Critiques Cinéma

DANS LA BRUME (Critique)

4 STARS EXCELLENT

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SYNOPSIS: Le jour où une étrange brume mortelle submerge Paris, des survivants trouvent refuge dans les derniers étages des immeubles et sur les toits de la capitale. Sans informations, sans électricité, sans eau ni nourriture, une petite famille tente de survivre à cette catastrophe… Mais les heures passent et un constat s’impose : les secours ne viendront pas et il faudra, pour espérer s’en sortir, tenter sa chance dans la brume…

Rencontrer un grand succès critique dès son premier film est une reconnaissance fébrilement espérée par beaucoup de réalisateurs ayant enfin eu la possibilité de produire et faire distribuer un projet qu’ils portent parfois en eux depuis des années. Cette consécration Daniel Roby l’a connue avec La Peau Blanche, film d’horreur récompensé du Jutra (Les Césars Canadiens) du meilleur premier film, qui fut par ailleurs très bien accueilli au prestigieux TIFF (festival international du film de Toronto). La contrepartie d’un tel succès peut être d’enfermer son réalisateur dans le genre qui l’a révélé d’autant plus quand il s’agit d’un genre aussi populaire que le film d’horreur. Là où d’autres réalisateurs auraient capitalisé sur ce succès, Roby est resté au Canada comme directeur de la photographie sur différentes séries TV et ce n’est qu’en 2011, dans un genre radicalement différent, qu’il réalisa son deuxième film, Funkytown, qui se passait dans un night club de Montréal en pleine période disco. En choisissant pour son troisième film de faire un biopic sur Louis Cyr, une grande star canadienne du 19ème siècle présenté alors comme l’homme le plus fort du monde, Daniel Roby a confirmé son éclectisme et son goût pour des personnages à priori flamboyants et forts qui révèlent leur faiblesse au fil du récit, se cachant derrière l’image qu’ils se sont fabriqués. Il est donc particulièrement intéressant, pour son retour au genre, de le voir opérer le mouvement inverse, l’un des principaux personnages de Dans la Brume étant une petite fille atteinte d’une maladie qui la contraint à vivre dans une bulle hermétique, ce qui la sauve d’une mort certaine quand une mystérieuse brume envahit soudainement les rues de Paris. Sa survie et celle de ses parents sont le cœur d’un film qui vient confirmer qu’un vent de renouveau souffle pour de bon sur le cinéma de genre français qui s’affranchit enfin de l’ombre écrasante du cousin américain, pour trouver sa propre identité comme a su s’y bien le faire le cinéma espagnol.

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Le point de départ du film fait évidemment penser à l’excellent The Mist (Frank Darabont) et au très grand Fog de John Carpenter, film malheureusement trop rarement cité parmi les sommets de sa filmographie. L’excellente idée du scénario de Dans la Brume est d’intégrer un enjeu humain très fort au cœur du fantastique, d’ancrer le récit dans une réalité palpable dont les enjeux nous touchent, ce qui permet de ne pas être simplement spectateur d’une mystérieuse catastrophe, d’un jeu de quilles mortel, mais de se sentir totalement impliqué auprès de ce couple et de sa petite fille. C’est un ingrédient qui manque à trop de films de ce genre et qui fait, à nos yeux, une très grande différence, quel que soit l’accomplissement technique du film. S’il ne frustre pas les attentes liées au genre, contient son lot de scènes spectaculaires convaincantes, crée des images très marquantes (la vision de Paris entièrement plongée dans la brume) qui impriment durablement la rétine, la réussite principale de Dans la Brume tient de son parti pris d’aborder le genre par l’intime. Le défi technique évident de rendre crédible l’envahissement des rues de Paris par un nuage toxique (reconstituées dans un immense studio en banlieue parisienne) est relevé mais la vraie plus-value du film  est bien à chercher du côté de ses trois personnages, ce couple et cette petite fille pris au piège dans leur immeuble transformé en ultime refuge. On peut d’ailleurs souligner que l’un des scénaristes du film, Guillaume Lemans est également auteur du scénario de La Nuit a Dévoré le Monde, autre brillant film de genre proposant un quasi huis-clos  dans un appartement parisien.

