J'ai quelque chose à vous dire...

J’ai quelque chose à vous dire… Robert Redford

Cher Robert Redford,

Aussi loin que je remonte dans ma mémoire de cinéphile, vous avez toujours été là, votre crinière blonde et votre sourire, votre bienveillance rassurante et votre allure, votre décontraction et votre sens inné de la séduction… Toujours là, mais paradoxalement d’une discrétion à faire pâlir toutes les superstars de la planète à la recherche des sunlights et des ors de la gloire. Vous, tout vous est acquis depuis longtemps et pourtant vous cultivez aux yeux du monde ce calme zen, cette distanciation de playboy qui vous va à ravir, ce sourire renversant que les hommes vous envient et que les femmes fantasment ou vice-versa on finit par ne plus trop savoir. Vous avez imprimé votre légende depuis de nombreuses décennies et le kaléidoscope de votre carrière fait des bonds dans nos mémoires comme une boule de flipper qui cognerait aux quatre coins de nos cœurs. Car vous nous avez offert tant et tant de souvenirs marquants que de voir l’Académie des César vous décerner un César d’Honneur n’est que justice. De votre fructueuse collaboration avec Sidney Pollack en passant par votre duo avec Paul Newman, de votre tandem inoubliable avec Dustin Hoffmann à votre mythique pas-de-deux avec Meryl Streep, jusqu’à votre Proposition Indécente à votre manière à nulle autre pareille de parler à l’oreille des chevaux puis de vos jeux d’espions avec celui en qui on a longtemps vu votre successeur naturel jusqu’à votre renoncement alors que tout est perdu, vous nous avez rendu accroc à votre sex-appeal et à votre talent indémodable pour lequel on se serait damné.

Vous dire que l’on vous aime avant qu’il soit trop tard et que votre nécrologie, sûrement déjà écrite par quelques cyniques hommes de presse ne paraisse, me semblait évident. On vous doit des émotions, des sourires et des larmes, des envolées phénoménales sur des partitions mémorables et pourquoi nous priverions-nous de vous le dire, de vous remercier d’exister et d’avoir rendues nos vies un peu moins tièdes qu’elles ne l’auraient été sans que nous ne nous foudroyions mutuellement dans la quiétude d’une salle obscure ? Vous ne vous êtes pas contentés de nous faire vivre Nos plus belles années à vous contempler sur un écran de cinéma vous avez aussi construit patiemment une œuvre de metteur en scène, en artiste rigoureux et total que vous êtes avec Des Gens comme les autres, en jouant à Quiz Show ou à observer Et au milieu coule une rivière

Et puis vous avez été l’âme de ce merveilleux Festival du film indépendant de Sundance du nom de votre personnage de Butch Cassidy et le Kid où sont venus au monde des cinéastes magnifiques qui, à leur tour, sont entrés dans nos vies pour ne plus jamais en sortir. Vous avez agi comme un passeur cher Robert Redford, et c’est aujourd’hui au tour de nos institutions de vous en remercier infiniment. Dans la galerie de personnages que vous avez porté au firmament, de Gatsby à Brubaker en passant par Joe Turner, Jeremiah Johnson, Johnny Hooker ou Bob Woodward, que vous soyez Le Meilleur ou le leader des Experts ou même à votre crépuscule de comédien, un vieil homme et son revolver, vous avez laissé dans nos vies la trace d’un soleil vif et lumineux qui vient réchauffer nos âmes les soirs où l’on considère que l’on va affronter La Poursuite Impitoyable ou La Descente Infernale. Vous êtes là aussi pour nous guider vers des récits plus doux, plus tendres qui font que l’on vous aime aussi, vous êtes un homme multiple, un artiste émérite, une figure emblématique et vous exhalez un parfum qui est tout sauf de  L’Arnaque, celui d’un Cavalier Électrique qui tenterait de dompter sans succès un animal paradoxalement soumis et généreux.

Je vous garde quoi qu’il en soit pour toujours et alors que vous êtes encore au sommet, une place dans mon panthéon personnel cher Robert Redford et je vous observe, vous qui avez si souvent parlé à travers vos films de la perte de l’innocence, je vous regarde, et vois au coin de vos yeux et à la commissure des lèvres, cet éclat toujours aussi vivace, malgré le temps qui passe, de la passion et de la détermination mêlées, deux des valeurs qui ont faits de vous un artiste engagé et intègre, qui n’aura jamais renié sur ses principes tout au long d’une carrière exemplaire. J’ai pris la plume aujourd’hui, comme toujours un peu ému de m’adresser à une de mes idoles, mais avec la certitude que je vous aimais pour la vie. Il y a des convictions moins belles.

Votre dévoué Fred Teper.

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