Critiques Cinéma

GLASS (Critique)

SYNOPSIS: Peu de temps après les événements relatés dans Split, David Dunn – l’homme incassable – poursuit sa traque de La Bête, surnom donné à Kevin Crumb depuis qu’on le sait capable d’endosser 23 personnalités différentes. De son côté, le mystérieux homme souffrant du syndrome des os de verre Elijah Price suscite à nouveau l’intérêt des forces de l’ordre en affirmant détenir des informations capitales sur les deux hommes… 

Il y a 18 ans, M. Night Shyamalan nous offrait une expérience avant-gardiste en proposant son aujourd’hui culte Incassable. Avant-gardiste car il allait de façon étonnante dérouler le tapis rouge à un nouveau genre de cinéma : le film de super héros. Incassable brillait par son sens du réalisme, présentant un personnage fan de bande-dessinée (Elijah Price, incarné par le brillant Samuel L. Jackson) qui, atteint de la « maladie des os de verre », voit en la personne de David Dunn (excellent Bruce Willis) un véritable super-héros, car seul survivant d’un violent accident de train. Le film traitait du doute de David, qui ne croit pas à son « don » alors que son fils et Elijah essayent de le convaincre qu’il est plus qu’un simple être humain. Shyamalan développait déjà l’idée d’une remise en question de la réalité, thématique qu’il maîtrise très bien étant donné qu’il est connu pour être le « maître du twist final ». Et un twist final, il y en a un dans Incassable. Et du genre qui a marqué les esprits. Le public espérait donc une suite aux aventures de David Dunn, si on peut parler d’aventures… Shyamalan n’a jamais été très clair au sujet d’un second volet. En plus de ça, sa carrière ralentissait de plus en plus…

Après quelques écarts malheureux dans sa filmographie (on ne citera pas de film, mais nous sommes sûrs que vous savez ce dont on parle), Shyamalan revient en 2015 avec un mystérieux film nommé Split. Il recrute celui qui était surtout connu pour être le jeune Professeur Xavier des derniers X-Men, James McAvoy, pour incarner Kevin Crumb, un jeune homme atteint de trouble dissociatif de l’identité qui a fait naître en lui 23 autres personnalités qui prennent le relais de son corps chacun leur tour. Split joue sur le terrain du thriller psychologique en flirtant avec le film d’horreur. Le film présente le personnage de la psychiatre de Kevin, qui l’étudie lui et ses « colocataires », plaçant l’intrigue du film dans un environnement ancré dans le réel. Là où Split a surpris, c’est que cette forme réaliste du récit bascule au profit d’une ambiance surréaliste, où une 25ème personnalité, qui est désignée comme La Bête, émerge de l’esprit brisé de Kevin. Cet amalgame de bestialité et de violence pure pose la question de l’esprit humain, et de ce dont il est capable pour se défendre. Et là où Shyamalan a fait fort, c’est que le twist ne se trouve plus dans le film, mais juste après le générique. Dans un café, des gens regardent le journal télévisé : une journaliste explique que « La Horde » est en liberté. La caméra se tourne, longe le bar, et laisse apparaître derrière les personnes accoudées au bar une silhouette familière. A ce moment, le visage de Bruce Willis, citant le nom de « Mr Glass » (le surnom de Samuel L. Jackson dans Incassable), fait un lien direct dans l’esprit du spectateur. En l’espace de 5 secondes, le cinéma a vu naître la trilogie la plus surprenante et la plus inattendue de son histoire. Trilogie car cette apparition n’est pas là en vain. Et si on en parle ici, c’est que cet événement marque l’actualité en ce début 2019 : Glass, troisième volet de cette trilogie sort dans les salles obscures. Reprenant tous les comédiens et comédiennes des deux films précédents, Glass a la lourde tâche de lier un film sombre racontant l’histoire d’un homme devenu super-héros malgré lui, et un thriller horrifique mettant en scène un homme brisé en 25 parties. Mais Shyamalan nous a prévenu : chacun de ces 3 films est « indépendant », dans le sens où ils vont fonctionner ensemble par l’univers, mais chaque partie de ce triptyque peut être considérée comme une œuvre complète en soi.

