SYNOPSIS: 1976 à Djibouti, dernière colonie française. Des terroristes prennent en otage un bus d’enfants de militaires français et s’enlisent à une centaine de mètres de la frontière avec la Somalie. La France envoie sur place pour débloquer la situation une unité de tireurs d’élite de la Gendarmerie.
Cette équipe, aussi hétéroclite qu’indisciplinée, va mener une opération à haut risque qui marquera la naissance du GIGN.
Après un premier long-métrage remarqué en 2015 – La Résistance de l’air – Fred Grivois poursuit dans sa quête du renouveau d’action à la française avec L’Intervention. Ecrit avec Ileana Epsztajn et Jérémie Guez (Yves Saint Laurent, La Nuit a dévoré le monde…), le film nous plonge au cœur d’un événement méconnu du grand public : la prise d’otages de Loyada à Djibouti, alors encore Territoire français des Afars et des Issas, en février 1976. Un choix qui peut laisser d’abord perplexe, que l’on peut penser anecdotique mais qui, en vérité, se plie élégamment à l’exercice auquel il entend se livrer : un thriller choral sur les premiers instants du désormais célèbre GIGN.
Passée une séquence d’ouverture concise et nerveuse, qui entre d’emblée dans le vif du sujet et la mobilisation assez décomplexée d’une équipe de tireurs d’élite plutôt turbulents dont le collectif n’a pas encore (vraiment) fait ses preuves, L’Intervention se (et nous) prépare au siège. Une fois expédié le passage en revue des (trop) nombreux décideurs dont dépendent la vie d’une vingtaine d’écoliers et de leur institutrice, il paraît évident, hormis pour les tireurs, que la situation va virer (et camper) au statu quo. Mais ce qui aurait pu s’avérer d’un mortel ennui se révèle tout au contraire passionnant, en même temps que l’on sent le réal’, derrière la caméra, prendre son pied à filmer les préparatifs d’une équipe donnée outsider par les forces en présence. Il se plaît à s’infiltrer dans le groupe, à la dynamique bancale, qui semble constamment sur le fil, chahuté par des personnalités aux antipodes les unes des autres, dont la cohésion repose sur deux notions clés, mais fragiles : confiance et coordination. Dans le lead role, Alban Lenoir confirme son statut d’étoile montante du cinéma français en leader franc du collier, valeur plus que sûre du grand écran depuis Antigang, Un Français et plus récemment Gueule d’Ange, tandis que, toujours à ses côtés, Sébastien Lalanne bétonne le duo en implacable sidekick. L’alchimie entre les deux ne se dément plus depuis Hero Corp, et confère toute son épaisseur à cette unité de tireurs d’élite d’un nouveau genre. Si la composition de Michaël Abiteboul est un sans-faute, le duo chien et chat formé par le volubile Lorca (David Murgia) et le taciturne Larrain (Guillaume Labbé) est plus en demi-teinte. Loin des tonitruants Expendables, ces mecs-là jouent la guerre des nerfs, tapis dans le sable, l’œil rivé sur l’objectif sous un soleil de plomb, sur le qui-vive, stupéfiants de concentration. Mais lorsque le code est passé, et que survient le fameux tir simultané, L’Intervention trouve son apothéose dans un déchaînement haletant à la Call of Duty, le tout embelli par la photographie sans tâche de Julien Meurice.
S’il se raconte sur deux tableaux, le film peine à équilibrer ses deux pans de récit. Bien qu’elle concentre le plus grands nombre de protagonistes, toute la partie touchant au bus, des enfants aux preneurs d’otages, se cristallise autour du seul personnage de l’institutrice (Olga Kurylenko, dont on saluera la performance ultra convaincante en négociatrice improvisée, son courage et son self-control contredisant une vulnérabilité criante). Réceptacle unique des appréhensions et autres conflits intérieurs partagés entre eux, elle est le vecteur essentiel entre la tragédie et nous. Face à elle, les motivations des preneurs d’otages, évoquées succinctement, n’ont pas vraiment d’importance. A l’exception d’un moment clé, cet aspect du récit ne parvient pas à nous concerner au-delà du raisonnable, relégué au rang d’objectif, de cible, de croix sur une carte. Car, privé d’intermédiaire à l’inverse de 99% des films relatant une prise d’otages (on pense à The Negotiator, Inside Man…), c’est définitivement de l’extérieur que Fred Grivois aborde le mieux le cœur de son sujet : les débuts du GIGN. Pris sous cet angle unique, L’Intervention est une vraie réussite.
Si Fred Grivois a choisi de s’inspirer de faits réels pour son second film, il assume aussi de s’en éloigner assez largement (si l’on se base sur les documents officiels relatifs à cette opération), notamment concernant le nombre de protagonistes, réduit au strict minimum (la seule présence de Josiane Balasko en éminence grise vaut caution pour le gouvernement français, et les forces armées capitalisent sur la prestation honorable de Vincent Perez en général aux mains liées). Faute de moyens ? Pour assurer une meilleure lisibilité de l’action ? Qu’importe, finalement. L’épisode évoqué à l’écran suscite l’intérêt et la surprise aussi, et le film tient la route, purgé du superflu, pour ne conserver que la quintessence de ces quelques heures de tension extrême. Mais cette concision est autant un atout qu’un handicap, en ce qu’elle dépouille les évènements d’énormément d’émotions plus nuancées, plus contradictoires aussi, abordées tardivement dans un dénouement amer qui nous laisse sur le carreau. En allant à l’essentiel, L’Intervention s’éloigne assez ironiquement d’une partie de son sujet, et ne parvient pas à générer autant d’empathie qu’elle le devrait. Mais du respect, ça oui.
Titre Original: L’INTERVENTION
Réalisé par: Fred Grivois
Casting: Alban Lenoir, Olga Kurylenko, Sébastien Lalanne …
Genre: Action
Sortie le: 30 janvier 2019
Distribué par: SND
BIEN
Catégories :Critiques Cinéma