SYNOPSIS: Dans un collège suisse, une jeune fille capable de communiquer avec les insectes retrouve la trace d’un assassin monstrueux.
Au cœur des années 80, Dario Argento était encore au sommet du panthéon personnel de toute une génération de cinéphiles fascinée par l’œuvre jusque là sans fausse note d’un cinéaste dont les 8 premiers films (il faut tout de même mettre à part Cinq Jours à Milan, petite comédie sortie entre 4 Mouches de Velours Gris et Les Frissons de l’Angoisse) ont poussé toujours un peu plus loin l’expérimentation formelle. Avec Phenomena, Dario Argento poursuit l’évolution entamée avec Suspiria (1977) qui l’a fait emmener le giallo sur le territoire du film fantastique et du film d’horreur et apporter une dimension plus personnelle, moins formaliste à son univers baroque si codifié dans lequel il signa ses premiers chefs-d’œuvre. Phenomena est en quelque sorte la rencontre fantasmée de Suspiria, des Frissons de l’angoisse, d’Inferno et de Carrie, le giallo et le film d’horreur rencontrant ici le thriller fantastique, genre alors en plein essor, notamment dans le cinéma américain qui met en scène des adolescentes dotées de pouvoirs surnaturels (on peut citer notamment Robin dans Furie de Brian de Palma, Charlie dans Firestarter de Mark L.Lester et bien sûr Carrie).
Jennifer (Jennifer Connelly), une adolescente partie d’Italie pour aller étudier dans un pensionnat de jeunes filles perdu quelque part dans les verdoyantes plaines de la Suisse, découvre qu’elle a le pouvoir de communiquer avec les insectes, ce qui va la mettre sur la trace d’un mystérieux tueur en série tel qu’on les rencontre dans un giallo. Ajouté à cela que Jennifer va être aidée par un entomologiste et son chimpanzé et on peut se demander si Dario Argento et son co-scénariste Franco Ferrini étaient à jeun lors de leurs séances d’écriture. Pourtant et sans nier que le résultat soit parfois inégal, que les dialogues sont particulièrement plats ou explicatifs, Phenomena a conservé avec les années un pouvoir de fascination intact quand d’autres films d’Argento, à priori supérieurs, ont à nos yeux moins bien résisté à l’épreuve du temps. Cela tient notamment à cet improbable et permanent mélange de genres, jusque dans la bande originale où Iron Maiden et Motorhead côtoient les Goblin. Cela tient ensuite à Jennifer Connelly quand l’interprétation est souvent un point faible dans les films d’Argento, plus intéressé par ses cadres et l’atmosphère de son film que par ses acteurs. Cela tient enfin, bien sûr, à la mise en scène qui en trouvant là un écrin inattendu démontre une nouvelle fois sa virtuosité. Délestée de ses afféteries habituelles, dans un style plus naturaliste, Argento crée une atmosphère unique dans un cadre bucolique qui en devient extrêmement anxiogène, magnifiquement aidé en cela par la photographie de Romano Albani, avec lequel il collabora précédemment sur Inferno.
La menace qui rode dans ce décor de carte postale est brillamment introduite dès le prologue du film où le giallo prend l’accent suisse avec ce tueur s’échappant de son chalet pour poursuivre une malheureuse jeune fille qui a eu la mauvaise idée de manquer son bus scolaire. Les codes du giallo sont là : la figure de la victime pure et innocente, un tueur filmé en vue subjective, puis dont on ne voit que la main gantée dans laquelle une paire de ciseaux devient une arme mortelle. Mais le giallo glisse donc dans le thriller fantastique avec un point de départ identique à celui de Suspiria: une jeune fille isolée, venue étudier dans un pays étranger (Suzy avait rejoint une école de Danse à Fribourg). A vouloir naviguer ainsi entre les genres, Phenomena dérive parfois entre deux courants qui semblent contraires, sentiment renforcé par des choix anti climatiques sur des scènes noyées sous une BO hard-rock. De même, on ne peut nier qu’il est difficile de ne pas sortir du film en voyant Jennifer communiquer avec une mouche qui l’emmène sur les traces du tueur. Pour autant, ces réelles faiblesses s’effacent derrière un climat de plus en plus oppressant et des scènes comme seul Argento sait les orchestrer en ajoutant à sa palette par instants une touche onirique et poétique qu’on ne lui connaissait pas. Le climax de Phenomena est quant à lui, à nos yeux, l’un des meilleurs de sa filmographie, un sommet d’horreur et de malaise qui récompense largement la patience dont il a fallu faire preuve par instant. C’est évidemment une histoire de sensibilité personnelle, ceci étant nous préférerons toujours un film qui a des faiblesses mais est capable de nous emmener très haut, qu’un film plus « carré » plus maîtrisé mais qui restera toujours sur la même note. Loin d’être le sommet de sa carrière, Phenomena est probablement le dernier très bon film de Dario Argento (même si l’on peut se montrer indulgent avec Opéra vu les horreurs qui ont suivi…) et l’un des plus attachants.
Titre Original: PHENOMENA
Réalisé par: Dario Argento
Casting: Jennifer Connely, Donald Pleasance, Dalila Di Lazzaro …
Genre: Horreur, Thriller Fantastique
Sortie le : 12 juin 1985
Sortie en Version Restaurée le : 27 juin 2018
Distribué par: Les Films du Camélia
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma