Critiques Cinéma

LA PLANÈTE DES SINGES – SUPRÉMATIE (Critique)

4,5 STARS TOP NIVEAU

PDSSuprematie-affiche-cliff-and-coSYNOPSIS: Les Singes et César sont sauvagement attaqués par une armée humaine. A la tête de celle-ci, un colonel impitoyable qui prône leur destruction. Déchiré entre ses instincts les plus sombres et sa volonté de protéger les siens, César construit sa vengeance. Le duel entre les deux leaders déterminera le destin de chaque espèce et l’avenir de la planète.

Il est de bon ton de critiquer l’inlassable cycle de reboots qui frappe le cinéma hollywoodien pourtant cette nouvelle itération de la saga Planet of the Apes est un exemple d’une approche réussie qui en faisant un pas de coté, offre une vision qui s’avère fidèle à l’esprit du film de 1968 tout en étant profondément originale. Aux origines de ce reboot la commande par la Fox, dans la foulée du remake raté de Tim Burton auprès du scénariste Scott Franck (Hors d’atteinte) d’un remake de La Conquête de la Planète des Singes, script intitulé Caesar, très documenté, explorant de manière réaliste les conséquences de l’acquisition de la parole par les singes suite à des expériences génétiques servira de substrat à un pitch du couple Rick Jaffa – Amanda Silver (Jurassic World) prenant pour vecteur la recherche sur Alzheimer. Le film, grâce à la mise en scène de Rupert Wyatt, au talent de Weta et d’Andy Serkis, modèle de blockbuster intelligent rencontra un succès-surprise, et, malgré le départ de Wyatt, sa suite confiée à Matt Reeves (Cloverfield, Let me in) connaîtra  le même succès tout en conservant la maturité. Dans la continuité du précédent, La Planète des singes : Suprématie, après un bandeau informant le spectateur que suite au conflit déclenché par Koba (Toby Kebbel) les troupes humaines appelées en renfort à la fin de La Planète des singes : L’affrontement, mènent sous le commandement d’un mystérieux colonel, une guerre sans pitié à la tribu de César. Le film s’ouvre dans la foret épaisse de Muir Wood sur un commando d’humains assistés de singes « collaborationnistes » qui mène l’assaut sur une position tenue par César. Après cette scène de guerre asymétrique qu’on croirait sortie d’un film de guerre du Vietnam, nous retrouvons César (Andy Serkis) et son peuple, réfugiés dans une grotte attendant le retour d’éclaireurs dépêchés pour trouver  un nouveau territoire loin des humains. Profitant de la nuit, renseigné par un traître au sein de la tribu, le Colonel attaque la grotte, César réchappe de peu à cette première confrontation une hallucinante séquence nocturne à la lueur de la pleine lune, et se lance bientôt ivre de vengeance, sur les traces du colonel…

Le script signé Matt Reeves et Mark Bomback ( Die Hard 4, le remake de Total Recall autant dire qu’il s’agit là de son meilleur travail) suit alors une trajectoire toujours surprenante qui se nourrit des films qui ont inspiré le réalisateur en les transfigurant, la traque initialement nous renvoie au western (à Josey Wales de Clint Eastwood en particulier) puis bascule dans le « film de camp » et d’évasion pour finir par toucher au récit biblique en  mode  Dix Commandements. Quand cet aspect du récit se révèle, le spectateur prend conscience qu’il était présent en filigrane tout au long du film tant les motifs religieux y abondent (crucifixions, sacrifice des premiers-nés, reniements et repentances). La captivité des singes et la construction forcée d’un absurde mur renvoie autant aux prisonniers de guerre contraints de bâtir le  « Pont de la rivière Kwai » (autre citation directe adaptée comme la Planète des singes d’un roman du français Pierre Boulle) qu’aux hébreux construisant les pyramides pour le pharaon dans Les Dix Commandements. C’est bien à la figure de Moïse que renvoie César, singe élevé parmi les hommes comme Moïse le fut aux cotés du pharaon, menant la révolte contre les humains dans La Planète des singes : Les origines, contraint de devenir chef de guerre à la fin de La Planète des singes : L’affrontement et qui au crépuscule de sa vie doit libérer son peuple de la servitude pour l’amener vers une terre promise. Mais César est habité  par le désir de vengeance et rongé par ses erreurs passées. Cette dimension fait de La planète des singes Suprématie plus une tragédie épique qu’un blockbuster d’action pétaradant

