Critiques Cinéma

VOYAGE A TRAVERS LE CINEMA FRANCAIS (Critique)

4 STARS EXCELLENT

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SYNOPSIS: Ce travail de citoyen et d’espion, d’explorateur et de peintre, de chroniqueur et d’aventurier qu’ont si bien décrit tant d’auteurs, de Casanova à Gilles Perrault, n’est-ce pas une belle définition du métier de cinéaste que l’on a envie d’appliquer à Renoir, à Becker, au Vigo de l’Atalante, à Duvivier, aussi bien qu’à Truffaut ou Demy. A Max Ophuls et aussi à Bresson. Et à des metteurs en scène moins connus, Grangier, Gréville ou encore Sacha, qui, au détour d’une scène ou d’un film, illuminent une émotion, débusquent des vérités surprenantes. Je voudrais que ce film soit un acte de gratitude envers tous ceux, cinéastes, scénaristes, acteurs et musiciens qui ont surgi dans ma vie. La mémoire réchauffe : ce film, c’est un peu de charbon pour les nuits d’hiver.

Dans le rôle du passeur, Bertrand Tavernier s’est toujours illustré de la plus belle des façons, que ce soit par le biais de livres ou dans son travail d’attaché de presse, pour rendre hommage au cinéma qui depuis sa plus tendre enfance, l’a construit en tant qu’être humain. Le réalisateur dont les faits d’arme sont innombrables dans le cinéma français signe aujourd’hui un documentaire de plus de trois heures qui dès son titre, invite à un voyage dans les méandres de la mémoire, d’où Tavernier extirpe des pépites qui l’ont marquées à jamais. Jamais didactique ou pontifiant, le metteur en scène livre un devoir de mémoire passionnant qui, une fois les lumières rallumées, donne envie de se précipiter pour découvrir ou redécouvrir tout un pan d’un cinéma oublié ou méconnu. Dans ce premier opus, Tavernier passe en revue les films qui ont marqué sa jeunesse lyonnaise entre le milieu des années 40 jusqu’à la fin des années 60. En faisant fi de toute chronologie et sans se risquer à créer une quelconque thématique, le réalisateur de L 627 et de Coup de Torchon rend hommage à des cinéastes qui ont eu une importance incommensurable dans sa vie, à commencer par Jacques Becker, dont il détaille avec gourmandise la compréhension des us et des coutumes du cinéma américain passant d’un même élan de Falbalas à Casque d’Or en passant par Le trou, Rendez-vous de juillet ou Touchez pas au grisbi. Il commente des scènes entières sans pour autant cannibaliser l’image et en faisant à chaque fois ressentir tout son amour pour ce cinéma-là, dans des envolées, si ce n’est lyriques, à tout le moins extrêmement chaleureuses et bienveillantes. L’exercice de Tavernier qui tend à l’objectivité trouve ses limites pourtant dans des choix qui peuvent parfois surprendre mais on saluera malgré tout l’intelligence de ne pas avoir cédé à la facilité d’encenser tout ce beau monde. En effet, au fil de ses propositions, il a le bon goût de ne pas verser dans une admiration sans bornes et aveuglée et se permet même d’évoquer certains comportements qui mettent à mal l’aura de certains cinéastes qu’il admire par ailleurs (Melville notamment, dont un témoignage sonore laisse à penser qu’il avait un caractère particulièrement difficile).

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A l’instar de Martin Scorsese, Bertrand Tavernier signe un témoignage éloquent sur une époque révolue qui ne pourra que ravir les cinéphiles qui transposeront sans peine leur propre amour du cinéma dans celui que le réalisateur français donne à déguster. Certes devant l’immensité de la tâche et la partialité des choix, certains s’offusqueront peut-être de certaines absences, mais Tavernier délivre tant d’anecdotes savoureuses et délicieuses qu’on ne peut qu’être en joie devant son film proprement enthousiasmant. Sans se mettre en avant, le cinéaste nous parle pourtant de lui en filigrane de son film tout en évoquant des figures indélébiles et indissociables du cinéma de cette époque, de Jean Renoir à Claude Sautet en passant par Marcel Carné, Jean Delannoy ou François Truffaut dans un véritable tourbillon d’images. Sans vouloir jouer les professeurs, Tavernier évoque le cinéma qui lui est cher tout en abordant à plusieurs reprises, sur les plus de 400 extraits disséminés dans le film, des choix techniques qu’il commente allègrement, dispensant son savoir et son enthousiasme sans jamais se montrer pédant. Si les cinéastes sont célébrés et leurs films magnifiquement mis en avant, certains comédiens bénéficient également de la mise en lumière de Tavernier. Jean Gabin y est notamment montré comme un comédien à l’épaisseur de jeu immense et évolutive au fil du temps. Pendant le film, Bertrand Tavernier apparait longuement à l’image, expliquant ses choix qui ne sont pas ceux d’un historien mais ceux d’un amoureux qui a préféré mettre des coups de projecteur sur ses passions plutôt que de parler de figures moins marquantes à ses yeux. Son film n’en est pas moins formidable dans son intensité passionnelle et il irradie de l’amour débordant de son réalisateur pour le medium qu’il a embrassé. Voyage à travers le cinéma français constitue la somme d’un travail phénoménal qui implique forcément une folle impatience d’en découvrir le second volet pour poursuivre une route dont chaque étape constitue de toute manière un morceau de choix.

 

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Titre Original: VOYAGE A TRAVERS LE CINÉMA FRANÇAIS

Réalisé par: Bertrand Tavernier

Casting : Bertrand Tavernier, André Marcon…

Genre: Documentaire

Sortie le: 12 octobre 2016

Distribué par: Pathé Distribution

4 STARS EXCELLENTEXCELLENT

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