Critiques Cinéma

LE MONDE EST A TOI (Critique)

SYNOPSIS: François, petit dealer, a un rêve : devenir le distributeur officiel de Mr Freeze au Maghreb. Cette vie, qu’il convoite tant, vole en éclat quand il apprend que Dany, sa mère, a dépensé toutes ses économies. Poutine, le caïd lunatique de la cité propose à François un plan en Espagne pour se refaire. Mais quand tout son entourage : Lamya son amour de jeunesse, Henri un ancien beau-père à la ramasse tout juste sorti de prison, les deux jeunes Mohamed complotistes et sa mère chef d’un gang de femmes pickpockets, s’en mêle, rien ne va se passer comme prévu ! 

Le monde est à toi, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, était l’une des grosses attentes du festival de Cannes. Pour plusieurs raisons : d’abord, parce que Romain Gavras, son auteur, n’avait pas réalisé de film depuis le très prometteur Notre Jour Viendra, sorti il y a déjà 8 ans. Pour autant, le cinéaste, fils de Costa Gavras et co-fondateur du collectif Kourtrajmé avec ses vieux potes Kim Chapiron et Vincent Cassel, n’a pas chômé depuis, ayant fait ses gammes de réalisateur sur des clips sensationnels (celui de No Church In The Wild pour Jay-Z et Kayne West vaut particulièrement le coup d’œil) et des pubs bien fichues (Samsung, Dior Homme…) qui ont régulièrement enchanté la toile. L’homme possède indéniablement du talent et un style, et c’est avec une impatience non dissimulée que nous rêvions de découvrir son nouveau long-métrage. D’autant plus que Le monde est à toi bénéficie d’un super casting (Karim Leklou, Vincent Cassel, François Damiens, Oulaya Amamra, Isabelle Adjani, Philippe Katerine) et que son marketing, lancé en trombe peu de temps avant le coup d’envoi du festival à l’aide d’une affiche sublime et d’un trailer particulièrement entraînant, promettait un spectacle flamboyant et savoureux.

Avec son titre faisant évidemment écho au célèbre leitmotiv de l’anti-héros de Scarface (original comme remake), Le monde est à toi, écrit par Noé Debré et Karim Bourkercha, présente ainsi une petite frappe (Leklou), un petit dealer « fils-à-maman » (comme aime à le décrire Romain Gavras en interviews) aspirant à vivre son rêve, à la fois improbable, simple et modeste, de devenir l’honnête distributeur d’une filiale de la franchise Mr Freeze implantée au Maghreb. Pour cela, il doit réaliser un dernier coup, accompagné d’une troupe disparate composée de son ex beau-père à la ramasse (Cassel), de son amour de jeunesse (Amamra) et de deux racailles embarrassantes, et juste après que son horrible mère exubérante (Adjani) vient de lui dérober toutes ses économies. L’objectif ? Récupérer une cargaison de marijuana en Espagne pour la ramener ensuite à son boss, Poutine, un caïd lunatique et violent. Évidemment, comme dans toute bonne comédie de gangsters qui se respecte, tout va déraper.

