SYNOPSIS: Un cadavre démembré est retrouvé par une petite fille, à la limite d’une zone militaire. Entre scandale d’État et paysages glacés, une série policière scandinave dans la plus pure tradition du nordic noir.
La série scandinave se porte bien. Il y a eu le délicieux Rita venu tout droit du Danemark et refait à la sauce hexagonale avec Mathilde Seigner puis Natacha Lindinger rebaptisée Sam, l’hybride Américano-Norvégien Lilyhammer, et puis bien sûr, The Killing, en sa version originale suédoise, et en version made in Hollywood également. Le polar est un genre dans lequel nos amis du Nord excellent, et l’on peut maintenant ajouter Elven à la longue liste de très, très bons imports. Alors bien sûr, avis aux amateurs de légèreté, d’humour et de musique enjouée, vous ne trouverez pas votre bonheur avec cette série, perdue dans la campagne profonde de la Norvège, entre zone militaire, forêt mystérieuse et village qui s’asphyxie sous le poids des secrets. Le scénario, écrit par Kristine Berg et Arne Berggren (Prix Norvégien de Littérature, qui signe aussi la réalisation aux côtés de Margret Bergrheim), a ceci de particulier que le détective enquêtant sur le meurtre semble parfois être le seul à ne pas savoir de quoi il retourne. L’image de Martin J. Edelsteen est froide, marmoréenne, tout en clair-obscur et camaïeu de gris tandis que la musique de Geirmund Simonsen se glisse savamment au milieu des épisodes pour peupler les silences laissés par la pénurie de dialogues. C’est une enquête des yeux, surtout, un voyage dans la nature glacée, qui avance à un train de sénateur du Jurassique et qui risque d’en décourager plus d’un. Pour ceux qui apprécient ce genre de croisière au sein des ténèbres rurales par contre, on est ravi de vous dire qu’Elven est un vrai régal.
En se baladant au bord d’une rivière, la petite Silja (Wiola Wilmi) découvre la main tranchée d’un cadavre, flottant entre deux roches. Suite à un appel anonyme à la police, Thomas Lønnhøiden (Espen Reboli Bjerke) est chargé de l’enquête. Il se rend au domicile de la fillette et se rend vite compte que l’enfant et sa grand-mère Jenny (Mary Sarre) en savent plus qu’elles ne le disent. On ne tarde pas non plus à rencontrer la mère de la fillette, Grace (Ánne Mággá Wigelius), jeune femme un peu paumée qui travaille dans un bar, rêve de s’évader avec sa fille, et se prostitue pour arrondir les fins de mois. Le jour où Silja fugue, toute la ville se met à sa recherche, et c’est ce qui conduit Thomas à rencontrer Mia Holt (Ingeborg Sundrehagen Raustøl), officier de la base militaire de Djupelv, où elle dirige les manœuvres des nouvelles recrues. La Russie n’étant pas très loin, les tensions entre l’ancien empire des tsars et la Norvège se font sentir et Mia a franchement autre chose à faire que d’aider un policier à enquêter sur une disparition d’enfant. Sauf que, lorsqu’elle retrouve l’enfant en question, la donne change ; militaires, police, services de renseignements et villageois ordinaires se sentent tout à coup concernés et le mystère ne fait que s’épaissir à partir de là. Il est très rare de trouver un polar avec une intrigue aussi bien ficelée, et chapeau bas aux scénaristes d’Elven : on a beau penser qu’on sait où on va, la série trouve toujours un moyen de surprendre. Tous ces personnage sont des archétypes du genre que l’on connaît bien : le détective honorable qui veut juste faire son boulot correctement, la beauté mystérieuse qui travaille pour le gouvernement, la prostituée quelque peu naïve qui se retrouve prise dans quelque chose qui la dépasse… on les connaît ces gens-là, on les a déjà vus dans d’autres polars, d’autres films, d’autres séries. Mais la force d’Elven, c’est de parvenir à rafraîchir un concept qui pourrait sembler extrêmement vieux-jeu, et d’entraîner le spectateur dans un mystère qui se démarque puisque la question est moins de savoir qui a commis le crime que de comprendre pourquoi il a été commis.
Produite par Arctic Wonder AS, Elven fût d’abord diffusée fin 2017 sur la chaîne norvégienne TV3, avant d’arriver sur Arte cette année. Sombre, élégante, tournée avec beaucoup de caméra à l’épaule et de plans grandioses de la nature norvégienne, la série sait exactement ce qu’elle veut transmettre et prend tout son temps pour nous amener là où elle veut. C’est le genre de projet qui demande aux spectateurs une confiance absolue, sabotant nos attentes dans les premiers épisodes, pour apporter quelques éléments de réponses dans la deuxième moitié de la saison. Ça ne plaira pas forcément à tout le monde, et on peut comprendre que le florilège de séries policière fatigue, mais en l’occurrence, il s’agit là d’un très bon polar, bien écrit, bien mené, et tellement bien concocté qu’on lui pardonne d’être un peu déprimant.
Crédits : TV3 / Arte