Critiques Cinéma

LA LA LAND (Critique)

2 STARS PAS GENIAL

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SYNOPSIS: Au cœur de Los Angeles, une actrice en devenir prénommée Mia sert des cafés entre deux auditions. De son côté, Sebastian, passionné de jazz, joue du piano dans des clubs miteux pour assurer sa subsistance. Tous deux sont bien loin de la vie rêvée à laquelle ils aspirent… Le destin va réunir ces doux rêveurs, mais leur coup de foudre résistera-t-il aux tentations, aux déceptions, et à la vie trépidante d’Hollywood? 

Le réalisateur et scénariste américain Damien Chazelle a toujours eu un certain faible pour les films sur la musique. Il a écrit le film Grand Piano, sorti en 2013, suivi par Whiplash en 2014 qu’il réalise et qui remporte trois Oscars. Peu surprenant donc qu’il se lance cette année à l’assaut d’un des piliers du genre culturel et théâtral américain : la comédie musicale. La La Land, écrit et réalisé par Chazelle (qui entend bien recréer le succès critique et populaire de Whiplash et sans doute ramasser aussi quelques statuettes dorées au passage) est un hommage aux grands classiques du genre, reconstitué avec toute la naïveté d’un gamin de neuf ans qui découvre les lumières de la scène. Ah, si seulement le grand passionné derrière la caméra avait su s’entourer de professionnels du milieu qu’il admire au lieu de se reposer sur l’auréole de ses stars, on aurait pu avoir un truc spécial et unique au lieu d’une ébauche de compliment qui fait ressortir les failles du créateur.

La La Land, c’est l’histoire de Mia (Emma Stone), une jeune actrice qui veut percer à Hollywood et qui travaille dans un café en attendant sa chance, et de Sebastian (Ryan Gosling) musicien qui galère, passionné de jazz et rêvant d’ouvrir un jour son propre club. Ces deux-là vont se rencontrer, se plaire, s’épauler, et tenter de leur mieux de se faire une place au soleil dans le monde implacable du showbiz. Le film est enveloppé dans une esthétique très « sixties » et chaque numéro musical est une copie quasi conforme d’une scène culte des musicals des années cinquante et soixante : West Side Story, Tous en Scène, Chantons Sous La Pluie, etc. L’image est magnifique et participe activement à la création d’un monde qu’on sent un peu en dehors du temps, nostalgique de ces années pré-rock’n’roll et en parfait accord avec la musique de Justin Hurwitz et les costumes de Mary Zophres. Musicalement, le film semble prendre modèle sur Les Parapluies de Cherbourg, dans le thème mélodique de nos deux tourtereaux qui se fait entendre à chaque réminiscence romantique et dans le style de chant de Stone, qui n’est pas sans rappeler celui de Deneuve, allant jusqu’à reproduire son frêle vibrato et ses problèmes de justesse. Mais si Chazelle et son équipe ont réussi à fabriquer un univers visuel et sonore qui s’apparente bien aux grandes comédies musicales d’antan, on ne peut pas en dire autant des numéros musicaux eux-mêmes, alourdis par une chorégraphie peu inspirée quand elle n’est pas carrément imitation et des acteurs qui ne sont physiquement pas du tout à l’aise en dépit de leurs efforts.

