SYNOPSIS: Dix ans après la mort d’une vedette de la télévision américaine, un jeune acteur se remémore la correspondance jadis entretenue avec cet homme, de même que l’impact que ces lettres ont eu sur leurs vies respectives.
Ce 8ème long-métrage du jeune prodige du cinéma moderne Xavier Dolan se sera fait attendre. On ira même jusqu’à utiliser le mot « désirer « . L’habitué du Festival de Cannes n’y présentera pas, cette fois-ci, son nouveau film, et ce à cause d’un tournage non terminé en 2017, puis suite à un remontage du film à l’édition 2018. On a donc suivi toutes les péripéties de Ma Vie avec John F. Donovan avec intérêt, tant on avait envie de voir la première occurrence anglophone du réalisateur canadien de 29 ans. Après un Juste la Fin du Monde en demi teinte (de part ses critiques assez mitigées), Dolan était attendu au tournant. Il inaugure un nouveau pan de son cinéma, et pour se faire, il s’entoure d’un casting anglophone 5 étoiles -comme l’était celui de son précédent film, on ne l’arrête plus. Il met ainsi toutes les chances de son côté pour séduire le plus large public possible. Et ce malgré le fait qu’il ait décidé pendant le montage de couper le personnage joué par Jessica Chastain, car il ne « s’insérait pas bien dans l’histoire ». Un choix osé et risqué, mais qui prouve que Dolan sait faire preuve de discernement et de courage en coupant une comédienne internationale d’envergure de son film, et on va le croire sur parole quand il dit que c’était la meilleure décision à prendre. Bref, nous voici au début de l’année 2019, et Ma Vie avec John F. Donovan va enfin sortir.
Le film raconte deux histoires en une. D’un côté, le John F. Donovan du titre est un jeune comédien, propulsé un peu malgré lui sur le devant de la scène par une série télévisée populaire, faisant de lui une « star » idolâtrée et la coqueluche des fans. De l’autre côté, Rupert, un jeune garçon d’une dizaine d’années, possédant une plume très avancée pour son âge et une imagination à toute épreuve. Mis de côté par ses camarades de classe le qualifiant de « différent », il envoie, comme une espèce de bouteille à la mer, une lettre à son acteur préféré, Donovan. Et surprise, il lui répond. S’entame alors une conversation de plusieurs années entre les deux, qui va provoquer de grands bouleversements de part et d’autre, allant jusqu’à de profondes remises en question existentielles. Bref, des thèmes que maîtrise Dolan. Cela devient en effet récurrent de voir le réalisateur canadien parler du rapport à la mère, à sa place dans la société, et à la difficulté d’être homosexuel dans la société actuelle. Il réitère ces thématiques intrinsèques à son cinéma, en y ajoutant une autre, particulièrement mise en avant dans ce film. La célébrité nouvelle et brutale de Donovan questionne le monde du cinéma, et particulièrement Hollywood, ses côtés sombres, et sa capacité à détruire la vie des gens aussi vite qu’ils sont arrivés dans la lumière des studios. Dans son scénario, Dolan questionne tous ces thèmes. A l’image de toutes ses précédentes productions, il fait vivre ses personnages dans des tempêtes d’émotions et de palpitations. Le film vibre au rythme des battements de cœur des personnages, et se présente comme un gigantesque ouragan, emportant John dans son sillage. Quand on y réfléchit, Ma Vie avec John F. Donovan est un Dolan classique, dans la lignée directe de ce qu’il a déjà fait. Mais il innove toujours du point de vue de ses thèmes et des points de départ de ses histoires. Dans ce film, il fouille dans sa propre vie, lui injectant au passage une valeur personnelle qui se ressent constamment de bout en bout. Le principe des lettres est quelque chose que Dolan a fait dans son jeune âge, et ça se voit. Certaines scènes prônent un aspect intime assez flagrant qui accentue cet effet réaliste et vivant.
En dehors de ses thèmes de prédilection, le metteur en scène propose une nouvelle fois ses marques de fabrique, avec des séquences musicales, souvent au ralenti, ou un découpage intimiste centré sur ses personnages. En plus de ça, la photographie est très marquée, et c’est une très bonne chose de voir que l’augmentation du budget se voit au-delà de ses têtes d’affiche. En parlant du casting, Kit Harington semble être le choix évident pour incarner ce John F. Donovan. Le comédien, propulsé sur le devant de la scène par le succès colossal de Game of Thrones, semble avoir la même histoire que le protagoniste, et on trouve audacieux de la part du comédien d’avoir accepté un rôle qui semble aussi autobiographique à la base lorsque l’on voit la finalité de l’histoire. A l’image de Dolan, il semble avoir un recul assez bienvenu sur les parts d’ombre du cinéma américain. Il campe donc un convaincant Donovan, touchant par instants (la séquence avec sa mère et son frère à la fin du film) et percutant à d’autres (lorsqu’un de ses collègues vient blaguer sur certaines rumeurs sur lui parues dans la presse).
On appréciera l’ambivalence du rôle, en regrettant tout de même qu’il n’aille pas plus loin dans l’exécution de cette idée. Au casting on notera aussi la présence de Jacob Tremblay, qui joue le jeune Rupert avec une simplicité qui semble déconcertante pour son âge. Il paraît extrêmement mûr, donnant à ses scènes une aura impressionnante. Il irradie l’écran, et parvient même parfois à voler la vedette à sa mère, campée par Natalie Portman, bien qu’elle s’en sorte admirablement bien (On pense à la scène de la télévision, ou les retrouvailles à Londres, qui figurent parmi les plus réussies du film). On soulignera aussi tous les seconds rôles, qui apportent aux personnages principaux la dose de vie et d’émotions dont ils ont besoin pour évoluer et mener à bien leurs remises en question profondes respectives (Susan Sarandon, Chris Zylka, Michael Gamblon, Kathy Bates… Tous merveilleux !)
Pour conclure, Ma Vie avec John F. Donovan est un long-métrage réussi, un pari singulier pour un réalisateur singulier. Il aura eu du mal à sortir, mais l’attente est enfin récompensée. Pour les fans du style Xavier Dolan, il sera dans la lignée directe de ses précédentes œuvres, même s’il peine à trouver la puissance de Mommy ou de Laurence Anyways par exemple (On regrettera quand même dans l’ensemble un manque de fulgurances et de scènes vraiment marquantes). Et pour les non-initiés, c’est probablement son film qui se veut le plus consensuel, donc le plus accessible. Ma Vie avec John F. Donovan serait un excellent point de départ pour découvrir l’œuvre d’un des metteurs en scène les plus atypiques du 21ème siècle.
Titre Original: THE DEATH AND LIFE OF JOHN F. DONOVAN
Réalisé par: Xavier Dolan
Casting : Kit Harrington, Susan Sarandon, Natalie Portman …
Genre: Drame
Date de sortie: 13 mars 2019
Distribué par: Mars Films
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma
J’avais très envie de le voir, eh bien ça se confirme !
Il faudra nous dire si c’était conforme aux attentes 🙂
Je le ferai et je mettrai la critique sur mon blog 😉
impec 😉
C’est vu et c’est plus que conforme aux attentes ! Ma critique ici : https://pamolico.wordpress.com/2019/03/20/tout-nest-pas-rose-a-hollywood-ma-vie-avec-john-f-donovan-xavier-dolan/ 😉 )
je vais lire ça avec attention 😉
très joli texte 😉
Merci ! 😁