SYNOPSIS: Odette a huit ans, elle aime danser et dessiner. Pourquoi se méfierait-elle d’un ami de ses parents qui lui propose de « jouer aux chatouilles » ? Adulte, Odette danse sa colère, libère sa parole et embrasse la vie…
Certains sujets ont besoin de l’écho que peut leur offrir le cinéma pour se propager comme une trainée de poudre jusqu’aux consciences des spectateurs et qu’à leur tour ils puissent se faire le vox populi et interpeller les ignorants. C’est d’abord par l’intermédiaire d’un spectacle dansé et parlé intitulé Les Chatouilles ou la danse de la colère pour lequel elle obtint le Molière du seule en scène en 2016 qu’Andréa Bescond a choisi de raconter son histoire personnelle et les violences sexuelles qu’elle a subies durant son enfance par un ami de la famille. En l’adaptant pour le cinéma Les Chatouilles perdait de facto la singularité de voir l’artiste endosser tous les rôles mais en réussissant admirablement à retrouver l’énergie et la vie qui rythmaient son récit et en se libérant de certaines contraintes formelles, Andréa Bescond et Eric Métayer réussissent un film étourdissant et nécessaire. C’était loin d’être gagné d’avance mais le tour de force de ce film est de ne jamais céder au pathos, de ne pas être uniquement un réquisitoire mais aussi et surtout une formidable leçon de vie et de résilience qui force le respect.
Les Chatouilles est construit de telle sorte que toutes les pièces du puzzle s’agencent remarquablement avec une fluidité confondante, les séquences fantasmées et réelles alternent dans un mouvement métronomique qui impulse un souffle narratif irrésistible, faisant autant la part belle à l’humour qu’aux non-dits qui donnent le frisson. Le film ne hiérarchise pas les émotions, il les fait se répondre avec précision et harmonie, nous emportant dans le sillage de son tempo sans nous permettre de reprendre notre souffle et jusqu’au centre d’un tourbillon émotionnel renversant. La mise en scène se permet des fantaisies qui pourraient être rédhibitoires mais qui au final sont des inventions pleines de poésie et de justesse, en témoignent les séquences géniales avec la psy interprétée par une impeccable Carole Franck, permettant de reculer la douleur qui étreint de plus en plus, jusqu’à l’étouffement. Les époques se chevauchent passant de l’enfance à l’âge adulte où l’enfant abusée est devenue une femme en fusion, cherchant dans les abus de substance et les relations éphémères à oublier ce passé destructeur et prête à faire sauter le couvercle de la cocotte minute de son cerveau en ébullition.
Cet état qui conditionne la venue de l’audace d’enfin pouvoir parler est parfaitement restitué à l’écran. Et si parier sur un récit qui fait la part belle à la légèreté pour évoquer un tel sujet était une véritable gageure, rien ne vient entraver ce choix d’auteur totalement assumé et mené parfaitement de bout en bout. Convoquant une distribution dotée d’une précision d’orfèvre dans toute la gamme des sentiments à distiller, le film propose des séquences de jeu bluffantes. Pierre Deladonchamps est glaçant, de sourires hypocrites en manipulations perverses, Clovis Cornillac, poignant d’humanité et qui rien qu’en une scène démontre des accents de sincérité magnifiques et Karin Viard, dans le rôle de la mère, qui ne pense qu’aux on-dits et auquel la comédienne confère une ambivalence et une dureté saisissante. On n’oublie pas non plus Gringe et Grégory Montel qui campent deux très beaux personnages qui participent à la reconstruction d’Odette. Et puis il y a Andréa Bescond bien sûr. Si le film tient évidemment sur ses épaules (et si la jeune Cyrille Mairesse qui joue Odette enfant est très douée), on ne s’attendait pas à une prestation aussi incroyable, mélange de rage, de douleur, d’abattage et de justesse qui en font une comédienne époustouflante. Avec Les Chatouilles, la forme et le fond se confondent pour donner un film bouleversant, drôle et énergique qui interpelle le cœur et l’âme. Magnifiquement entourée devant et derrière la caméra, l’onde de choc est propagée par une bombe thermonucléaire que vous n’oublierez pas : Andréa Bescond.
Titre Original: LES CHATOUILLES
Réalisé par: André Bescond & Eric Métayer
Casting : Andréa Bescond, Pierre Deladonchamps, Clovis Cornillac …
Genre: Drame
Sortie le: 14 novembre 2018
Distribué par: Orange Studio Cinéma / UGC Distribution
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Catégories :Critiques Cinéma
J’ai beaucoup aimé ce film. Très bien expliqué ci-dessus !!!!!!
Très beau film, très émouvant ….on en ressort secouée !!!!!!!