SYNOPSIS: Des années 60 à Paris au début des années 70 au Canada, le parcours criminel hors norme d’un petit voyou de Clichy nommé Jacques Mesrine.
Si le biopic s’est généralisé dans le cinéma français, les stars de la chanson ou les artistes en général et leurs vies tumultueuses en ont souvent été le sujet privilégié (de La Môme à Cloclo en passant par Camille Claudel ou Van Gogh…). Les grandes figures criminelles hexagonales ont finalement eues peu de films marquants qui rendaient compte de leurs parcours hors normes entre violence et mégalomanie, qui finirent presque toujours par les conduire à leur perte, exceptions faites de Pierrot Le Fou (Jean-Luc Godard, 1965), Landru (Claude Chabrol, 1963), Flic Story (Jacques Deray, 1975), La Prochaine fois je viserai le cœur (Cédric Anger, 2014) ou Sans arme, ni haine, ni violence (Jean-Paul Rouve) sorti quelques mois avant que Jean-François Richet ne se lance dans l’adaptation à l’écran de la vie de Jacques Mesrine dans un film en deux parties extrêmement ambitieux et insufflé par la pugnacité et l’argent du producteur Thomas Langmann. Si en 1984 André Génovès avait dirigé Nicolas Silberg dans Mesrine, un film qui n’aura pas laissé une trace impérissable, c’est sur un scénario d’Abdel Raouf Dafri (qui avait créé en 2007 pour Canal + la série La Commune et qui co-écrira en 2009 Un Prophète de Jacques Audiard) adapté de l’autobiographie du criminel, Jacques Mesrine : L’Instinct de mort, que le projet se monte. Jean-François Richet, qui a démontré sa personnalité et son sens de la percussion avec notamment Ma 6-T va crack-er (1997) ou Assaut sur le Central 13 (2005), se retrouve aux commandes d’un film dont l’énormité laisse espérer une réussite à la hauteur. Le scénario de Raouf Dafri touffu et tendu, est parfaitement agencé, alternant les époques sans jamais nous perdre et nous plongeant dans la vie de celui qui défrayera la chronique plus que bon nombre de criminels, nous montrant même une part méconnue de la vie de Mesrine, qui est sans doute pour beaucoup dans sa bascule définitive dans la criminalité. Les années passées sous silence ne créent aucun manque et n’empêchent aucunement de densifier la psychologie du personnage incarné par un Vincent Cassel plus qu’investi.
Dans cette danse avec la mort que mènera Jacques Mesrine tout au long de sa carrière criminelle ce qui fascine le plus ce ne sont évidemment pas les exactions qu’il commet mais sa part d’humanité que le film retranscrit parfaitement. Comme toute grande figure du mal, Mesrine était pétri de contradictions et s’il possédait un sens de l’honneur développé, qu’il pouvait aimer son entourage (même si il pouvait violenter ses femmes ou mépriser ses parents), il semblait sincèrement aimer ses enfants. C’est aussi un homme qui tenta de s’amender et de rentrer dans le droit chemin mais qui, dès qu’un obstacle se présentait à lui, retombait inexorablement dans ses travers. Richet n’omet pas de le montrer dans son quotidien, capable de gestes de tendresse et d’élans d’affection mais aussi d’un grande violence que le réalisateur filme sans complaisance mais avec une redoutable efficacité. Sa réalisation puissante et sans fioritures témoigne d’un savoir faire et d’une élégance rares dans le cinéma français. Richet s’impose ici en digne héritier du Verneuil ou du Jacques Deray des années 70 et dans la droite lignée d’un cinéaste contemporain comme Olivier Marchal qui érige le genre en valeur cardinale. Formellement, L’Instinct de Mort est un pur morceau de cinéma, usant d’une grammaire classique mais témoignant d’une appétence et d’une véritable prédisposition pour filmer notamment des fusillades percutantes et réalistes. Il sait également faire monter la tension crescendo dans des séquences qui vous agrippent au col pour ne plus vous lâcher. Quant aux accès de violence de Mesrine, ils sont extrêmement impressionnants et rendent bien compte que son statut d’ennemi public numéro 1 n’était pas usurpé.
Forcément, une figure aussi marquante que Jacques Mesrine devait trouver un comédien charismatique et animal, capable de s’imprégner des contradictions et de la virulence du criminel pour l’incarner. Vincent Cassel trouve là un rôle évidemment fort mais il lui confère une incroyable présence, distillant au fil des scènes une palette de jeu hallucinante. Avec cette prestation, il impose une aura et un magnétisme qui lui permettent de tutoyer les sommets et d’emmener dans son sillage un casting de haut vol. Entre Gilles Lellouche, Cécile de France, Michel Duchaussoy, Myriam Boyer, Florence Thomassin, Abdelhafid Metalsi et Gérard Depardieu, Cassel est parfaitement entouré, Depardieu trouvant même là l’un de ses meilleurs rôles des années 2000. Couper le film en deux fut une solution salutaire pour ne rien négliger d’un sujet dense et cette première partie impressionne par sa fluidité narrative, sa percussion, son sens de la justesse offrant à Mesrine un film qui dévoile ses multiples facettes sans le porter aux nues ou le clouer au pilori. A la fois prenant et fascinant, dévoilant tout le clair-obscur d’une figure légendaire, L’Instinct de Mort est une entrée en matière idéale avant que L’Ennemi Public N°1 ne nous permette de juger ces deux parties d’un seul tenant, comme l’une des œuvres contant une des plus grandes odyssées criminelles du 20ème siècle.
Titre Original: MESRINE : L’INSTINCT DE MORT
Réalisé par: Jean-François Richet
Casting : Vincent Cassel, Cécile De France, Gérard Depardieu …
Catégories :Critiques Cinéma