SYNOPSIS: En raison d’une épidémie de grippe canine, le maire de Megasaki ordonne la mise en quarantaine de tous les chiens de la ville, envoyés sur une île qui devient alors l’Ile aux Chiens. Le jeune Atari, 12 ans, vole un avion et se rend sur l’île pour rechercher son fidèle compagnon, Spots. Aidé par une bande de cinq chiens intrépides et attachants, il découvre une conspiration qui menace la ville.
Ne tergiversons pas: L’Ile aux Chiens est un film d’animation d’une ambition folle, une pépite cinématographique en stop motion qui aborde de multiples thématiques avec brio. On est emballé quand on sort de la salle avec une envie de revoir ce film encore et encore afin de percevoir les mille et uns détails qu’une seule vision ne peut combler. Cette Ile aux Chiens était très attendu depuis l’excellent Fantastic Mister Fox film d’animation réalisé par Wes Anderson en 2009. Ici le récit traite des dérives multiples des régimes totalitaires par le prisme du conte fantasque et fantasmagorique. Un conflit immémorial oppose les chats et les chiens. Les chats sont érigés en compagnon du pouvoir en place tandis que les chiens représentent une population libre et incontrôlable donc dangereuse, qu’il faut contenir et faire disparaitre. Le complot gronde… Le film démarre par une exposition judicieuse de la légende qui va planter instantanément une partie des enjeux. L’Ile aux Chiens saisit son spectateur dés son commencement grâce à sa singularité narrative complexe mais d’une grande lisibilité. En revêtant un humour corrosif omniprésent, son rythme, son montage sous forme de chapitre, s’appuie sur la forme du livre d’images et permet un déploiement esthétique bouleversant et foisonnant.
Anderson prouve que l’on peu faire du cinéma dit populaire en ayant de l’ambition pour son spectateur et du respect pour sa sensibilité et sa compréhension. Ici point de vulgarisation à l’extrême mais le choix de l’animation offre un arbre des possibles d’une grande richesse. L’émotion du spectateur est sans cesse sollicitée avec finesse et délicatesse. On est très vite fort attaché à cette galerie de personnage et plus particulièrement aux chiens au casting vocal 5 étoiles en version originale: Bryan Cranston, Frances McDormand, Edward Norton, Liev Schreiber, Greta Gerwig, Scarlett Johannson, Jeff Goldblum, Bill Murray, Harvey Keitel, Tilda Swinton. On ne perd pas au change avec la version française : Vincent Lindon, Isabelle Huppert, Louis Garrel, Lea Seydoux, Daniel Auteuil, Mathieu Almaric. A noter que les animateurs ont travaillés à partir de la morphologie des visages des acteurs américains et de leur façon individuelle d’articuler quand ils parlent afin de les adapter aux personnages animés. Cette aspect mimétique n’est pas visible à l’écran mais apporte une spécificité dans la caractérisation des personnages. L’engagement du jeu des comédiens passe par ce vecteur, avec une grande subtilité, ce qui permet aux spectateurs de créer d’autant plus de liens avec les héros du film.
Les nombreuses portées politiques du film sont servies par une drôlerie féroce grâce à des dialogues ciselés et l’incongruité poétique de certaines situations que vont traverser les personnages et parvenant à ne jamais tomber dans le ridicule, la poésie étant toujours au service de la narration dans chacune des compositions de cadre. La virtuosité du stop motion est un facteur essentiel de la réussite du film et bluffe littéralement le spectateur à chaque instant. On passe d’une situation cartoonesque au rythme endiablé à une scène plus contemplative par exemple, entre Atari le petit garçon venu retrouver son chien et Chief le chien rebelle qui n’a jamais eu de maitre et n’en comprend pas le sens ou la nécessité. Ce tissage relationnel entre ces deux figures centrales du film qui se construit sous nos yeux est magnifique et en ne tombant jamais dans la facilité ou le pathos. C’est tout à la fois un film politique, un conte, un récit initiatique, une aventure aux nombreux rebondissements qui fait la part belle aux émotions, à une grande sensibilité tout ceci au cœur d’un tourbillon bien construit de « presque 900 personnages, plusieurs milliers de visages qui ont été sculptés, moulés, tous peints à la main ! » dixit le réalisateur. On découvre des multitudes de décors et de détails conçus avec une grande finesse comme par exemple les légers nuages fait de coton, les vagues légères faites de morceaux de plastiques éclairées avec précision et qui concourent à transporter le spectateur dans un univers à la fois féroce et totalement poétique. On est réellement au cœur des différents tableaux immersifs dans l’Ile aux Chiens.
La bande originale du film est également très réussie. Elle fait la part belle aux percussions qui rythment les scènes, ouvrent les différentes parties de ce conte, les referment ou font avancer les aventures de nos héros. Un des partis pris dévoilés dés les premiers cartouches du film est que les paroles des humains ne seront pas traduites alors que les paroles canines seront elles traduites en anglais. L’animal éclaire donc l’homme dans L’ile aux chiens. L’animalité sert de révélateur aux comportements déviants des humains que la film dénonce. Le film est comme un oignon aux couches infinies à voir et découvrir. Le spectateur se laisse surprendre sans cesse, ce qui en fait une œuvre cinématographique enthousiasmante. Son traitement des thématiques politiques est omniprésent mais pas plombant car traité avec minutie, un sens du tempo et une vraie réussite esthétique. L’ile aux chiens est un film enthousiasmant jusqu’aux bouts de ses pattes en un travail d’orfèvre autant dans son fond que dans sa forme.
Titre Original: ISLE OF DOGS
Réalisé par: Wes Anderson
Casting : Bryan Cranston, Frances McDormand, Edward Norton en V.O …
Vincent Lindon, Isabelle Huppert, Louis Garrel… en V.F …
Genre: Animation, Aventure
Sortie le : 11 avril 2018
Distribué par : Twentieth Century Fox France
CHEF-D’OEUVRE
Catégories :Critiques Cinéma
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