Critiques Cinéma

A BEAUTIFUL DAY (Critique)

4 STARS EXCELLENT

SYNOPSIS: La fille d’un sénateur disparaît. Joe, un vétéran brutal et torturé, se lance à sa recherche. Confronté à un déferlement de vengeance et de corruption, il est entraîné malgré lui dans une spirale de violence…

Faire reposer entièrement son film sur les tourments d’un personnage qui ne les verbalise pas mais qui dans son attitude, comme dans son rapport à la violence, n’est qu’un long cri de douleur et de désespoir, on ne peut pas dire que Lynne Ramsay ait choisi la facilité pour se remettre de la plus grosse déception de sa carrière, son départ du tournage de Jane Got A Gun, western féministe qui échu finalement à Gavin O Connor. Ceux qui ont pensé, induits en erreur toutefois par le marketing du film, que Lynne Ramsay allait s’essayer au thriller ultra violent, au revenge movie qui lorgnerait du côté du cinéma coréen ne seront pas totalement frustrés mais vont assurément être déboussolés. De même l’ironie apparente du  titre français préfigurait une journée en enfer aux côtés de Joaquin Phoenix en redresseur de torts armés de son seul marteau. En réalité la violence qu’exerce Joe n’est qu’un tout petit échantillon de celle qu’il a en lui, de la douleur qui le ronge et A Beautiful Day se révèle être davantage mental que viscéral, rongé de l’intérieur par l’interprétation fiévreuse de Joaquin Phoenix. 

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Si Lynne Ramsay explore un nouveau territoire, elle y a emmené ses thématiques, Joe pouvant être vu comme un cousin de Kevin (We Need to Talk About Kevin), un personnage dont l’enfance aura en partie conditionné l’homme rempli de colère et de violence qu’il est devenu. Le titre original You Were Never Really Here dit bien ce qu’est Joe, une ombre, autant absent pour les autres que pour lui même, ce que traduit magnifiquement la mise en scène. A Beautiful Day est un pur exercice formel poussant le minimalisme narratif jusqu’à ses limites, cherchant une forme d’épure qui confine presque à l’abstraction mais qui dialogue complètement avec ce que vit et ressent son personnage principal. Plus qu’une plongée immersive et viscérale dans l’enfer dont il doit sortir cette adolescente, A Beautiful Day est une plongée dans la psychée de Joe, dont la douleur sourde contamine la mise en scène. Absent à lui même et absent aux autres, Joe n’est que traumas et douleur, il ne s’anime que lorsqu’il est avec sa mère et pour retourner toute la violence enfouie en lui contre les agresseurs des enfants qu’il doit retrouver. Cette violence dont il fait preuve dans ses missions d’homme de main n’est pas du pur sadisme mais la libération de ce qui bouillonne en lui, d’une rage née de traumas que l’on découvre au fil du récit, par le biais de flashs mentaux qui l’assaillent. Lynne Ramsay aborde le film de genre par le biais d’un personnage dont la souffrance intérieure est bien supérieure à celle qu’il pourra infliger à ses victimes. C’est cela qui irrigue son film plus que ses expéditions punitives marteau en main.  Quand on pouvait dans ses précédents films lui faire le reproche d’une certaine froideur dans sa mise en scène et dans le regard qu’elle porte sur ses personnages, elle a ici fait le choix de connecter sa mise en scène à Joe, de nous faire ressentir sa douleur, ses montées d’adrénaline. Portée par la sublime musique de Johnny Greenwood, l’expérience est hypnotique et parfois douloureuse.

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Lynne Ramsay n’hésite pas à désamorcer l’effet « choc » que pourraient avoir certaines scènes, en faisant de Joe davantage un ange exterminateur, qu’un héros classique de film de genre qui serait filmé au plus près lorsqu’il s’abat sur ses victimes. A plusieurs reprises, elle joue sur le montage pour donner le sentiment qu’il disparaît et réapparaît comme une ombre, ce qui fait également écho avec ce qu’il ressent. De même, sa violence s’exerce parfois hors champ ou filmée par des caméras de sécurité, dans un refus du spectaculaire, comme pour garder de la distance avec ses actes, le cœur du film se situant ailleurs (plus Odd Boy que Oldboy, le film de Park Chan Wook qui met lui aussi en scène un amateur de marteau)

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A Beautiful Day est aussi la rencontre entre deux artistes qui refusent les compromissions. Joaquin Phoenix fait partie des ces acteurs dont la seule présence au casting est déjà un sérieux indice sur la qualité du film ou à tout le moins sur son ambition. James Gray (The Immigrant, La Nuit nous appartient, The Yards),  Paul Thomas Anderson (Inhérent Vice, The Master), Spike Jonze (Her), le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne va pas vers des projets lisses dans lesquels le metteur en scène ne s’appuierait pas sur son incroyable intensité. Ce qui passe par son regard vaut toutes les lignes de dialogues et Lynne Ramsay lui a assurément offert l’un de ses plus grands rôles, justement récompensé au festival de Cannes 2017. Elle filme son corps massif et zébré de cicatrices comme Casey Affleck avait pu le filmer dans son captivant documentaire/mocumentaire: I’m Still Here (2010). Le personnage et l’acteur se confondent à l’écran, les cicatrices apparentes sont celles de Joe mais les blessures à l’âme paraissent être celles de Joaquin. Si on peut trouver dans le parcours de Joe une similitude avec celui de Travis Bickle et que l’influence du film de Martin Scorsese peut être décelée, A Beautiful Day casse les codes, brouille les repères, expérimente. Le film de Lynne Ramsay, tout comme son héros, est tourmenté, ne se livre pas facilement mais il est assurément fascinant.

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Titre Original: YOU WERE NEVER REALLY HERE

Réalisé par: Lynne Ramsay

Casting : Joaquin Phoenix, Ekaterina Samsonov, Alessandro Nivola

Genre: Thriller, Drame

Date de sortie :  8 novembre 2017

Distribué par: SND

4 STARS EXCELLENTEXCELLENT

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