Critiques

ZONE BLANCHE (Critique Saison 1) Sur tous les tons

SYNOPSIS: Villefranche est une petite ville isolée au coeur d’une forêt gigantesque, un labyrinthe vert de milliers d’hectares rendant toute télécommunication hasardeuse. Cet endroit pas tout à fait comme les autres a ses zones non cartographiées, ses crimes, ses disparitions et autres mystères à élucider, ainsi qu’un taux d’homicides six fois supérieur à la moyenne nationale… Mais à part ça, tout va bien. Pour veiller sur elle, la ville peut compter sur son « shérif », le major Laurène Weiss, une fille du pays forte en gueule et étrangement connectée à la nature.Au fur et à mesure de ses enquêtes, Laurène Weiss s’enfonce toujours plus loin parmi les arbres pour percer leurs secrets, notamment et en premier lieu celui de son propre enlèvement vingt ans plus tôt.

On déplore trop souvent en France que la fiction de genre soit si peu représentée. Qu’une chaine publique comme France 2 tente le pari avec Zone Blanche, en laissant les coudées franches à toute son équipe créative et ce sans rogner sur les prérogatives des auteurs, réalisateurs et producteurs est un signe extrêmement encourageant. Mais qu’en plus Zone Blanche soit une réussite incontestable adoube cette confiance. Car oui, voici une série forte, vivante, vibrante, incandescente, qui vous emporte sur des sommets narratifs qui passe avec fluidité du thriller au western, qui flirte avec le fantastique tout en oubliant pas d’être drôle par moments et de nous soustraire à la chape de plomb qui menaçait. Une série qui invente un univers cohérent avec ses problématiques intestines, qui assume le monde qu’elle nous propose et qui s’impose sans que l’on se pince les narines ou que l’on accueille dubitativement ses propositions. Zone Blanche est une série au confluent de plusieurs genres qu’elle embrasse avec une telle générosité et un tel talent, alors qu’elle aurait pu nous égarer, qu’elle nous prend au contraire dans ses filets. Grâce à l’écriture racée du créateur de la série Mathieu Missoffe et de ses co-scénaristes, grâce à la réalisation de Thierry Poiraud et Julien Despaux, grâce à la ténacité du producteur Vincent Mouluquet, Zone Blanche réussit son coup au-delà des espérances. Direction artistique et partis pris esthétiques très forts, photographie et choix chromatiques marqués, tout cela confère à la série son identité et son atmosphère. Des costumes aux flingues portés à la ceinture, Zone Blanche propose un monde qui ne s’embarrasse du réel mais qui n’en fait pas non plus table rase et fait une proposition ambitieuse et majestueuse couplée à une réalisation ample et  fluide. Alors que la série policière urbaine traditionnelle envahit les grilles de programmes, Zone Blanche et son polar rural dépare dans le paysage audiovisuel français.

Faire une proposition formelle et identitaire c’est bien mais suicidaire si la mise en situation et la caractérisation des personnages ne suit pas. Fort heureusement, la galerie de gueules qui compose la population de Villefranche est à l’avenant d’un récit qui excelle dans le mélange de tonalités et qui ne concentre pas tout son ADN à la résolution d’un mystère central. Une intrigue bouclée par épisode puis une trame qui court tout du long, les strates de Zone Blanche sont nombreuses et touffues et s’articulent autour de cette communauté cohérente et de ces « douze personnages principaux » comme le précisait Vincent Mouluquet en présentant la série à la presse. Choisir des comédiens qui ne sont pas des visages marquants des séries s’avère être de plus un pari payant. De Suliane Brahim (de la Comédie Française) qui impose sa singularité et son magnétisme à Hubert Delattre, grand Nounours aux multiples facettes en passant par Samuel Jouy et sa puissance dramatique ou l’excellent Laurent Ca­pelluto et sa capacité à alterner les tons, la distribution de Zone Blanche impose à la série son atmosphère, qu’une musique envoutante contribue à faire exister magistralement. On pourra faire le reproche à Zone Blanche de brasser les références (Twin Peaks ou Fargo par exemple de l’aveu même du réalisateur Thierry Poiraud) mais la série ne ploie jamais sous le poids de ces illustres prédécesseurs, elle trouve dans sa forêt sa propre sève créatrice et nous fait gouter à l’étrange, à la poésie, au décalage sans jamais s’affranchir totalement de la réalité mais en restant un divertissement populaire qui trace sa propre route sans passer par des chemins de traverse. Zone Blanche évite de tomber dans le piège de la série de niche à portée forcément réduite. Elle est la preuve incontestable que l’on peut aborder la fiction de genre dans les séries françaises en étant tout à la fois un programme exigeant qui peut parler à tout un chacun. Ils ont fait très fort.

Crédits: France 2 / © Jean-Philippe Baltel/EGO PRODUCTION

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