SYNOPSIS: La rivalité de deux enfants, dans la mer, en Grèce, qui se poursuit lorsqu’ils sont adultes. Lequel des deux plongera le plus loin et le plus profond ? Leurs amours, leurs amitiés, avec les humains et avec les dauphins, à la poursuite d’un rêve inaccessible.
Festival de Cannes 1988 : Luc Besson a sans doute cru voir sa carrière couler à pic lors de l’accueil critique désastreux de son troisième long métrage après Le Dernier Combat et Subway, Le Grand Bleu. C’est avec ce film très attendu présenté en ouverture du Festival hors compétition cette année-là qu’il a sans doute connu le pire et le meilleur d’une carrière alors naissante. Car si le film fut accueilli plus que fraîchement par une large partie de la presse, il connut lors des semaines qui suivirent sa sortie un succès sans précédant. Le Mozart du cinéma français ne parlait peut-être pas aux journalistes mais il était en prise avec son époque et avec le public qui le portèrent aux nues et firent de ce Grand Bleu un véritable phénomène de société. Avec ce sujet éminemment personnel (Besson fut un enfant passionné de plongée sous-marine qu’il pratiqua jusqu’à ce qu’un accident ne l’oblige à arrêter), un tournage qui dura neuf mois à travers le monde et une opacité quasi totale sur cette histoire mêlant plongée, dauphins et compétition, le réalisateur qui annonçait ce film comme celui de sa vie, ne s’était semble t-il pas vraiment trompé.
Casting international à l’appui (Rosanna Arquette, Jean-Marc Barr, Jean Reno, Sergio Castelitto, Griffin Dunne, Marc Duret, Jean Bouise…), Besson était déjà connu et reconnu après deux films, pour la qualité formelle de son cinéma mais n’était pas encore parvenu à convaincre que son écriture était à la hauteur de l’esthétisme flamboyant dont il se parait. Un malentendu qui, trente ans après subsiste encore. Car si Le Grand Bleu devait asseoir définitivement son statut, il ne réglait pas le flux des reproches qui lui étaient adressés. Précédé d’une attente démesurée, accrue par les moyens mis à sa disposition par Gaumont, Le Grand Bleu fut à l’époque un raz de marée émotionnel qui prit de cours les spectateurs mais dont les défauts ressortent avec encore plus d’acuité, le temps aidant. Ce film dont on attendait qu’il nous bouleverse et nous transporte, qu’il confirme l’audace et les tentatives que le cinéaste expérimentait alors, recèle autant de qualités que de défauts et stigmatise la problématique Besson: Un immense faiseur d’images à l’écriture pachydermique.
S’il débute par un prologue en noir et blanc pittoresque, attendrissant puis dramatique qui le place d’emblée sous les meilleures auspices, Le Grand Bleu perd vite de sa superbe pour dérouler quelques anecdotes plus ou moins intéressantes et sans faire gonfler les voiles d’un souffle épique et d’une ampleur qui en feraient la grande fresque romanesque qu’il ambitionnait d’être. Très vite, le scénario du film montre ses limites avec des personnages au bord de la caricature, dépourvus de densité et de suffisamment de moelle pour exister autrement que comme des silhouettes. Pire, c’est au travers d’histoires vues et revues, d’amour et d’amitié que le film tisse sa trame. Alors que le modèle dont Besson s’est inspiré, Jacques Mayol, recelait sans doute plus de complexité que ce qu’il nous en montre, nous devons nous contenter d’un récit sympathique mais manquant cruellement de substance. Comme s’il avait eu peur d’embrasser totalement son sujet (la relation viscérale qu’entretient un champion avec la mer), Besson ne livre que des morceaux épars de l’existence passionnée de cet homme pour lequel on peine à éprouver naturellement de l’empathie, tant il semble détaché de tout. Excepté dans l’embryon d’histoire d’amour entre Jacques et Johanna, avant que leur histoire perde elle aussi de son sel et ne devienne d’une incroyable banalité, il n’y a guère que dans la rivalité et l’amitié entre Jacques (Barr) et Enzo (Reno) que Luc Besson parvient à réellement nous toucher et nous émouvoir.
En revoyant le film, avec le recul, ces manques sont d’autant plus criants. Mais ce qui saute aux yeux également c’est que le talent de Besson pour composer des plans, flatter la pupille, proposer des images inédites, envoûtantes et marquantes ne se dément pas. Les images marines ou sous-marines sont exceptionnelles, la proposition formelle est somptueuse, la colorimétrie est tout simplement divine et on ne se lasse pas de ces étendues, de ces mers d’huile, de ce bleu profond et métallique qui fascine autant qu’il attire inexorablement et de cette musique tellement atmosphérique et prenante d’Eric Serra. Quant au casting il est tout entier dévoué à la cause du film, Jean-Marc Barr touchant de naïveté, Rosanna Arquette sensuelle et magnétique en fiancée délaissée, Jean Reno en champion arrogant mais terriblement humain. Si les « dialogues » entre Jacques et les dauphins peuvent prêter à sourire, si la naïveté prévaut, on sourit aussi parce que l’on est touché par l’innocence qui émane de ces images. Si Le Grand Bleu est désormais un film qu’il convient de juger hors du contexte et des débats passionnés qu’il a suscités, il faut aussi le regarder à l’aune de la maturité et constater que le film, sans jamais toucher le fond, privilégie surtout la forme. Mais au final son plus grand mérite est sans doute de laisser une trace d’eau salée au bord des yeux, comme ces souvenirs d’adolescence qui remontent parfois à la surface et pour lesquels on éprouve toujours une tendresse indéfinissable.
Titre Original: THE BIG BLUE
Réalisé par: Luc Besson
Casting : Jean-Marc Barr, Rosanna Arquette, Jean Reno …
Genre: Aventure, Drame, Romance
Date de sortie: 11 mai 1988
Distribué par: Gaumont
BIEN
Catégories :Critiques Cinéma
(evilashymetrie) « constater que le film, sans jamais toucher le fond, privilégie surtout la forme » : j’adore ^^
Bon, sinon, tout pareil que toi, et ce dès la première heure. Je n’ai jamais compris l’engouement autour de ce film qui m’a toujours paru bien surfait. Besson se prend trop au sérieux, à partir de ce film, on comprend sa passion pour les profondeurs sous marines (comme son voisin James Cameron, finalement) mais on voit qu’il ne sait plus écrire vraiment ses personnages. Car ceux ci paraissent tellement froids… La relation amoureuse, sincèrement, ne m’a jamais touché. Seul Reno sort du lot, tout comme il se distinguait avec ses baguettes dans SUBWAY (mon film préféré de Luc). Voilà, bref, je suis pas un aficionado de ce Grand Bleu, je préfère me noyer ailleurs.