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Avec ce nouveau film Matt Reeves est parvenu à faire avec ce qu’il souhaitait depuis  son entrée sur la saga, placer l’action uniquement du point de vue des singes sans devoir le contre-balancer par la vision d’un groupe de protagonistes humains qui constituaient le maillon faible de La planète des singes l’affrontement. L’humanité est uniquement perçue à travers le regard de César et de ses compagnons et la mythologie de la franchise  non seulement présente sous forme de clins d’œil (Nova, Cornelius) fait partie intégrante de l’intrigue. Les nouveaux personnages introduits ici sont particulièrement réussis.  Le traitement que fait le film du Colonel, l’antagoniste, figure kurtzienne (tant il rappelle le personnage de Brando dans Apocalypse Now) est particulièrement efficace : sa présence  nous parvient d’abord au travers d’une voix  poussant ses hommes au sacrifice puis tel un ogre lors de son incursion nocturne couvert de maquillage venu porter la mort au cœur de la tribu de César. Ce n’est qu’au bout de la traque qui va conduire ce dernier « au cœur des ténèbres » qu’une confrontation révélera la véritable nature certes monstrueuse mais torturée  renvoyant à César l’image de ce qu’il pourrait devenir si il laissait ses démons le dévorer…. Woody Harrelson dense comme de l’uranium donne une aura incroyablement puissante à son personnage, son jeu prend d’abord appui sur celui de Brando dans le classique de Coppola pour s’en éloigner peu à peu, quand nous sont révélées les motivations de ce personnage charismatique, complexe et au final  tragique. Une des meilleures performances du comédien.

Autre addition au canon, Bad Ape interprété par Steve Zahn qui parvient à être à la fois un personnage à vocation comique, drôle et particulièrement attachant mais qui possède aussi une véritable dimension dramatique. Coïncidence on retrouve dans La planète des singes Suprématie pour la seconde fois dans un grand film de la Fox  cette année – après Logan – un personnage d’enfant mutique qui va devenir compagnon de route d’un vieux guerrier au crépuscule de sa vie, la jeune Amiah Miller (Dans le noir) incarne Nova (clin d’œil au personnage de Linda Harrison dans le film original) qui va peu à peu devenir l’intermédiaire entre cette race humaine qui s’efface et le monde des singes, qui se traduit par une évolution au cours du film de ses  mouvements. C’est Terry Notary qui est en charge de cette chorégraphie sur le film comme sur les volets précédents et comme il le fut aussi sur la trilogie du Hobbit, Warcraft et Kong Skull Island où il « interpréta » le rôle titre. Il interprète également Rocket fidèle lieutenant de César. Son rôle et ceux des personnages secondaires sont très soignés tel l’orang-outan Maurice (Karin Konoval) ou le singe albino Winter (Aleks Paunovic). Le scénario offre des trajectoires inattendues à des personnages  en apparence prévisibles comme Rex (Ty Olsson) le gorille « collabo » qui se met au service du colonel contre César. Sans surprise c’est bien Andy Serkis qui se taille la part du lion, parvenant avec peu de dialogues à nous faire ressentir les conflits intérieurs de César tiraillé entre ses obligations, sa soif de vengeance et le remords qui vient le hanter sous la forme du spectre de Koba (Toby Kebbel) qu’il fut contraint de tuer à la fin du volet précédent. Ce ne serait que justice que le comédien véritable Lon Chaney de l’ère numérique reçoive une nomination à l’Oscar.

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On évoque souvent l’uncanny valley ce sentiment d’étrangeté qui nous saisi face à une reproduction numérique du vivant, cette « vallée dérangeante » est pourtant en passe d’être franchie ici par le travail de Weta Digital. Les équipes de Joe Letteri animent des dizaines de primates se fondant parfaitement dans des décors naturels sans que jamais les spectateurs ne remettent en cause leur réalité. Certes dans la technique de motion-capture le travail des acteurs est primordial pour apporter le supplément d’âme à ce qui ne serait qu’une démonstration technique mais le niveau d’excellence atteint ici par la société neo-zélandaise est incroyable. Visuellement (à l’image de son prédécesseur) La planète des singes Suprématie est un des gros budgets les plus beaux de mémoire récente, la photographie du vétéran Michael Seresin (Midnight Express, Angel Heart, Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban) est somptueuse qu’il filme des forets , des montagnes enneigées ou l’atmosphère lugubre et glaciale du camp de prisonniers. La direction artistique de James Chinlund  (Avengers) est tout aussi soignée, regorgeant de tant de détails qu’on est pleinement immergé dans l’univers du film. Matt Reeves confirme ici qu’il fait bien partie du top 10 des cinéastes américains de divertissement, le soin qu’il apporte à la composition de ses cadres et sa mise en scène à la fois ample et dynamique fait le lien entre le cinéma classique et moderne. Si nous avions trouvé décevante la partition de Michael Giacchino sur le précédent volet autant dire que toutes nos réserves s’envolent ici devant son fantastique travail  : tour à tour tribal, romantique, lyrique et épique son score pour  La Planète des singes : Suprématie compte parmi ses meilleurs. En conclusion visuellement époustouflant, émotionnellement puissant porté par la mise en scène de Matt Reeves, le jeu de Serkis et le travail de Weta digital La Planète des singes : Suprématie est un grand film dont la solennité et la densité le place à la hauteur des grands films épiques dont il s’inspire.

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Titre Original: WAR FOR THE PLANET OF THE APES

Réalisé par: Matt Reeves

Casting : Andy Serkis, Woody Harrelson, Steve Zahn

Genre: Science fiction, Action, Aventure

Date de sortie : 2 aout 2017

Distribué par: Twentieth Century Fox France

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