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La mécanique du film repose ainsi sur deux rouages qui fonctionnent sans grincement, entremêlant habilement l’intime et le spectaculaire. D’un côté, le mystère de la provenance de cette brume toxique ne laissant aucune chance à celui qui s’y laisse piéger décimant sur son passage une grande partie de la population parisienne (quid de son origine? son étendue?), de l’autre, le combat de deux parents contre le compte à rebours enclenché pour sauver la vie de leur fille dont les heures sont comptées dans sa bulle privée d’alimentation électrique et ne fonctionnant plus que sur sa batterie.  Le scénario de Dans La Brume parvient à maintenir constamment la tension dramatique parfaitement installée en quelques minutes par ce choix très judicieux de se passer d’une longue exposition, de ne pas donner au spectateur plus d’informations que celles dont disposent Mathieu (Romain Duris) et Anna (Olga Kurylenko).  C’est avec eux et à travers eux que l’on évolue dans cet univers silencieux, où la mort rode en permanence. Seule compte leur survie et celle de leur fille, le récit restant constamment à leur hauteur, sans céder à la tentation du spectaculaire, sans chercher à expliquer, justifier la présence de cette brume. Ce choix emballant souffre malheureusement de dialogues qui ne sont clairement pas à la hauteur de l’ambition narrative du film. Parfois explicatifs/ fonctionnels, souvent très plats, ils affadissent singulièrement quelques scènes pourtant très fortes (le film est admirablement construit) et très bien emmenées par la mise en scène de Daniel Roby. Si Romain Duris et dans une moindre mesure Olga Kurylenko parviennent à rendre ces dialogues digestes, Fantine Harduin ne parvient pas à faire de miracles et extraire son personnage de ce carcan.

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Cette limite réelle exposée, il s’agit plus pour nous d’un regret que d’un reproche de nature à occulter tout ce qui fonctionne par ailleurs si bien dans un film qui coche toutes les cases attendues d’un excellent film de genre, s’agissant notamment de la capacité à immerger le spectateur dans une réalité différente de la sienne et à lui procurer une bonne dose de frissons. Quand il descend dans ces rues embrumées, expose frontalement ses personnages au danger, les confronte à une succession d’épreuves prenant la forme de courses contre la montre, Dans la Brume est intense, haletant, la mise en scène de Daniel Roby se révélant parfois même virtuose notamment dans une scène de poursuite assez bluffante. Le suspense est sans cesse renouvelé de façon très intelligente alors que l’on aurait légitimement pu craindre le contraire. De même que l’on perçoit et ressent les enjeux dramatiques d’un film dont le propos, sans être d’une grande complexité, a le mérite d’être limpide, on retient sa respiration dès lors que la caméra s’engouffre dans cette brume mortelle, dans cet univers post apocalyptique crédible, crée avec un soin dans la direction artistique et la photographie bien trop rares dans le cinéma français. En laissant en suspens les questions que d’autres se seraient entêtés et empêtrés à résoudre, le film de Daniel Roby autorise plusieurs lectures et permet au spectateur d’y transposer ses propres peurs. Dans une époque où la menace d’une catastrophe écologique/nucléaire ou d’un attentat à l’arme chimique est telle, il est difficile de ne pas se dire que le drame auquel se retrouve confronté cette famille pourrait un jour être le notre.

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Titre Original: DANS LA BRUME

Réalisé par: Daniel Roby

Casting : Romain Duris, Olga Kurylenko, Fantine Harduin …

Genre: Science Fiction

Sortie le : 04 avril 2018

Distribué par: Mars Films

4 STARS EXCELLENT

EXCELLENT

 

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