Critiques Cinéma

L’ATELIER (Critique)

SYNOPSIS: La Ciotat, été 2016. Antoine a accepté de suivre un atelier d’écriture où quelques jeunes en insertion doivent écrire un roman noir avec l’aide d’Olivia, une romancière connue. Le travail d’écriture va faire resurgir le passé ouvrier de la ville, son chantier naval fermé depuis 25 ans, toute une nostalgie qui n’intéresse pas Antoine. Davantage connecté à l’anxiété du monde actuel, il va s’opposer rapidement au groupe et à Olivia, que la violence du jeune homme va alarmer autant que séduire. 

L’atelier, le nouveau film de Laurent Cantet (Palme d’Or en 2008 pour Entre les Murs) est une belle réussite. Dans ce qu’il dit, dans la manière qu’il a de le faire, par son intelligence et sa subtilité pour évoquer avec justesse des sujets contemporains et par son traitement remarquable de la jeunesse. C’est un film qui dit des choses vraies et importantes sur l’éducation, l’angoisse de l’avenir, la tentation de lâcher la proie pour l’ombre en cédant aux sirènes de l’extrémisme et à la fascination pour des chimères alors que la société française est plus troublée que jamais.

Coécrit par Cantet et Robin Campillo (le réalisateur de 120 Battements par Minute), le film nous plonge dans un atelier d’écriture mené par une romancière et composé de sept jeunes gens qui cherchent à tracer leur voie et à transformer leur échec scolaire et leur tentative d’insertion en une nouvelle chance. Des séances intensives de brainstorming libèrent la parole et révèlent les perspectives et les différences de pensée au sein du groupe tout en dessinant la cartographie d’une jeunesse désœuvrée et sans repères mais dont ces jeunes gens conservent l’espoir et la hargne chevillés au corps de s’extraire de cette morosité ambiante et de cet échec annoncé.

Au sein du groupe, Antoine est une figure solaire, brûlante, brillante qui se différencie de ses camarades par une indifférence marquée pour l’histoire de leur ville de La Ciotat, ce qui a pour conséquence de l’opposer au reste de l’atelier et à la romancière, Olivia, qui se doit de ne pas prendre fait et cause pour une seule personne du groupe. Mais, intriguée par ce jeune homme sombre et mystérieux, elle va chercher à le comprendre et à en savoir plus sur lui. Peu à peu, le récit s’extrait du focus sur le groupe pour s’intéresser aux échanges entre ce duo qui tisse une relation trouble, Olivia souhaitant s’inspirer d’Antoine pour son prochain livre.

De prime abord on aurait pu craindre que la codification marquée des personnages et leurs origines diverses plombe un peu les intentions de départ mais c’est dans la mixité que Laurent Cantet puise l’essence et le réalisme de son récit, d’autant plus que le scénario fait en sorte que chacun des jeunes interprètes dispose d’un espace suffisant pour exister et pour que leurs personnages soient de chair et de sang et ne soient pas juste réduits à leur condition. En mettant la littérature au centre d’un travail pour permettre à ces jeunes de se livrer et de se trouver un but, Laurent Cantet a un discours rare et intéressant dans le cinéma français en proposant un film à l’angle social évident mais qui va plus loin que son apparence, la propension du réalisateur à faire monter la tension lui permettant de donner une autre dimension à son film, qui passe des paysages des calanques baignées de soleil à une ambiance sombre et angoissante.

Entourée d’acteurs débutants tous très justes, Marina Foïs démontre à nouveau quelle formidable comédienne elle est pleine de nuances et d’intensité dans le rôle de cet écrivain célèbre que le contact avec ces jeunes gens et plus particulièrement avec la personnalité complexe d’Antoine, va profondément changer. De ce groupe de jeunes comédiens, on ne peut pas ne pas extraire Matthieu Lucci, fascinant, glacial et animal, au charisme incandescent.

La mise en scène de Laurent Cantet épouse les deux ambiances distinctes de son film avec une précision diabolique accompagnée par la superbe photographie de Pierre Milon, et l’écriture conjointe de Cantet et Campillo donne au film toute sa densité socio-politique et leurs dialogues précis, jamais didactiques ou plombants, très réussis, évoquent en creux tant le djihadisme que le racisme, le monde ouvrier que le besoin de reconnaissance d’une génération qui cherche à se raccrocher encore à quelque chose. L’Atelier est un film vivant, énergique et nécessaire en symbiose avec son époque, dont il mesure les pulsations avec une force et une profonde humanité et qui redonne à la littérature une place prépondérante dans la vie de cette jeunesse ultra connectée. A voir et à méditer.

Titre Original: L’ATELIER

Réalisé par: Laurent Cantet

Casting : Marian Foïs, Matthieu Lucci, Warda Rammach

Genre: Drame

Sortie le: 11 octobre 2017

Distribué par: Diaphana Distribution

TRÈS BIEN

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