On avait eu l’occasion de partager le micro avec Antoine Saison lors d’un Screenplay consacré à Miami Vice à retrouver ici. Cette belle rencontre nous a donné envie d’en savoir plus sur son groupe Elvin Road dont le troisième album Fade To Dark est disponible. Et comme leurs influences sont avant tout cinématographiques et télévisuelles, il nous a semblé cohérent d’arpenter avec le leader du groupe la genèse de l’aventure et qu’il nous explique quels sont les réalisateurs, films, séries où ils puisent leur inspiration. Des réponses qui confirment nos impressions et qui expliquent pourquoi à nos yeux, Elvin Road est un groupe hautement recommandable. Interview.
Comment est né le groupe Elvin Road, depuis quand existez-vous et qu’est-ce qui a fait que vous vous lanciez dans cette aventure ?
Antoine Saison: Elvin Road existe depuis 2006 avec l’album Intersections. A la base c’est un projet solo dans lequel j’ai invité plusieurs amis musiciens (batterie, guitares). Ce 1er album était purement instrumental, excepté un titre avec les vocalises de Lena Kowki. Ensuite en 2010 est sorti Monsters, il y avait plus un format groupe, pensé pour la scène avec chansons à textes, parfois en duo de chanteurs et moi-même, toujours au clavier. Chacun partageait ses idées, son style puis on structurait un univers global avec un style sous-jacent pour chaque titre. Depuis toujours, j’aime réunir des musiciens et comédiens (voix-offs et scènes d’intro) aux univers complémentaires, pour établir un tout en perpétuel mouvement. La diversité musicale est une force très instructive. A ce titre, Fade to Dark nous semble un bel exemple de maturation depuis nos débuts si il en est.
L’ambition était de s’inscrire dans quel style musical exactement?
Il n’y avait pas spécialement d’ambition de s’inscrire dans un style particulier, c’était simplement de coucher en décibel notre inspiration autant cinématographique que musicale. On ne s’est jamais posé la question. On avait des influences rock multiples, avec des sensibilités metal, new wave, funk, electro, expérimentales,… on laissait vraiment libre cours à notre imagination tout en aiguisant la cohésion. Éclectisme et unité : c’est une alchimie exigeante mais terriblement grisante. Et aujourd’hui encore sinon plus, Elvin Road a pour seule vocation de faire défiler des contrées et sensations visuelles hautement cinématographiques, souvent américaines ; l’auditeur imagine des voyages sans destination finale, pouvant tomber sur des impasses, faire demi-tour ou fausse route. Notre seule certitude, c’est l’inconnu.
Peux-tu nous présenter ceux qui forment le groupe avec toi?
Le groupe est très mouvant. A chaque album, le line-up change. Là on a fait appel à Aurélien Ouzoulias (Satan Jokers, Mörglbl, Bumblefoot, Paul Gilbert…) qui est une référence internationale pour les batteurs rock et métal et avec qui on partage des groupes de cœur. Son punch et sa précision ont transcendé le groove progressif de titres synthrock comme Shadow Company et Fakebook. Au chant, Harbin Hoxhaj que j’ai rencontré via un ami batteur. Il avait précédemment un groupe de rock célèbre dans les Balkans. Il a tout de suite intégré l’univers, le bon registre vocal, qui était pas chose aisée. Il a ce timbre élégant et mélancolique cher à Elvin Road qui peut autant envoyer sur les titres plus énervés comme On the shore (diffusée actuellement sur la Grosse radio). Ensuite à la guitare et programmations, il y avait Stéphane Houeix, le bassiste jazz-rock Youen Audran qui nous a apporté son toucher funky sur Glances Crossed. Sans compter les ingés sons au mix et mastering de Studio 85 qui ont généreusement sublimé la production, séduits par la matière encore non finalisée. Tout le monde a pris plaisir et s’est investi bien au-delà de ce qui était prévu avec comme résultante une palette de nuances émotionnelle assez large. Mais libre à l’auditeur de suivre le verdict des critiques actuelles. Le public a toujours raison !
On a la sensation que chacun arrive à jouer sa partition, a son moment, que chacun arrive à vivre par soi même avant que la cohésion se fasse entre tout le monde. Ça a été pensé comme ça ?
Oui mais ça prend énormément de temps pour avoir ce rendu. Il y a énormément de sons et d’ambiances mais oui c’était le but. Il fallait doser à la fois la puissance, bien restituer la présence vocale, assurer l’équilibre harmonique vu le grand nombre de couleurs instrumentales acoustiques et électro. Sans compter l’ordre des titres qui a été un facteur déterminant. Pour les arrangements qui représentent 70% du travail, on joue sur les effets de profondeur avec plans alternés et zooms sur les différents instruments, preuve que notre cinéphilie et musique ne font qu’un.
En terme d’influences cinématographiques, quelles sont t-elles?
