Critiques

BARON NOIR (Critique Saison 2) Un titre de noblesse …

SYNOPSIS: Philippe Rickwaert et Amélie Dorendeu reforment leur binôme et sont prêts à tout pour accéder au pouvoir, mais le Baron Noir se contentera-t-il de rester dans l’ombre ? Pour « sauver la République » prise en étau entre l’extrême-droite et le fanatisme religieux, Amélie Dorendeu, candidate à l’élection présidentielle, suit la stratégie très risquée de Philippe Rickwaert, tout juste sorti de prison et contraint à être un conseiller clandestin dans l’attente de son procès.

Deux ans après une première saison qui nous mettait face au reflet de notre société politique de manière sèche et brutale à travers un scénario profond et extrêmement bien construit, Baron Noir est de retour pour huit nouveaux épisodes dans lesquels Philippe Rickwaert (Kad Merad) va devoir rallier à nouveau les suffrages. Car la situation du personnage était loin d’être reluisante à l’issue de la saison 1 puisqu’il y était emprisonné pour des détournements de fonds publics. Quand la saison 2 démarre, il s’apprête à en sortir mais de derrière les barreaux il est devenu l’éminence grise de sa maîtresse Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis) qui brigue le mandat présidentiel. Or, une fois dehors, son statut de détenu en liberté conditionnelle l’oblige à rester extrêmement discret et à soupeser la dangerosité voire l’illégalité des conseils qu’il prodigue au plus haut niveau de l’état. Toujours écrite par Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon, cette seconde saison poursuit dans la veine qu’elle avait suivie en 2016, à savoir, ne pas faire de la politique juste une toile de fond mais le vrai sujet central de la série. En allant encore plus à l’os du récit et en reléguant le romanesque et les artifices narratifs au second plan, Baron Noir n’a pas peur d’embrasser son sujet à bras le corps, quitte à apparaitre parfois un peu revêche et abrupte. Mais en parvenant à rendre toutes les trames politiques tout à la fois extrêmement complexes et limpides, les auteurs réussissent l’exploit de s’adresser au plus grand nombre sans sacrifier à l’exigence de réalisme qui s’attache à leur travail.

BARON NOIR S2 1 CLIFF AND CO

Encore plus remarquable, les auteurs qui ont vus le paysage politique se recomposer totalement lors de la phase d’écriture, sont parvenus à anticiper certaines situations devenues incontournables, comme les modifications des partis et leurs mutations respectives. Si l’émergence du parti En Marche et la victoire à la présidentielle d’Emmanuel Macron n’est pas l’inspiration première de cette seconde saison, ces nouveaux épisodes parviennent à dessiner en creux l’évolution de nos mœurs politiques, le personnage d’Amélie Dorendeu ressemblant à la figure moderne incarnée par le président de la République, capable de remettre en cause le bien fondé de la Vème République et les face-à-face antédiluviens entre la droite et la gauche. Certaines situations sont troublantes et font écho avec acuité à des situations ubuesques de la fin du quinquennat Hollande, que ce soit les alliances politiques pour faire tomber un adversaire même si il est de son propre camp, mais aussi certaines polémiques comme celles qui éclatèrent notamment autour de l’article 49-3. Par ailleurs, le personnage interprété par Hugo Becker va semer le trouble en utilisant des stratagèmes d’extrême droite pour rallier les électeurs du Front National rappelant la droitisation de certains élus de gauche tandis que le candidat FN interprété par l’excellent Patrick Mille se rapproche d’une élue républicaine pour effectuer la démarche inverse. Dans ce mécano politique où plus aucune position n’est figée, nul besoin de gonfler l’histoire avec des artifices romanesques tant les méandres de cet univers s’en chargent très bien tout seuls. L’acuité des scénaristes pour avoir senti la recomposition de l’échiquier politique dans de telles proportions est à saluer et la série est en cette saison 2 encore plus fidèle à ce que l’on a vécu lors de la dernière campagne présidentielle. Les autres nouveaux personnages comme celui de Vidal (formidable François Morel) qui rappelle fortement Jean-Luc Mélenchon, celui de Constance Dollé (Un Village Français) en socialiste qui déserte son parti ou celui de Pascal Elbé qui surprend dans la peau d’un Premier Ministre centriste issu de la société civile, contribuent à apporter la densité et le renouvellement des forces vives d’une série, dont le défaut principal est d’avoir du mal à faire passer des émotions fortes, comme si le manque de souffle romanesque la bridait quelque peu.

BARON NOIR S2 2 CLIFF AND CO

Mais si toutes ces magouilles et alliances politico-politiciennes tiennent lieu de ressorts principaux à ce thriller toujours aussi prenant et bien mené, c’est aussi grâce à un scénario brillamment écrit et qui fait la part belle aux mots d’auteur et aux répliques savoureuses qui s’accumulent tout au long des épisodes. Qui trop étreint mal embrasse en général mais la pléthore de bons mots n’apparait pas ici artificielle, ni préjudiciable, même si le fait de les remarquer incite à la prudence pour la suite. Mais ces saillies souvent excellentes servent constamment à faire avancer l’histoire et ne sont pas seulement des écrans de fumée destinés à nous leurrer. La réalisation toujours très inspirée de Ziad Doueiri (L’insulte, en salles concomitamment à la diffusion) est en mouvement constant sortant des inévitables champ/contrechamp et épousant en cela la personnalité de Philippe Rickwaert, sorte de zébulon. Kad Merad, comme en saison une, campe avec conviction cet homme politique rusé, jamais avare d’idée tordue et prêt à tout pour réussir. Il lui confère autant sa malice que sa hargne tout en lui conservant une part d’humanité qui nous le rend proche de nous. Le comédien remarquable de nuances et de malignité nous bluffe littéralement à de nombreuses reprises, faisant sonner les mots des auteurs dans sa bouche avec gourmandise. Brassant difficilement mais avec acuité de nombreuses thématiques sociétales entrant en collusion avec les préoccupations des français, la série peine à tout développer avec la même précision dans les temps qui lui sont impartis mais elle nous offre une réalité alternative saisissante, passionnante et fascinante à l’instar d’un page turner dont on ne peut se défaire avant d’avoir lu la dernière ligne. Ce n’est pas la moindre des prouesses de Baron Noir dont on attend impatiemment la saison 3.

La critique de la saison 1 est à lire ici

Crédits: Canal +

1 réponse »

  1. Merci pour cette critique. Un bémol cependant:
    « le personnage interprété par Hugo Becker va semer le trouble en utilisant des stratagèmes d’extrême droite pour rallier les électeurs du Front National ». Je ne partage pas du tout votre interprétation. Il ne s’agit pas de stratagème. Il découvre la réalité de terrain, les magouilles politiques, la tête d’autruche dans le sable et s’insurge contre. Le personnage joué par Merad va essayer de le manipuler, mais lui y croit vraiment. Il est en adéquation avec le réel.

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