A l’arrivée, on n’est pas du tout déçus du voyage, bien au contraire. Le monde est à toi est en effet une comédie agréablement insolente et très drôle, ultra-moderne et pop, foutraque mais généreuse et maîtrisée, référencée mais souvent inventive, cynique mais toujours déployée avec une vraie sincérité. Dès l’intro, le film affiche ses intentions : celles d’un récit pop, décalé et fertile situé dans un univers où règne le trafic de drogues et la violence, et où la jeunesse, sans repère, vit en permanence dans le paraître d’un microcosme occupant une société où seule la loi du plus fort domine. Le côté irrévérencieux et sale gosse du cinéaste de Notre Jour Viendra s’exerce alors, Gavras dévoilant non sans ironie les travers de notre monde. La réussite du Monde est à toi tient aussi dans ses influences, nombreuses mais parfaitement digérées par Romain Gavras : des premiers métrages « de banlieue anglaise » de Guy Ritchie auxquels on pense souvent avec ses malfrats minables (dont certains écopent d’ailleurs de surnoms) et ses différents montages très rythmés exposant les fantasmes des différents protagonistes en format 1:33 sous un flot brutal et rapide de paroles en voix-off, au film italien culte Le Pigeon, en passant par les comédies entraînantes de John Landis (The Blues Brothers, Un fauteuil pour deux), d’ailleurs présent ici le temps d’un caméo fugace mais sympa, c’est tout un pan de la culture internationale que le fils Gavras semble avoir synthétisé, aussi bien dans le fond que dans la forme. Avec ses (ré)p(l)iques percutant(e)s lancé(e)s ici et là, son humour efficient basé en grande partie sur le quotidien et l’identification facile au personnage principal, sa mise en scène ultra dynamique et récréative, son esthétique léchée et sa fantastique BO, mixant musiques originales de Jamie XX & Sebastian et tubes connus parfaitement placés, allant de Laurent Voulzy à Booba, de Michel Sardou à Toto, en passant par Daniel Balavoine, Le monde est à toi tape souvent juste et exactement quand il faut.

Et s’il fonctionne sur un schéma narratif assez classique (il y a un coup à faire, les gars se plantent en se faisant arnaquer puis décident de se venger en piégeant leur arnaqueur), Le monde est à toi, plus populaire et accessible que Notre Jour Viendra, ne manque toutefois jamais d’originalité. En témoignent certaines trouvailles visuelles super efficaces, utilisant avec brio les codes de notre époque (abondance de néons, génération bling-bling sur-connectée, tics verbaux et vêtements à la mode), et certains choix opérés par Gavras ayant pour la plupart – cf le décor singulier du climax – fonction de nourrir les (modestes) ambitions « politiques » de l’entreprise : tacler le consumérisme et l’Islamophobie ordinaire, dénoncer la vacuité de certains et le culte infernal de l’image, et  enfin sensibiliser les parents sur leurs devoirs éducatifs vis-à-vis de leur(s) enfant(s) en leur exposant de plein fouet ce qu’ils font parfois subir à leur progéniture. Mais si Le monde est à toi brille, c’est surtout grâce à sa galerie de personnages fragiles et extravagants, qui bénéficient d’un énorme capital sympathie et permettent à Romain Gavras de brosser le portrait d’une génération désœuvrée qui rêve pourtant en grand. Pour interpréter cette bande de bras cassés prête à commettre un vol rocambolesque, le bougre Gavras a rassemblé un casting étincelant, la crème de la crème du ciné franco-belge : Karim Leklou, aussi aperçu à Cannes pour défendre les couleurs de Joueurs, est LA révélation du film. Impeccable en « héros » terre-à-terre et armé de bonne volonté, le comédien en prend plein la gueule tout le long pour notre plus grand plaisir. A ses côtés, un Vincent Cassel des grands jours en ex-taulard gavé aux vidéos conspirationnistes sur son iPad – on lui doit au passage les moments les plus tordants – une Isabelle Adjani surjouant génialement la mère indigne, un François Damiens en jambes, une Oulaya Amamra irrésistible et un Philippe Katerine truculent en avocat véreux. Exaltante, loufoque, féroce et hilarante, la comédie Le monde est à toi est une très belle surprise, utilisant et détournant avec ingéniosité et ironie les codes du film de ghetto et de gangsters. Elle devrait en toute logique permettre à son auteur Romain Gavras de toucher un très large public. C’est du moins tout le mal qu’on lui souhaite.

Titre Original: LE MONDE EST A TOI

Réalisé par: Romain Gavras

Casting :  Karim Leklou, Vincent Cassel, Isabelle Adjani …

Genre: Action, Comédie

Date de sortie: 15 août 2018

Distribué par: StudioCanal

EXCELLENT

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