Critiques Cinéma

LE LAC AUX OIES SAUVAGES (Critique)

LE LAC AUX OIES SAUVAGES AFFICHE CLIFF AND CO

SYNOPSIS: Un chef de gang en quête de rédemption et une prostituée prête à tout pour recouvrer sa liberté se retrouvent au cœur d’une chasse à l’homme. Ensemble, ils décident de jouer une dernière fois avec leur destin. 

Le titre du nouveau film de Diao Yi’nan, Le lac aux oies sauvages, représente très bien sa mise en images : une formidable poésie abstraite. Esthétiquement, en effet, il s’agit sans conteste du plus beau film du festival pour le moment. Usant magnifiquement des couleurs au sein de ses cadres, le plus souvent de nuit, Diao Yi’nan procure un pur plaisir de la rétine à chaque instant sans pour autant délaisser sa caméra. Le début du film en atteste, raccordant un premier plan large plantant un décor urbain au ton verdâtre à un second plan très mobile, présentant le personnage féminin principal à travers un parapluie puis par l’intermédiaire de son accoutrement : un pull rouge et un sac vert. Évidemment, les mots peuvent difficilement égaler une mise en scène aussi envoutante, mais croyez bien que cette entrée en matière à de quoi cueillir le spectateur d’entrée de jeu, pour une scène qui sera morcelée tout au long du film.

Justement, si Le lac aux oies sauvages est irréprochable du point de vue esthétique, il l’est moins au niveau de la narration. En effet, Diao Yi’nan semble volontairement brouiller l’esprit du spectateur, à commencer par cette première séquence dont la place dans le récit est particulièrement floue, d’autant plus qu’elle est disséminée tout au long du film. Encore plus surprenant, une phrase prononcée par le personnage principal est carrément couverte par le bruit d’un train de passage. Le film a beau reprendre un code du film de braquage afin de provoquer du suspense chez le spectateur pour la suite, il n’en joue jamais dans les autres séquences ni dans son atmosphère générale. On peut également ajouter à cette impression de flou quelques détails comme le fait que le chef de la bande rivale ait un frère jumeau, ou que la police se déguise pour ressembler aux membres du gang. D’ailleurs, même le personnage principal va confondre le gang ennemi avec des policiers au début du film, une confusion aux conséquences dramatiques qui va non seulement lancer l’intrigue mais aussi sceller le sort du personnage.

le lac aux oies sauvages 1 cliff and co

Il paraît donc clair que Le lac aux oies sauvages joue de ce brouillage des lignes, créant une atmosphère en accord avec son esthétique nocturne de polar léché mais violent. On pourrait croire que le dynamisme du film en pâtirait et diminuerait l’intérêt du spectateur, or la mise scène est tellement maîtrisée qu’il n’en est rien. Afin de dynamiser sa narration visuelle sans jamais sacrifier son aspect poétique, Diao Yi’nan utilise constamment les reflets ou les ombres sur ses décors. Ce procédé crée ainsi tantôt des champ-contrechamps en un seul plan, notamment dans des scènes de poursuites, tantôt de magnifiques plans illustrant le statut d’errance des personnages. Car même si la confusion ambiante rend parfois difficile la pleine compréhension des enjeux et des alliances, Diao Yi’nan n’oublie jamais ses personnages et l’émotion qui peut en provenir. En construisant son récit sur une fuite croisée d’un homme et d’une femme, non sans défauts (l’homme a tué un policier) mais entourés d’un monde impitoyable, le réalisateur de Black Coal permet un attachement particulier à ces derniers. Sans la présence d’emphase émotionnelle y compris lors de la scène d’amour, le spectateur n’a finalement d’empathie pour les deux personnages principaux qu’en contraste avec la dureté du monde. Même à la fin du film, le sentiment d’injustice ne provient pas tant de l’action que du comportement des vainqueurs.

Diao Yi’nan déploie ainsi avec Le lac aux oies sauvages un polar assez fascinant, volontairement complexe dans son récit mais jouant habilement sur l’osmose entre son esthétique poétique et ses beaux personnages. Il manque un peu plus d’amour ou de séquences fortes pour en faire un coup de cœur, mais il mériterait amplement de remporter le prix de la mise en scène.

Le lac aux oies sauvages affiche cliff and co

Titre Original: NAN FANG CHE ZHAN DE JU HUI

Réalisé par: Diao Yinan

Casting : Ge Hu, Tang Wei, Liao Fan …

Genre: Thriller

Sortie le: Prochainement

Distribué par: Memento Films Distribution

TRÈS BIEN

1 réponse »

Laisser un commentaire