Critiques Cinéma

PURGATORYO (Critique)

4 STARS EXCELLENT

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SYNOPSIS: Appréhendé en train de commettre un larcin, Ilyong est froidement descendu par la police. À la morgue, son corps fera l’objet d’un curieux trafic dirigé par Violet…

Le cinéma philippin vit un âge d’or qui pourrait laisser envieux de nombreux pays dont la tradition cinématographique est plus grande et les moyens sans commune mesure avec cet archipel surpeuplé, rongé par la corruption, les trafics de drogue et la pauvreté, mais parcouru par une envie de cinéma qui force l’admiration. Lino Brocka (Bayanko, Insiang ...) et Mike De Leon (Sister Stella L, Kisapmata…) ont trouvé de dignes successeurs avec des cinéastes comme Erik Matti (On The Job … ) Brillante Mendoza (Serbis, Kinatay, Ma’Rosa …) et Lav Diaz (Norte, From What Is Before … )  dont les films apparaissent dans les plus prestigieux festivals. C’est donc avec une grande impatience et une certaine bienveillance que nous attendions de pouvoir découvrir le troisième film de Roderick Cabrido, jusqu’à présent surtout reconnu et récompensé pour son travail de documentariste.

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A l’instar de ses compatriotes, Cabrido n’entend pas extraire son film du contexte social et économique des philippines, prouvant encore une fois que l’on peut faire un film suffisamment barré pour être sélectionné à l’étrange festival tout en disant quelque chose de la situation et des mœurs de son pays. Partir d’une réalité sociale pour emmener son scénario dans les territoires du film de genre, voilà une recette qui a largement fait ses preuves. Sous l’impulsion du président Rodrigo Duerte qui a déclaré une guerre sans merci aux trafiquants de drogue, la police ne fait pas l’économie de ses balles et les entreprises de pompe funèbre ne désemplissent pas. Bien souvent les corps ne sont pas réclamés par la famille des défunts qui ne peuvent pas payer les frais d’embaumement et d’obsèques. Certains policiers n’hésitent par ailleurs pas à réclamer des pots de vin pour remettre les corps. C’est cette réalité qui sert de point de départ au scénario de Purgatoryo.

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Le funérarium Jimenez est une petite entreprise qui ne connaît pas la crise, son juteux business provenant du commerce des cadavres qui ne sont pas réclamés par leur famille et qui sont « fournis », contre un pot de vin, par un policier corrompu qui a tout intérêt à ce que les affaires tournent. Les amateurs de la série Six Feet Under n’y retrouveront pas leurs petits, le patron et les employés du funérarium Jimenez étant les exacts opposés de la respectable famille Fisher, aussi dysfonctionnelle était t-elle. Dirigée par Violet (Bernardo Bernardo), un travesti aussi cupide que libidineux, cette petite entreprise ne s’embarrasse d’aucun respect pour les cadavres qu’elle entasse dans une chambre mortuaire qui ressemble davantage à la salle de torture d’un snuff movie. La magistrale ouverture du film nous y plonge directement, sans aucun filtre, Cabrido filmant les corps de la même façon que ses personnages les traitent, comme des objets que l’on transporte et customise sans le moindre égard. Le plan séquence d’ouverture puis la scène d’embaumement et de préparation du corps filmé en caméra subjective nous ont cloués au siège et enfermé à double tour dans cette salle aux teintes bleutées.

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Les employés de Violet, pas plus que lui, ne s’embarrassent de scrupules et d’un quelconque respect pour ces cadavres qui ne sont qu’une marchandise dont on fait commerce. Manger pendant l’embaumement, jouer aux cartes ou faire l’amour à quelques centimètres des défunts est parfaitement naturel et fait même partie de leur routine. La trivialité de ces scènes est assez déstabilisante mais elle n’est, à notre sens, pas gratuite ou choquante en ce qu’elle parfaitement ancrée dans la thématique du film. Les corps, le sexe et l’argent tout s’entremêle pour créer une ambiance des plus poisseuses mais qui ne tombe pas dans le glauque par la grâce de personnages hauts en couleur qui apportent une respiration au récit. Quand il parle de la marchandisation du corps humain et de l’immoralité de ses « commerçants », Cabrido est en terrain connu pour avoir traité d’un sujet similaire dans son documentaire The Nomadic Creatures of a Long Twilight, sur le trafic d’organes dont les Philippines est un eldorado. Sublimée par la magnifique photographie  de Mycko David et Cesca Lee, Purgatoryo parvient à ne pas rester prisonnier de son sujet poisseux et de la trivialité de ses personnages, pour revêtir par instant les habits d’un conte un peu grotesque et cruel qui ne peut que mal se terminer. Ce voyage au bout de la nuit philippine (le récit se passe entièrement de nuit) est parfois éprouvant et souffre de quelques baisses de rythme mais il est indiscutablement l’un des plus fascinants de cette année.

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Titre Original: PURGATORYO

Réalisé par: Roderick Cabrido

Casting : Bernardo Bernardo, Kristoffer King, Jess Mendoza,

Arnold Reyes, Rolando Inocencio, Elora Españo

Genre: Thriller, Drame, Horreur

Date de sortie: –

Distribué par: –

4 STARS EXCELLENT

EXCELLENT

 

 

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