SYNOPSIS: Afrique du sud, montagnes du Cap Oriental. Comme tous les ans, Xolani, ouvrier solitaire, participe avec d’autres hommes de sa communauté aux cérémonies rituelles d’initiation d’une dizaine d’adolescents. L’un d’eux, venu de Johannesburg, découvre un secret précieusement gardé… Toute l’existence de Xolani menace alors de basculer.
Pour son premier film, John Trengove s’intéresse à un sujet méconnu dont il tire des questionnements universels sur la place et le rôle de l’homme assigné par les sociétés à tradition patriarcale. Ce qui se joue dans le récit qui se concentre durant les jours de la cérémonie initiatique, aux termes de laquelle ces « initiés » seront devenus des hommes, est double. Cela tient à une approche d’abord quasi documentaire, sur un rite ancestral qu’il parait difficile de ne pas considérer aujourd’hui comme barbare, qui glisse au fil du récit vers une approche plus intimiste à travers l’évocation de l’amour impossible entre deux hommes. L’entrée dans cette culture qui nous est étrangère se fait par l’intermédiaire de Xolani (Nakhane Touré), initié lui aussi quelques années auparavant et devenu instructeur pour des raisons qui ne tiennent pas qu’à sa volonté de perpétuer cette tradition. Il est ainsi à la fois le témoin et l’acteur du récit, complice certes d’un rite qui perpétue une tradition mais aussi victime de celle-ci.
John Trengove s’est lancé dans une entreprise ambitieuse mais bien périlleuse en insérant une histoire d’amour à la BrokeBack Mountain (Ang Lee, 2005) dans un récit qui entend par ailleurs traiter d’un sujet aussi lourd que la circoncision forcée des jeunes hommes issus de l’ethnie des Xhosa, qui entraîne des dizaines de morts chaque année. Au risque d’édulcorer largement les drames engendrés par cette cérémonie initiatique dont les participants (qu’on estime à 40 000 par an) sont généralement envoyés par leur famille qui rémunère les chefs coutumiers, mais aussi parfois, enlevés en pleine rue, John Trengove finit par traiter en arrière plan du sort de ces jeunes hommes par ne s’intéresser qu’à celui de l’un deux, Kwanda (Niza Jay Ncoyini), principalement pour ce qu’il révèle de la relation entre Xolani et Vija (Bongile Mantsai). S’il ne s’est donc pas laissé prendre en otage par son sujet de départ, il s’en est malheureusement probablement trop affranchi, même si ce jugement est certainement très dépendant de la sensibilité du spectateur. De fait, Les Initiés n’est pas un film violemment à charge contre le rite qui réunit ses trois personnages principaux. S’il en montre dès le début la brutalité (d’aucuns diront toutefois qu’il le fait avec une pudeur de gazelle), il fait ensuite un pas de côté et déplace son regard vers ce qui est son autre et peut être véritable sujet: la question de l’homosexualité dans une société sud africaine profondément inégalitaire et patriarcale. Les Initiés est de fait à la fois un film politique, un film social et un film d’amour. Il faut saluer l’ambition mais reconnaître que l’articulation entre ces trois dimensions pose problème en 1h30 et que le passage de l’une à l’autre ne se fait pas sans quelques frustrations.
De même que Xolani participe à cette cérémonie avant tout pour retrouver Vija, le film donne, peut-être malgré lui, la gênante impression que ce que l’on pense être son sujet de départ n’est là qu’un prétexte ou disons un point d’entrée, pour illustrer et traiter ce qui l’intéresse véritablement. Cette histoire d’amour est teintée de violence, bridée aussi bien par les non dits, que par le poids de la culpabilité que ressent Vija, qui comme le personnage d’Heath Ledger dans BrokeBack Mountain, n’est pas capable d’exprimer ses sentiments pour celui qu’il aime mais qui représente également une menace pour son couple et surtout sa place dans la société. Ces deux très beaux personnages entre lesquels passent une tension et un désir palpable sont traités avec beaucoup de sensibilité mais, quitte à ce que le récit bascule vers leur histoire, on aurait aimé qu’il l’embrasse complètement. Il y a une fragilité chez Xolani sur laquelle on aurait aimé que Trengove s’attarde plus même si l’on saisit malgré tout ce qui l’anime et l’enferme à la fois. C’est un magnifique personnage romantique, un de ces amoureux condamnés au malheur, à attendre celui vers lequel penche son cœur. Il est de ceux qui se sacrifient par amour et ne voit pas que celui qu’il aime est aussi celui qui l’empêche d’exister par lui-même. Voir un tel personnage dans un film traitant de l’homosexualité en Afrique est déjà assez admirable mais la frustration demeure toutefois de n’en voir que les contours. A travers ses trois personnages principaux, le film traite de l’impossibilité de vivre sa différence et plus généralement, de cet idéal masculin, imposé par la société, auquel on les force à se conformer. Pour Kwanda, refuser ce rituel c’est prendre le risque d’être rejeté et de ne jamais être considéré comme un homme. Vivre sa différence c’est à terme se condamner au malheur. Le portrait ainsi dressé de la société sud africaine est particulièrement sombre.
La force des thèmes traités par Les Initiés et la pertinence des questions qu’il pose sont à la fois sa force et sa limite. Sa force, en ce que même en n’allant pas véritablement au bout de ses intentions, même en ne proposant que peu de choses sur le plan de la mise en scène, il est impossible de ne pas être happé par ce récit et de ne pas y repenser longtemps après la séance. Sa limite, en ce que dans une durée si courte, cela parait le brider, l’empêcher de prendre le temps de se poser, de suspendre le temps du récit pour créer des moments de pur cinéma.
Titre Original: THE WOUND
Réalisé par: John Trengove
Casting : Nakhane Touré, Bongile Mantsai, Niza Jay Ncoyini….
Genre: Drame
Sortie le: 19 avril 2017
Distribué par: Pyramide Distribution
BIEN
Catégories :Critiques Cinéma