Parce que si Chazelle comprend comment travailler avec le son, on ne peut pas en dire autant du mouvement. On aurait pu facilement dissimuler cette carence si le réalisateur avait fait appel à un chorégraphe et à des interprètes plus avertis, ce qui, entre New York et Los Angeles, n’avait à priori rien de bien compliqué. Mais c’est à croire que personne d’autre n’était disponible, ni ceux de Glee ou de Smash, ni même notre Benjamin Millepied national, pourtant de retour aux US, et qu’il a donc fallu se contenter de Mandy Moore (Silver Lining Playbook, American Bluff) et du couple de stars du grand écran. Stone et Gosling sont d’excellents acteurs et leur alchimie fait des étincelles à chaque réplique, mais enlevez-leur le dialogue et ils sont comme des poissons hors de l’eau. La dernière fois qu’on avait eu une situation similaire, c’était dans le Black Swan d’Aronofsky et là au moins le réalisateur avait eu l’intelligence d’engager Sarah Lane pour pallier aux énormes lacunes techniques et artistiques de Natalie Portman. Hélas, point de doublure ayant du métier ici et ça se fait douloureusement sentir. Les grandes comédies musicales des années cinquante et soixante étaient des véhicules destinées à mettre en valeur des artistes tels que Fred Astaire, Cyd Charisse et Gene Kelly qui venaient du monde du théâtre et avaient une connaissance viscérale du travail corporel. Les studios prenaient des artistes et en faisaient des stars tandis qu’à l’inverse, La La Land a pris des stars et essaye d’en faire des artistes. Notre couple n’a que peu ou pas du tout l’expérience des planches (Stone a tenu trois mois dans une production de Broadway avant que sa voix ne l’abandonne) et malheureusement, c’est d’une évidence aveuglante pour tout œil avisé, d’autant que le film ne fait rien pour les aider. On pourrait penser que Chazelle aurait trouvé un moyen sympa de faire avec les capacités limitées de ses acteurs, mais le film est tellement entiché de son étiquette d’hommage que la comparaison est inévitable – et au détriment des performances, et par extension, du film.

On comprend par exemple, l’envie de recréer la scène iconique de Tous en scène où les personnages de Cyd Charisse et Fred Astaire qui ont passé tout le film à se disputer à cause de leurs opinions différentes sur leur spectacle, parviennent enfin à établir un dialogue et tombent amoureux l’un de l’autre. C’est une séquence magique, un moment de pure génie chorégraphique qui se déroule sans mot et sans contact physique pendant les premières soixante secondes, Charisse et Astaire en parfaite synchronisation, à l’écoute l’un de l’autre, deux corps se mouvant comme un seul. Fred Astaire est un vieux pro, danseur fabuleux et chorégraphe émérite, ayant ciselé sa chorégraphie autour de sa partenaire, ancienne danseuse classique aux jambes qui n’en finissent plus. Mais ce que Chazelle n’a pas compris, c’est que la magie du moment vient du fait que le moment en question a été créé autour de ce que les acteurs savaient faire, et non en forçant les acteurs à danser pour créer un moment. Distinction mineure peut-être, mais néanmoins fondamentale, un peu comme si quelqu’un voulait faire un film hommage au cubisme et demandait à une bande d’architectes de dessiner des cubes et des triangles en disant : « Bim ! Voilà, ça ressemble à du Picasso, ça fera l’affaire». On ne doute pas que les architectes dessinent bien, mais de là à en faire Picasso, il y a un monde.

En dépit de ces problèmes de base, le film a deux gros avantages : le premier, c’est que l’emballage est tellement joli et bien fait qu’on peut facilement se laisser séduire par la forme en oubliant le fond, et le second, c’est le charisme à cinq cent mille watts de ses deux stars. Cela faisait longtemps que Hollywood n’avait pas eu un couple avec une telle alchimie à l’écran et pour une comédie romantique, c’est une excellente carte à jouer. Si seulement on avait pu avoir la même chose avec deux acteurs qui savaient également chanter et danser (ou jouer du piano, hein Ryan ?), Chazelle aurait pu faire le film de l’année. Malheureusement, si c’est pas mal pour un premier essai, c’est loin d’être un coup de maître et en dépit de ses bonnes intentions, La La Land s’envase dans le vaste marécage de sa propre maladresse.

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Titre Original: LA LA LAND

Réalisé par: Damien Chazelle

Casting :  Ryan Gosling, Emma Stone, J.K Simmons,

Rosemarie DeWitt, John Legend, Callie Hernandez …

Genre: Comédie musicale, Romance

Sortie le: 25 janvier 2017

Distribué par: SND

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