Elvin Road ne cherche pas à faire des clins d’œil à des œuvres cinématographiques de façon gratuite. Pourquoi vouloir refaire ce qui était parfait à l’époque. Mais il y a des influences, c’est certain. Sur un titre comme Glances Crossed on nous répond parfois Miami Vice, mais en toute bonne-foi, il n’y avait jamais eu l’ambition d’en faire une version 2018. C’est né d’une scène imaginée, qui démarre sur un coup de foudre et prolonge l’émotion avec plusieurs vagues qui s’entrecroisent et montent en puissance. Orgasme ou clash ? that’s the question (Rires). Après les gens entendent ce qu’ils connaissent et tant mieux car le champs est infini. Leurs retours sont donc très variés. Personnellement, j’aime le clair-obscur, solaire et crépusculaire, tendu et ambigu. Donc pour en revenir à ta question, je dirai ici Michael Mann avec la découverte au lycée de Manhunter. Et évidemment Heat. L’art de la précision absolue. Cette exigence artistique des grands réalisateurs nous parle encore plus et ce, sur tous les plans. On apporte d’ailleurs un soin particulier à notre identité visuelle en clips, trailers et art work avec une sélection de photographes australiens (Jonathan May pour la cover de Fade to dark), américains et allemands.
Au-delà et plus globalement quelles sont tes influences parmi les films ou les réalisateurs et est-ce la musique de leurs films ou leurs films qui t’inspirent?
Les 2 que ce soit la mise en scène, les types de personnages, toujours assez ombrageux avec une sorte de morale personnelle et jusqu’au-boutiste, de vouloir rester à tout prix fidèle à leurs principes. J’aime ça chez Mann mais aussi de manière plus rugueuse chez William Friedkin, mixer le léché et l’infernal comme par exemple dans Police Fédérale Los Angeles. Les deux sont proches dans l’esthétisme crépusculaire et dans la manière dont ils y fusionnent la musique… Ce sont surtout ces codes artistiques qui font écho à Elvin Road. Il y a aussi David Lynch avec les névrotiques Lost highway et Blue Velvet où l’obsession du mal refoulé dans un pavillon immaculé détracte tout. Le renégat John Carpenter, un maître de la tension rythmique et de l’épure atmosphérique notamment dans Halloween et The Thing, l’exotisme urbain et immersif des Aventures de Jack Burton, Quelle bouffée d’oxygène encore aujourd’hui. On n’a d’ailleurs jamais trop suivi la tendance car on improvisait sur Escape from NY et Black Rain de Zimmer fin 80 (Rires). Sinon Cronenberg pour A History of Violence, Brian De Palma pour Body Double et Les Incorruptibles, Paul Thomas Anderson pour Magnolia et Inherent vice, la mini-série noire Jesse Stone avec Tom Selleck… les tout premiers Cameron et Spielberg évidemment. Terminator et Jaws en tête, les 3 premiers Rocky et 2 derniers à l’émotion majestueuse et les thrillers hors-normes type Mort à l’arrivée, Hitcher, Hidden, Copland, Bad influence ou le crypto-gay Point Break. Et je m’arrête là !
Et en terme de séries, y’en a t-il qui t’inspirent par leur atmosphère ou leur musique?
Un flic dans la mafia et Miami Vice indubitablement avec le constat commun que la vie ne fait pas de cadeaux aux héros. Pour le premier, amis et ennemis intimes ont des portraits fouillés à l’extrême et incroyablement attachants car saisissants d’humanité et de véracité. La série annonciatrice des Affranchis et de Twin Peaks parle beaucoup de l’injustice, du sacrifice, de l’honneur versus la loi… Et puis Mike Post au score également pour son travail sur les précurseurs Hill Street Blues, NYPD Blue ou Doogie Howser. Il y a aussi la saga Friday Night Lights injustement méconnue. Le couple de mentors Connie Britton et Kyle Chandler et leurs jeunes comédiens aussi beaux que poignants sont criants de vérité, l’écriture est pleine de finesse et de sensibilité et un épisode sur trois, tu as les tripes à l’air. Sans compter la direction artistique et la bande-son au diapason de cette fresque sociale. Après je pense à Justified, House of Cards, Mad Men, The leftovers, The terror… Il y a un raffinement absolu des personnages et jeux d’acteur, c’est presque du niveau de Six Feet Under qui est pour moi la plus grande série au monde même si ce n’est pas ma préférée (voir influences ci-dessous NDLR).
Pour finir, quels sont les projets d’Elvin Road ?
Le gros du boulot là c’est la promotion, faire connaitre notre son à certains référents pointus de la production cinématographique et musicale et surtout faire partager au plus grand nombre nos cinq années de travail sur cet album. C’est plus gratifiant que la pure notoriété.
Propos recueillis par Fred Teper
Les influences majeures d’Elvin Road
Séries:
– High secret city
– V (inclus le main theme the Series de Barry de Vorzon et Joseph Conlan)
– Columbo
– Twin Peaks
– My So-called life
– L’enfer du devoir
Films (score musical compris) :
– Les anges de la nuit
– Comme un chien enragé
– Magnum Force
– Red dawn
– Rush (1992)
– Donnie Darko
– Peggy sue got married
– All against odds
– Die hard & Lethal weapon I & II Michael Kamen compris
– Dead bang, y compris la bo nerveuse jazzy-rock et mélancolique de Gary Chang,
– Young Guns
– The guest
– War party
– Only god forgives
– Traffic
Pour retrouver toutes les informations sur Elvin Road rendez-vous sur le site http://www.elvinroad.com ou sur la page Facebook https://www.facebook.com/officialelvinroad/
Pour retrouver Elvin Road sur ITunes c’est ici et sur Amazon c’est là
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