SYNOPSIS: Pierre, la trentaine, est éleveur de vaches laitières. Sa vie s’organise autour de sa ferme, sa sœur vétérinaire et ses parents dont il a repris l’exploitation. Alors que les premiers cas d’une épidémie se déclarent en France, Pierre découvre que l’une de ses bêtes est infectée. Il ne peut se résoudre à perdre ses vaches. Il n’a rien d’autre et ira jusqu’au bout pour les sauver.
Faire d’une situation de crise rurale un thriller anxiogène et efficace est un pari délicat à tenir et surtout un pari réussi avec un film de haut vol, qui allie des choix esthétiques efficaces et une interprétation au cordeau, Swann Arlaud en tête. Petit Paysan démarre par une séquence rêvée qui définit d’ors et déjà son personnage principal qui vit pour son élevage. Nous ne sommes pas dans un traitement misérabiliste de la condition paysanne. Bien au contraire, Pierre vit pour son travail, c’est ce qui le définit, il s’y dévoue corps et âme sans se poser de question. Cette scène d’exposition de rêve incongru où les vaches ont envahies l’espace de vie du personnage principal imprime un caractère singulier à ce film dès ses premières minutes. Ce n’est pas une démonstration de style fortuite, écueil possible d’un premier long métrage estampillé étudiant sorti de la Fémis, mais un choix de mise en scène atypique qui imprime un vrai style cinématographique. L’ambiance de cette séquence de départ est un bien bel écrin qui lance la trajectoire d’un long métrage fort singulier de la relève du cinéma français contemporain.
Petit Paysan pose un postulat de départ simple : Que faire quand une situation nous échappe et qu’on la sait vouer à l’inéluctable destruction complète. Le film déroule ses thématiques sur la condition paysanne d’aujourd’hui prise entre la fourche, le tracteur, les vaccins, les directives de Bruxelles, les quotas etc. avec vérité tout en restant un objet fictionnel artistique qui ne verse jamais dans le documentaire. Car Petit Paysan flirte avec une tension issue du thriller, la menace plane, finit par transpirer par tous les pores du personnage mais avec le choix d’un traitement visuel ancré dans la quotidienneté, sans effets ostentatoires dans la mise en scène. Car le film aurait pu se faire trop démonstratif afin de symboliser la montée en pression de la situation que vit Pierre mais il n’en est rien et c’est dans les gestes de tous les jours que Pierre effectue auprès de son élevage que l’agitation, l’inquiétude et l’appréhension s’installent. C’est en ceci que le film revêt une véritable force confortée par le travail du chef opérateur avec un choix de lumière assez crue presque clinique, qui donne le film à voir comme une chronique, celle du désastre annoncé que va vivre ce jeune éleveur.
Comme souvent si le film est aussi réussi, c’est grâce aux interprétations de ses comédiens dont la partition est au diapason. Mention spéciale à Bouli Lanners qui en peu de scènes comme à son habitude réussit la gageure d’imposer sa présence de manière prégnante. Il représente un fil conducteur dont les apparitions font grimper l’angoisse de Pierre au sujet de l’épidémie. Sara Giraudeau dont le talent n’est plus à prouver poursuit sur sa lancée. Elle est la sœur de Pierre, également vétérinaire qui lui renvoie le reflet de la réalité de ce qui se passe et va se passer concernant l’élevage. Pierre va la fuir pour mieux se voiler la face. La direction d’acteurs se fait dans la retenue, sans démonstration exagérée et l’intériorité et le désarroi des personnages est palpable à l’écran. L’interprétation de Swann Arlaud pleine d’intensité dramatique, empreinte de fébrilité, confirme l’éclat de ce comédien. Il est entré au fur et à mesure dans le cinéma français avec une belle évidence et offre à ce Petit Paysan une palette de jeu tout en retenue qui touche le spectateur, l’émeut de manière continue et raisonne en nous durablement.
Le film dépeint une trajectoire qui insinue petit à petit un enfermement de plus en plus accru chez le personnage principal en vue de protéger son secret, son troupeau, comme si la dissimulation permettait métaphoriquement d’endiguer le mal qui ronge ses vaches. Le tour de force de Petit Paysan, c’est de ne pas user de procédés cinématographiques grandiloquents ou d’effets de styles démonstratifs mais d’ancrer les choses dans un réalisme fait de quotidienneté, une répétition des gestes et le choix des cadres se fait petit à petit de plus en plus serré sur notre personnage principal. Cet aspect est particulièrement palpable dans les scènes de mise en place de la traite des vaches. Cette pièce où Pierre est situé en contrebas de ses vaches et est quasiment écrasé par elles, fait qu’elles envahissent le cadre comme elles envahiraient son esprit. La narration montre un personnage est de plus en plus prisonnier de sa situation au fil de ces scènes comme lorsqu’il devient nécessaire d’essayer de se débarrasser des vaches qui ont attrapé le virus. Le film ne se veut pas un étendard de la cause paysanne mais une photographie précise des situations des agriculteurs qui du jour au lendemain peuvent se retrouver dépossédés de tout en cas de situation de pandémie mais pas seulement. Il est à noter d’ailleurs que le réalisateur, fils d’agriculteurs, est issu de ce milieu qu’il a su dépeindre avec précision tout en faisant œuvre artistique à part entière. Si le film se clôt sur un destin incertain pour notre personnage. Petit Paysan remue son spectateur qui, s’il ne finit pas exsangue sur son siège comme après un choc, ressent une sorte de malaise latent et le dialogue se poursuit à la fin du film autour de ces sujets de société et de l’avenir de la condition paysanne contemporaine. Petit Paysan a remporté trois César (Meilleur Premier Film, Meilleur Acteur et Meilleur second Rôle féminin) lors de la 43ème Cérémonie des César et c’est plus que mérité pour ce tout premier film très réussi réalisé par Hubert Charuel.
Titre Original: PETIT PAYSAN
Réalisé par: Hubert Charuel
Casting : Swann Arlaud, Sara Giraudeau, Bouli Lanners…
Genre: Drame
Sortie le: 30 août 2017
Distribué par: Pyramide Distribution
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma