Critiques Cinéma

AKOIBON (Critique)

akoibon affiche cliff and co

SYNOPSIS: Nader, un petit escroc, est contraint de se rendre sur une minuscule île du Sud pour tenter de débusquer Chris Barnes, ex-roi de la jet set et ami des stars, qu’une mystérieuse commanditaire veut coincer. Daniel, lui, a soudain planté femme et enfants pour venir y rencontrer l’énigmatique jeune femme à qui il a tant écrit par Internet. En chemin, convaincus que cela facilitera leur approche, Daniel et Nader décident d’échanger leurs identités…  

Si l’on voulait rester simple, on pourrait dire que c’est l’histoire de deux fugueurs qui débarquent sur une île peuplée de gens bizarres… Quoique non, ce n’est pas vraiment ça… On pourrait dire aussi que c’est un film dans le film, sauf qu’on aurait un mal de chien à en décrire la logique – celle-ci n’arrête pas de changer… On pourrait juste se contenter de dire que c’est un film réalisé par Edouard Baer, et là, tout de suite, les choses seraient un peu plus claires. Ceux qui raffolaient de ses absurdités barrées sur Canal+ ou de ses happenings théâtraux (Le Grand Mezze) gagneront ici à se sentir perdus. Et donc, késako, Akoibon ? Ni plus ni moins qu’un film impossible à étiqueter, un vaste mélange des genres qui ferait passer La Bostella – précédent film réalisé par Baer – pour un film choral de Danièle Thompson, un délire faussement nonsensique qui pousse très loin les curseurs de l’absurdité d’une situation bidon pour construire une réflexion sur la place de l’acteur au cinéma. Grosso modo, le début est simple : un petit escroc nommé Nader (Nader Boussandel) doit se rendre sur une île pour kidnapper son propriétaire, un dénommé Chris Barnes (Jean Rochefort), dont l’une des deux filles, Betsy (Marie Denarnaud), est convoitée par un certain Daniel (Edouard Baer) qui accompagne Nader sur l’île, tandis que l’autre fille de Barnes, Barbara (Chiara Mastroianni), s’ennuie ferme avec son gros beauf de mari (Benoît Poelvoorde), le tout clarifié autant que possible par un narrateur (Gilles Gaston-Dreyfus) qui dégagera fissa du film sous l’effet d’un coup de feu… Oui, certes, tout ça n’a pas l’air très simple. Mais à l’écran, ça l’est… Enfin non, pas dans les faits, mais plutôt dans l’effet…

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Ce qui peut sembler difficile à croire au premier abord, c’est que Baer ait visé à créer une vraie fiction, construite sur des ressorts issus de plusieurs genres (comédie, polar, drame, western, soap, musical…) et fonçant tête baissée dans une apparente absurdité narrative en vue de fouiller l’âme d’un cocon précis – en l’occurrence la société du spectacle. Cela peut rappeler sous certains aspects le méconnu Quoi ? de Roman Polanski, qui balançait un pitch façon « Alice au pays des pervers » afin d’explorer un étrange univers, recourbé sur lui-même et isolé dans sa dégénérescence autarcique. Le monde décrit par Akoibon devient alors simple à définir : un monde du spectacle coincé dans l’hédonisme pro-70’s et jamais réactualisé selon les normes actuelles (l’idée de situer l’action sur une île isolée du reste du monde tombe sous le sens), que Baer investit avec nostalgie et tendresse tout en y injectant son goût du décalage permanent – la présence d’un narrateur induit une mise à distance permanente. Ce que raconte le film n’a pour ainsi dire aucun intérêt, Baer ne faisant ici que lancer des pistes narratives (une intrigue policière, un quiproquo basé sur un échange d’identités, un spectacle à perfectionner, etc…) pour ensuite les laisser se dissoudre toutes seules dans le grand bain de la mise en scène. Tout ce qui compte, c’est de voir comment chacun essaie de sortir de son « rôle » dans un système qui isole au lieu de libérer. Bien sûr, c’est le cinéma français lui-même que Baer dézingue ici de l’intérieur.

Plus l’intrigue – si tant est qu’on puisse l’appeler comme ça – évolue, plus les ficelles du film artificiel et totalement creux que l’on regarde sont cassées les unes après les autres, révélées plein écran comme des artifices ne reposant que sur du vent, avec des acteurs tantôt critiques (Denarnaud) tantôt mécaniques (Poelvoorde) qui refusent aussi bien le cantonnement à un rôle figé que le cinéma commercial qui les instrumentalise. D’où un récit qui se réinvente sans cesse, qui essaye moins de chercher une logique narrative qu’à savoir comment il est possible d’en trouver une nouvelle (et d’en faire souvent l’enjeu d’une vraie scène de cinéma). D’où, enfin, cette touchante échappée finale sur fond d’une magnifique chanson de Moustaki, où la révolte et le désir de liberté face à un art qui s’encroûte dans les mêmes conventions s’invitent en douceur, l’air de rien, tout en fluidité. Un autre cinéma est-il possible ? C’est ce qu’Edouard Baer a souhaité mettre en pratique avec Akoibon, et on peut clairement affirmer que son audace s’est avérée payante. À tous ceux qui clamaient à la sortie du film d’avoir été gênés ou déstabilisés par le résultat, l’acteur-réalisateur répondait avec enthousiasme : « On peut dire que le film est raté, qu’on ne comprend rien ou que ce n’est pas drôle, mais on ne peut pas dire que ce n’est pas quelque chose ». Bilan : le film n’est ni raté ni incompréhensible ni pas drôle. Et il est bel et bien quelque chose. Du  » jamais-vu » ? Pas loin.

akoibon affiche cliff and co

Titre Original: AKOIBON

Réalisé par: Edouard Baer

Casting : Chiara Mastroianni, Benoît Poelvoorde, François Rollin …

Genre: Comédie, Aventure, Romance

Sortie le: 13 avril 2005

Distribué par: Gemini Films

EXCELLENT

 

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