Critique Blu-Ray

SYMPHONIE POUR UN MASSACRE (Critique Blu-Ray)

SYNOPSIS: Sur un gros coup avec quatre truands, Jabeke entend faire cavalier seul pour rafler la mise et entreprend d’attiser la haine entre ses complices.

Si le grand public garde de Jacques Deray l’image d’un bon réalisateur et d’un habile technicien c’est avant tout pour ses collaborations populaires avec Alain Delon et Jean-Paul Belmondo comme La Piscine (1969), Borsalino (1970), Trois Hommes à abattre (1980) ou Le Marginal (1983), mais ce serait réducteur pour l’œuvre d’un metteur en scène qui n’en finit pas d’être réévaluée depuis sa disparition en 2003. Au-delà de ses films avec les deux grandes stars du film policier des années 70 et 80, Deray a acquis une réputation de solide artisan qui sautait déjà aux yeux dès ses premiers films. En 1963, trois ans après son premier film, Le Gigolo avec Jean-Claude Brialy, il tourne coup sur coup deux longs métrages. Rififi à Tokyo un polar entièrement tourné au Japon puis Symphonie pour un Massacre. Adaptation d’un roman d’Alain Reynaud-Fourton, Les Mystifiés, signée José Giovanni, Claude Sautet et Deray lui-même, Symphonie pour un Massacre s’inscrit dans la grande tradition du film noir à l’américaine. Sur une thématique classique, le film trouve sa singularité et son intérêt dans la manière dont les évènements se déroulent et sont racontés. Avec une précision chirurgicale et une minutie préparatoire autant dans l’agencement des séquences, la sobriété et l’efficacité des dialogues de José Giovanni ainsi que dans la justesse de jeu, Symphonie pour un Massacre s’avère une réussite artistique de tout premier plan.

Sorti quelques mois après Mélodie en sous-sol d’Henri Verneuil, Symphonie pour un Massacre lui emprunte sa structure narrative (la mise en place minutieuse d’un forfait criminel) en y apposant une perversité et une malignité qui étaient absentes du film de Verneuil et en l’expurgeant des mots d’auteur caractéristiques de Michel Audiard, José Giovanni signant des dialogues fonctionnels qui, comme pour la caractérisation des personnages, n’appuient jamais outre mesure leur psychologie. Écrivain de la mythique Série Noire, avant d’être acteur, scénariste puis metteur en scène, Giovanni avait fait de la prison et fut même condamné à mort avant d’être gracié (il n’hésite d’ailleurs pas à mettre dans la bouche du personnage qu’il interprète une réplique qui entre en résonance avec son parcours personnel) et la précision des mots qu’il emploie sert totalement le propos du film. Sous ses atours traditionnels, l’intrigue est bien plus subtile qu’il n’y parait en mettant en place tous les éléments à même de commettre une arnaque en en prévoyant tous les paramètres,de la construction d’un alibi au vol et à ses conséquences. Toutes ces scènes filmées du point de vue du personnage de Jean Rochefort sont mises en scène avec une vraie intelligence de la part de Jacques Deray, qui assure un découpage virtuose et une fluidité à la progression dramatique de l’intrigue par le truchement d’un montage métronomique et d’une musique sublime et renversante de Michel Magne.

Doté d’un rythme spécifique qui laisse le temps aux enjeux de se développer sans être sacrifiés au profit de l’action ou d’une résolution trop hâtive, Symphonie pour un Massacre se déguste avec délectation, se permettant même d’enchainer les retournements de situation et de faire d’ingénieuses trouvailles qui lui permettent de transcender son apparent classicisme. Dans le sillage des films de Jacques Becker ou Jules Dassin, Jacques Deray peut s’appuyer sur la force d’un casting en grande partie masculin, absolument remarquable. Charles Vanel (dans un rôle « à la Gabin« , Michel Auclair, Claude Dauphin, José Giovanni (et même Jacques Deray dans une courte apparition) la distribution n’est pas composée de « gueules » comme souvent dans le film noir, mais de personnalités atypiques, dont les mots semblent couler en bouche et qui impriment ainsi leur musique, dressant une étude de caractères sans fioritures. Seules Daniela Rocca et Michèle Mercier (Angélique, Marquise des Anges) féminisent un peu le récit. Mais le film ressort aussi du lot par la performance étonnante d’un Jean Rochefort brillant. Habitué à l’époque à jouer les seconds couteaux comiques dans l’ombre de grandes vedettes comme dans Cartouche, l’acteur y est d’une sobriété et d’une élégance admirable. Avec sa bouche pincée, sa méticulosité maniaque, sa ruse et son sourire d’apparence avenant mais qui le rend d’autant plus glacial aux yeux du spectateur, il livre l’une de ses prestations les plus marquantes, préfigurant l’immense comédien qu’il allait devenir. La scène d’ailleurs où il se pose une fausse moustache sous le nez lui offre le visage sous lequel sa popularité éclatera quelques années après. Symphonie pour un Massacre, peu cité lorsque l’on évoque la carrière de Jacques Deray n’en est pas moins l’un des fleurons d’une filmographie que le recul nous permet enfin de considérer à son plus haut niveau.

DÉTAIL DES SUPPLÉMENTS:

La partition de Symphonie pour un massacre : Par François Guérif, auteur de deux ouvrages sur le cinéma policier français et le film noir américain ; et Jean-Philippe Guérand, journaliste et biographe, auteur de Jean Rochefort, prince sans rire (30 min)

Titre Original : SYMPHONIE POUR UN MASSACRE

Réalisé par: Jacques Deray

Casting: Jean Rochefort, Charles Vanel, José Giovanni…

Genre: Policier

Sortie le: 11 avril 2018 en combo DVD/Blu-ray et VOD

Distribué par: Pathé

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