Critiques Cinéma

LITTLE JOE (Critique)

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SYNOPSIS: Alice, mère célibataire, est une phytogénéticienne chevronnée qui travaille pour une société spécialisée dans le développement de nouvelles espèces de plantes. Elle a conçu une fleur très particulière, rouge vermillon, remarquable tant pour sa beauté que pour son intérêt thérapeutique. En effet, si on la conserve à la bonne température, si on la nourrit correctement et si on lui parle régulièrement, la plante rend son propriétaire heureux. Alice va enfreindre le règlement intérieur de sa société en offrant une de ces fleurs à son fils adolescent, Joe. Ensemble, ils vont la baptiser  » Little Joe « . Mais, à mesure que la plante grandit, Alice est saisie de doutes quant à sa création: peut-être que cette plante n’est finalement pas aussi inoffensive que ne le suggère son petit nom. 

Little Joe, qui raconte l’histoire d’une mystérieuse plante qui change par des sécrétions le comportement des membres d’un laboratoire, n’a semble-t-il pas vraiment convaincu les foules. Style « fait pour plaire » à Yorgos Lanthimos présent dans le jury, récit pompeux à la musique très agaçante, les reproches sont durs mais ne sortent pas de nulle part. C’est que le film de Jessica Hausner possède un style très marqué, composé de lents travellings latéraux ou allant vers l’avant et l’arrière, filmant souvent les fameuses plantes pendant de longues secondes où s’appliquant à faire sortir les personnages du cadre. La musique quand à elle alterne entre des bruits stridents et des sons plus tribaux composés de flûtes et de percussions. Extrêmement répétitive, elle sert pleinement à installer une ambiance inconfortable chez le spectateur, d’autant plus que son aspect automatique devient rapidement agaçant. Cette mise en scène, sans être totalement fascinante, tient le spectateur en éveil malgré un rythme peu soutenu, voire carrément rigide. Quelque part, on pourrait comparer le film à La mise à mort du cerf sacré du même Yorgos Lanthimos cité plus tôt, présenté en Compétition il y a deux ans (et, ironie du sort, ayant reçu le prix du scénario). L’approche millimétrée très clinique est la même, mais Little Joe a le mérite d’avoir la grandiloquence en moins. Enfin, le mérite, cela dépendra du point de vue de chacun. En tout cas, le film reste en quelque sorte humble dans ses intentions, se gardant bien d’asséner de grandes leçons de morale, de montrer une violence complaisante ou une emphase trop pompeuse. Dans le même temps, c’est ce qui le rend peut-être pas assez ambitieux pour vraiment avoir sa place en Compétition, sans toutefois aller jusqu’à le qualifier d’épisode étiré de Black Mirror comme certains ont pu le faire. Le film de Jessica Hausner possède ainsi le paradoxe d’à la fois tourner un peu trop en rond dans son récit et de laisser le spectateur sur sa faim à l’arrivée.

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Néanmoins, Little Joe n’est pas non plus qu’un pur exercice de style totalement vide et contient des questionnements intéressants sur l’humain, les sentiments et plus particulièrement le bonheur. En effet, la plante vaporise une sensation de bonheur à ceux qui la sentent, mais elle vaporise également une substance étrange rendant les gens plus tout à fait eux-mêmes : ils ont l’impression de jouer leur propre rôle dans la pièce de théâtre de leur vie. A travers ce changement, Jessica Hausner interroge la différence entre l’être et le paraître dans la société moderne, ce qui fait de nous qui nous sommes et comment définir l’authenticité. Plusieurs fois, les proches des « infectés » disent ne pas reconnaître la personne qu’ils connaissaient, malgré un comportement imperceptible chez les autres. Le film nous dit ainsi très clairement que nous ne sommes authentiques qu’envers ceux que nous côtoyons au quotidien : notre femme, notre enfant, même notre chien.

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La relation entre le personnage principal et son fils apporte d’ailleurs une autre dimension, puisque son changement soudain vis-à-vis de sa mère peut être pris comme une métaphore de l’adolescence, cette période aux changements si brutaux et si incompréhensibles pour les parents. Une autre thématique encore est celle du bonheur, sa définition et à quel prix mérite-t-il d’être atteint. Car les infectés, en perdant toute empathie pour autrui jusqu’à devenir violents, l’affirment : ils sont heureux. De toute évidence, Jessica Hausner critique cette volonté typiquement moderne de chercher le bonheur à tout prix. Ici, il est atteint en coupant tout lien émotionnel avec les autres (sauf la plante) et en devant complètement égoïste. Enfin, les scènes avec l’employée prise pour une folle et la psychologue d’Alice permettent d’aborder un dernier sujet passionnant : peut-on, et faut-il nier son vrai soi pour survivre (ici, littéralement) en société ? A ce propos, le film semble suggérer à travers un ralenti sur son personnage principal qu’un doute est possible sur son sort, le problème étant que rien dans le scénario ne soutient cette ambiguïté.

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Little Joe ne passe ainsi pas loin d’être une vraie réussite tant les thèmes abordés sont intéressants, mais souffre cruellement d’un manque d’osmose et d’approfondissement dans son rapport entre le fond et la forme. Le récit pose ses bases mais ne progresse pas vraiment, ne bifurque jamais dans des sentiers inconnus, et manque d’idées purement cinématographiques pouvant embrasser son sujet. La déception est là, d’autant plus qu’il n’aurait peut-être suffit qu’une ou deux séquences vraiment marquantes.

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Titre Original: LITTLE JOE

Réalisé par: Jessica Hausner

Casting : Emily Beecham, Ben Whishaw, Kerry Fox …

Genre: Science Fiction, Drame

Sortie le: Prochainement

Distribué par: Bac Films

PAS GÉNIAL

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