Glass se passe quelques semaines après la fin de Split. La Horde court toujours et continue d’enlever et de tuer des jeunes femmes. De son côté, David Dunn est devenu un justicier, aidé par son fils Joseph qui le guide via une oreillette. Alors qu’il se lance à la poursuite de La Bête, ils sont arrêtés et enfermés dans un hôpital psychiatrique, où ils retrouvent un Elijah Price mis sous sédatif à cause de son esprit supérieur. Voici donc le final de la trilogie : les trois figures de proue de la filmographie de M. Night Shyamalan, enfermées ensemble. Il y a quelques chose de culte et de mémorable dans cette idée, surtout que le réalisateur évite le plus gros piège de ce genre de production, celui dans lequel il aurait été très simple de tomber : Glass ne fait pas appel à du fan service existant juste pour calmer les envies de suite des fans de Split et Incassable. Ainsi, il avait raison : chaque pièce de l’œuvre existe en dehors des autres. Glass déconstruit le film de super-héros en même temps qu’il en déconstruit la figure en citant (littéralement) les productions Marvel et DC. Il est difficile de parler du côté méta et introspectif du film sans en dévoiler l’intrigue et le twist final, car tout repose sur l’évolution de la narration vers ce climax renversant et intense. Glass emprunte donc une réalisation proche d’une grosse production hollywoodienne pour ses scènes de combats tout en gardant le côté intimiste de Incassable. Et c’est là qu’il est particulièrement réussi : il a su réitérer l’effet du premier volet à sa sortie, mais en prenant en compte l’évolution du genre super-héroïque. En soit, Glass est tout aussi avant-gardiste que son grand-frère. Et c’est là la preuve d’une suite et d’un film réussi et important.

On ne peut pas évoquer Glass sans parler de ses comédiens. En tête d’affiche, le trio Willis/Jackson/McAvoy fonctionne parfaitement bien. Samuel L. Jackson et Bruce Willis n’ont en effet plus rien à prouver, et le montrent encore une fois en reprenant leurs rôles respectifs d’Incassable. Mais la réelle réussite du film est bien la performance habitée et stupéfiante de James McAvoy. Il nous avait déjà bluffé dans Split, mais il monte encore la barre dans ce nouveau film. Les personnalités se développent. Elles sont plus nombreuses, plus poussées, plus touchantes, plus nuancées… Le scénario propose des personnages qui sont déstabilisés. Ils se mettent à douter de leurs croyances, et c’est aussi le cas pour certaines personnalités de Kevin. James McAvoy prouve que sa performance n’est en aucun cas du mimétisme de personnalités stéréotypées : il EST ces personnes. Il fait corps avec elles, à l’image de Kevin. Leurs performances sont à la fois soutenues et contre-balancées par les personnages secondaires qui viennent compléter les figures « super-héroïques » des protagonistes principaux en leur apportant cette humanité qui leur manque par instant, raccordant encore une fois l’univers du film à la réalité. On peut noter les performances de Anya Taylor-Joy (créant une relation complexe et ultra crédible avec Kevin, incarnant sa potentielle unique faiblesse), Sarah Paulson (incarnant un personnage inédit dans cet univers, brillant par le fait qu’elle parvienne à se confronter à de telles têtes d’affiche sans qu’elle soit mise en retrait), Spencer Treat Clark (qui reprend son rôle du fils de David Dunn, qu’il tenait étant enfant) et Charlayne Woodard.

Tout se goupille bien, et Glass se révèle être la surprise qu’on attendait (si s’attendre à une surprise est une chose possible… Mais on peut s’attendre à tout avec Shyamalan…). Il développe l’univers d’Incassable et Split en bouclant la boucle et révélant ses derniers secrets dans un final ravageur. M. Night Shyamalan monte un film d’une efficacité remarquable, dans un genre qu’il a initié et que peu de réalisateurs pourraient maîtriser aussi aisément : le thriller de super-héros. Le public, qui commence à se noyer dans le flux incessant des productions super-héroïques, a bien besoin de revenir à l’un des films qui a, presque malgré lui, lancé cette vague : Incassable. Et à l’instar du scénario du film, Shyamalan boucle la boucle et tourne l’ultime page d’une édition limitée qu’Elijah Price aurait adoré lire étant enfant.

Titre Original: GLASS

Réalisé par: M.Night Shyamalan

Casting : Bruce Willis, Samuel L.Jackson, James McAvoy  …

Genre: Thriller, Fantastique

Sortie le: 16 janvier 2019

Distribué par: The Walt Disney Company France

4 STARS EXCELLENTEXCELLENT

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