Critiques Cinéma

LES LYONNAIS (Critique)

SYNOPSIS: De sa jeunesse passée dans la misère d’un camp de gitans, Edmond Vidal, dit Momon, a retenu le sens de la famille, une loyauté sans faille, et la fierté de ses origines. Il a surtout conservé l’amitié de Serge Suttel. L’ami d’enfance avec qui il a découvert la prison à cause d’un stupide vol de cerises. Avec lui, inexorablement il a plongé dans le Grand Banditisme, et connu l’apogée du GANG DES LYONNAIS, l’équipe qu’ils ont formée ensemble et qui a fait d’eux les plus célèbres braqueurs du début des années soixante dix. Leur irrésistible ascension prend fin en 1974, lors d’une arrestation spectaculaire. Aujourd’hui à l’approche de la soixantaine, Momon tente d’oublier cette période de sa vie. Sa rédemption, il l’a trouvée en se retirant des « affaires ». En prenant soin de Janou, son épouse, qui a tant souffert à l’époque et de ses enfants et petits enfants, tous respectueux, devant cet homme aux valeurs simples et universelles, lucide et pétri d’humanité. A l’inverse de Serge Suttel, qui malgré le temps n’a rien renié de son itinéraire…

Après le noir de geai de MR73, Olivier Marchal passe du côté des voyous pour son film suivant Les Lyonnais. Il aura fallu trois ans pour qu’il reprenne une caméra (il a entretemps créé et dirigé quatre épisodes de la saison 1 de Braquo) après l’incompréhension suscitée par son précédent opus, avec pour ambition de proposer un film qui soit le pendant français des grandes sagas mafieuses américaines et c’est donc cette fois-ci par le prisme des gangsters que Marchal s’attelle à une fresque ambitieuse à la narration éclatée, où les flashbacks s’insèrent au récit sans discontinuité apparente. Ses trois premiers films formaient ce que l’on peut considérer comme une trilogie policière et en plaçant sa caméra de l’autre côté du miroir, Marchal impose encore un peu plus sa griffe inimitable au sein d’un cinéma de genre atone et il confirme son impressionnante faculté à filmer la violence  avec une percussion et un lyrisme qui n’appartiennent qu’à lui.

En basculant dans le camp des voyous, Marchal délaisse la noirceur anxiogène de MR73 et se place dans les pas d’Edmond Vidal pour raconter le destin de cette ex-figure du grand banditisme qui a raccroché mais qui va se retrouver malgré lui à nouveau dans les emmerdes jusqu’au cou. En faisant de ce personnage charismatique le centre névralgique de son récit, le réalisateur en fait une icône mais sans pour autant excuser ses actes et la dimension héroïque qu’il lui confère, si elle peut déstabiliser, est en parfaite adéquation avec les intentions du récit. Avec sa construction parallèle sur la jeunesse de ces gangsters alors qu’ils se croient invincibles et sur leur transformation des décennies plus tard, le film, qui s’inspire d’une histoire vraie, laisse percevoir une densité et une dimension tragique et cette histoire met en lumière l’humanité d’un homme, dont le code d’honneur est érigé en art de vivre. Avec une échelle des valeurs chevillée au corps et la protection de sa famille comme unique obsession, Momon, comme il est surnommé, est un personnage à l’envergure impressionnante qui s’inscrit dans la galaxie d’Olivier Marchal aux côtés des grands flics dépeints dans ses précédents films et notamment dans 36 Quai des Orfèvres. Dans ce qu’il donne à voir, dans l’affrontement fraternel que se livre Serge et Momon (un peu comme celui que se livrait Klein et Vrinks dans 36), Marchal place l’exemplarité et la défense des idéaux au centre de son épopée.

Le film noir avec des gangsters à la stature impitoyable est devenue en France une denrée rare. Olivier Marchal, après avoir redonné au polar ses lettres de noblesse réhabilite le drame et lui confère une ampleur quasi shakespearienne dans des envolées lyriques qui déterminent toute sa profondeur. Les Lyonnais possède un supplément d’âme qui lui permet de dépasser le cadre strict du film de genre et, si le film n’est pas exempt de maladresses, il nous emmène au cœur d’une tragédie contemporaine qui nous plonge dans un typhon qui va tout emporter autour de lui. Comme toujours chez Marchal, ce sont les personnages et ceux qui les interprètent qui déterminent la puissance qui se dégage d’une histoire portant en elle les germes d’un drame dont les échos se répercutent 1h45 durant. Au centre de ce jeu de dupes, Gérard Lanvin livre une performance où son charisme imprime la pellicule d’une manière étourdissante. Il est d’une beauté à couper le souffle et son aura prend avec les années une dimension folle. Face à lui, Tchéky Karyo est dans une interprétation plus minimaliste et clairement dans sa zone de confort, alors que la confrontation entre ces deux belles figures masculines aurait peut-être dû prendre un tournant émotionnel encore plus implacable. Francis Renaud, Daniel Duval, François Levental, Patrick Catalifo, Lionnel Astier, Stéphane Caillard ainsi que le très bon Dimitri Storoge qui interprète Momon jeune, composent une distribution éclectique où des fidèles du cinéaste et de nouveaux venus dans son univers, se donnent la réplique dans un ballet relativement harmonieux.

Car Olivier Marchal, entre une générosité abondante et une inclinaison pour la tragédie a parfois du mal à canaliser le matériau pléthorique qu’il a entre les mains et qu’Edgar Marie et lui ont adapté des mémoires d’Edmond Vidal. Le film est trop court par rapport à tout ce qu’il ambitionne de raconter et on sent que certains éléments sont rentrés aux forceps ce qui l’empêche d’avoir parfois l’ampleur qu’il mérite. Cela n’empêche évidemment pas une beauté formelle de premier ordre magnifiée par la photographie d’un Denis Rouden inspiré, la musique prenante d’un Erwann Kermorvant qui sait nous embarquer par ses notes profondes et par la réalisation majestueuse d’un Olivier Marchal qui est à son meilleur lorsque les coups de feu éclatent et que l’action et la violence explosent et se répondent dans une symphonie sanglante et spectaculaire. « On porte son passé dans sa chair et dans son âme » dit la voix off de Gérard Lanvin au début du film. C’est la plus belle des vérités et elle va comme un gant à un metteur en scène qui avance encore et toujours dans un cinéma envoûtant et viscéral.

Titre original: LES LYONNAIS

Réalisé par: Olivier Marchal

Casting: Gérard Lanvin, Tchécky Karyo, Daniel Duval

Genre: Policier

Sortie le: 30 Novembre 2011

Distribué par : Gaumont Distribution

TRÈS BIEN

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