Critiques Cinéma

LE POINT DE NON-RETOUR (Critique)

4,5 STARS TOP NIVEAU

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SYNOPSIS: C’est pour le compte de son ami Reese que Walker, accompagné de sa femme, récupère dans la prison désaffectée d’Alcatraz un magot de 93 000 dollars. L’opération réussit. Reese abat Walker et emmène sa femme, qu’il convoitait depuis longtemps. Seulement Walker n’est pas mort et n’a de cesse de châtier Reese et ses complices. 

John Boorman fait partie de ces quelques très grands cinéastes qui se sont attachés de film en film, dès le début de leur carrière, à relever de nouveaux défis, refuser de s’installer dans le confort offert par leur notoriété et réputation grandissantes, sans pour autant perdre ce qui fait leur singularité. Chaque nouveau genre exploré est en réalité l’occasion de décliner leurs thématiques avec une autre palette de couleurs. Pour ne citer que quelques unes des œuvres les plus marquantes de sa filmographie, Boorman est ainsi passé pour son premier film, d’une comédie sur un groupe phénomène de la pop anglaise (Catch Us If You Can), au film de guerre (Duel dans le Pacifique), au thriller/survival (Délivrance), au film d’aventure (La Forêt d’Emeraude), à la « fantasy » (Excalibur, Zardoz), mais aussi au drame (Hope and Glory) avec une même foi totale dans ses histoires et ses personnages, lesquels ont pour la plupart en commun d’être lancés dans une quête/aventure qui les transformera. Les personnages de Boorman expérimentent en effet ce que répond la muse au poète dans La Nuit d’Octobre d’Alfred de Musset « l’homme est un apprenti, la douleur est son maître. Et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert ». De ce point de vue mais aussi sur le plan formel, Le Point de Non-Retour est une œuvre matricielle qui, sous ses oripeaux de film de genre dévoile ce qui fait toute la grandeur de son cinéma.

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Avec Le Point de Non-Retour, son premier film américain, John Boorman s’empare des codes du film noir et de ceux du revenge movie, les emmène jusqu’à un point d’incandescence, tout en les déconstruisant par la mise en scène et le montage. Il donne ainsi à son film l’apparence d’un rêve éveillé, dans lequel un homme sans prénom (il se fait appeler Walker y compris par sa femme), rendu aveugle par son désir de vengeance, se lance dans une odyssée dont lui même finit par perdre le sens. Laissé pour mort dans une cellule de la prison d‘Alcatraz, Walker réapparaît tel un spectre vengeur animé par la seule volonté de récupérer l’argent que lui a dérobé son ancien complice et ami. Derrière cette quête qui confine à l’absurde tant elle l’expose à un immense danger en remontant jusqu’au sommet de l’organisation criminelle dans laquelle se trouvait son ami, se dessine le parcours d’un homme face au vide de son existence.

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Boorman réconcilie deux approches cinématographiques qui d’ordinaire s’opposent et ont donné naissance à deux écoles différentes dans le cinéma britannique. L’approche naturaliste de cinéastes soucieux d’ancrer leurs films dans le réel, de les faire dialoguer avec leur époque et une approche plus sensorielle, plus expérimentale envisageant le cinéma comme une façon de transcender le réel, de forcer le spectateur à lâcher prise. Le Point de Non-Retour est un film de son époque en ce qu’il s’inscrit dans le climat de paranoïa qui entoure la naissance de grandes corporations mais c’est aussi un film dont la forme est extrêmement travaillée dans le but notamment de brouiller les repères du spectateur. Les films suivants de Boorman l’ont montré, en particulier bien sûr La Forêt d’Emeraude, le cinéaste anglais cherche par sa mise en scène une forme d’abstraction, travaille l’inconscient de ses personnages comme du spectateur entraîné dans l’odyssée de personnages s’abandonnant à leur quête. Par ses ellipses, le travail sur le son, il nous aspire dans son récit dont la puissance et le sens dépassent ainsi son pitch de série B: la vengeance d’un homme en colère qui veut récupérer son argent et va démanteler à lui seule une organisation criminelle.

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La photographie de Philip H. Latrop (Hard Times, Driver, Le Kid de Cincinnati …) avec ses couleurs chaudes et sa lumière éclatante emmène le film vers des territoires inattendus pour un récit dans lequel les desseins du « héros » sont aussi sombres. En d’autres mains, l’adaptation du roman de Donald E.Westlake (Comme une Fleur) aurait abouti à un film aussi sec et froid que son matériau d’origine, allant à l’essentiel et reposant quasi uniquement sur les seules épaules du formidable Lee Marvin, véritable bloc de granit dont la détermination n’est jamais remise en cause. Le Point de Non-Retour est un récit hard boiled qui prend la forme d’une odyssée dans une Amérique baignée de lumière et de couleurs chaudes qui ressemble à l’Angleterre des swinging sixties de John Boorman. Que cette « vengeance » se passe dans l’esprit de Walker, agonisant après le piège dont il a été victime (Boorman ne lève jamais véritablement ce doute) ou qu’il ait vraiment eu lieu, Le Point de Non Retour nous emmène donc bien au delà du chemin balisé attendu dans ce genre de récit et c’est là tout ce qui fait sa grandeur et le génie de son metteur en scène.

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Titre Original: POINT BLANK

Réalisé par: John Boorman

Casting : Lee Marvin, Angie Dickinson, John Vernon,

Sharon Acker …

Genre: Policier, Thriller

Date de sortie: 05 avril 1968

Distribué par: Park Circus

4,5 STARS TOP NIVEAU

TOP NIVEAU

 

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