance spirituelle de l’écrivain va devenir souffrance physique. En effet, les rapports de domination et de pouvoir célébrité/fan (voire même homme/femme) s’inversent : le personnage actif devient passif et inversement. Ce jeu de domination et de survie se révèle palpitant de bout en bout, et au-delà du film d’horreur, Misery propose une mise en abyme sur le métier d’écrivain qui est jouissive, mais aussi une réflexion sur l’obsession compulsive des fans vis-à-vis de leur artiste préféré. Elle n’en est que plus pertinente aujourd’hui à l’heure des réseaux sociaux, et notamment avec les applications Instagram et Twitter qui encouragent et favorisent la relation fan/célébrité. Mais on pense également à la pression que les fans peuvent mettre de façon positive ou négative sur des œuvres et les gens qui les fabriquent (impossible de ne pas mentionner dernièrement la pétition populaire pour retourner la dernière saison de la série Game of Thrones).
On pourrait croire que le film a vieilli avec les années (il va avoir 30 ans l’année prochaine !), mais il reste tout à fait féroce, terrifiant et en même temps jubilatoire pour le spectateur. De plus, il est rare de voir un personnage féminin autant réussi qu’effrayant, donc on vous recommande fortement Misery, vous ne serez pas déçu.e.s de cette escapade dans les montagnes enneigées du Colorado !
Titre Original: MISERY
Réalisé par: Rob Reiner
Casting: James Caan, Kathy Bates, Lauren Bacall …
Genre: Thriller, Drame
Sortie le: 13 Février 1991
Distribué par: UGC Ph
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma
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