Critiques Cinéma

FRANTZ (Critique)

2,5 STARS MOYEN

frantz affiche cliff and co

SYNOPSIS: Au lendemain de la guerre 14-18, dans une petite ville allemande, Anna se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, Frantz, mort sur le front en France. Mais ce jour-là, un jeune Français, Adrien, est venu se recueillir sur la tombe de son ami allemand. Cette présence à la suite de la défaite allemande va provoquer des réactions passionnelles dans la ville. 

La cuvée 2016 du très prolifique François Ozon, pratiquement un film par an depuis Sitcom, son premier long-métrage, se présente sous des aspects plus austères que sa production habituelle. Celui auquel on a parfois reproché la superficialité de son style étonne en revenant avec un film en noir et blanc, tourné en allemand, dont l’action se déroule après la fin de la première guerre mondiale et qui est librement adapté d’un film d’Ernst Lubitsch (Broken Lullaby), lui-même tiré d’une pièce d’Edmond Rostand. En s’imposant de telles contraintes formelles, il restait à voir si François Ozon allait pouvoir fissurer le cadre et trouver une matière suffisante pour éviter de se laisser enfermer dans un classicisme qui à priori ne lui sied guère. A travers l’histoire de ce jeune français venu en Allemagne, rencontrer la famille de cet ami allemand tué pendant la première guerre mondiale, François Ozon retrouve des thèmes qui lui sont chers avec cette histoire de faux semblants et de manipulation. Il met en place une mécanique qu’il connaît bien dans laquelle il amène le spectateur à s’interroger sur les intentions qui animent Adrien (Pierre Niney) et le secret qu’il semble avoir tant de mal à ne pas dévoiler. Si dans le film de Lubitsch, ce secret est rapidement dévoilé, sa préservation et le mensonge d‘Adrien constituent ici le cœur du film, au moins dans sa première partie. La question du mensonge intéresse plus François Ozon que celle de la culpabilité de son auteur. Le scénario, heureusement, offre une complexité plus grande que la simple confrontation entre un menteur cynique et des victimes crédules. Venu avec l’intention de dévoiler son secret, Adrien ne ment pas pour s’exonérer de sa culpabilité mais pour préserver cette famille qui inconsciemment a choisit de le croire, parce qu’elle en a besoin pour vivre son deuil. Ce parti pris est intéressant mais on a l’impression qu’Ozon n’y a cru qu’a moitié, comme s’il craignait que le spectateur ne puisse pas trouver crédible que les parents de Frantz et Anna (Paula Beer), sa fiancée, puissent croire ou avoir besoin d’entendre cette histoire. En forçant le trait et l’empathie que l’on peut ressentir pour Adrien, il donne même suffisamment d’indices pour éventer ce secret que comme son personnage, il se donne tant de mal à préserver. De la même façon, qu’il semble finalement peu confiant dans la pertinence de son parti pris scénaristique, François Ozon paraît vouloir s’affranchir des contraintes du noir et blanc qu’il a clairement choisi pour donner à son film un « cachet » plus authentique. Déjà ce noir et blanc très glacé, dans lequel les blancs sont éclatants, est une parure un peu trop stylisée qui au lieu d’inscrire le film dans une « vérité historique » lui donne un aspect stylisé dissonant qui fait un peu toc. Ce masque du noir et blanc tombe au cours de plusieurs scènes lorsque l’émotion affleure l’écran. Ce passage à la couleur, très illustratif, réchauffant l’image quand le cœur de ses personnages se réchauffe, la souligne tellement qu’il finit par annuler l’émotion d’une scène où la main du réalisateur et ses intentions sont trop visibles.

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Comme son metteur en scène, Pierre Niney paraît lui aussi plier sous le poids du cahier des charges mis en place et se forcer à porter un costume dont on voit les coutures et qui n’est pas à sa taille. Pierre Niney aussi excellent soit-il est un acteur dont le timing et le phrasé se prête, à notre sens, mieux à la comédie qu’au drame. Il émane de lui quelque chose de trop solaire et spontané pour qu’on parvienne à le voir disparaître derrière ce personnage de jeune homme mystérieux et tourmenté par un terrible secret. Comme la mise en scène d’Ozon, on sent le travail et l’application mais il manque un lâcher prise, une fêlure qui aurait donné plus d’épaisseur à Adrien. Certains acteurs se révèlent complètement et lâchent prise dans des rôles contre nature mais ici c’est l’inverse qui se produit. C’est une qualité mais l’extrême contrôle que Niney a sur son jeu, dans ce registre dramatique, est un poids qui se rajoute sur une balance déjà bien chargée par la mise en scène. On sent que pour ce rôle Niney n’a pas simplement eu à apprendre une langue étrangère mais aussi un langage corporel qui le contraint terriblement. Face à lui, heureusement, Paula Beer (Anna) apporte une fraîcheur et une fragilité salutaire qui collent complètement à la nature de son personnage tel qu’on la perçoit au début du récit et à l’évolution de ses sentiments, aux choix qu’elle sera amenée à faire, pour préserver sa famille tout en poursuivant une quête de bonheur qui peut paraître bien naïve. Il fallait de la simplicité, du charme, une grosse force de caractère et ces trois ingrédients sont présents et parfaitement dosés.

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Si Frantz déçoit sur l’essentiel, il s’avère que le parti pris le plus intéressant d’Ozon aura été d’inverser la mécanique du film de Lubitsch, en racontant cette histoire du point de vue de la famille de Frantz, s’intéressant ainsi à une Allemagne très peu représentée au cinéma. Dans cette Allemagne vaincue et vivant le traité de Versailles comme une humiliation, le sentiment de revanche et même le sentiment anti-français est fort et traverse toutes les couches de la société. On sent en germe chez les amis du père de Frantz comme chez le courtisan d’Anna, ce sentiment nationaliste très fort dont on connaît tous la tragique conclusion. Même si là encore, on peut faire le reproche à Ozon de manquer quelque peu de finesse, Adrien est le témoin et la victime de cette haine des français qui lui éclate au visage lors de sa première rencontre avec le père d’Anna, lequel refuse de lui parler au seul motif de sa nationalité et lui fait explicitement porter la responsabilité, en tant que français, de la mort de son fils. La jalousie du prétendant d’Anna est également attisée par l’humiliation de voir ce français obtenir les bonnes grâces qu’il s’est vu refuser. Cette question de l’armistice entre les peuples si elle n’est pas le cœur du film, l’irrigue suffisamment, malgré une certaine lourdeur, pour apporter une vraie plus-valu au récit. Frantz n’est certainement pas un mauvais film mais il porte un costume trop grand pour lui. Habillé pour entrer au carré VIP de la filmographie de son auteur, il en fait trop et finira par trouver une place à côte de ses quelques (rares) œuvres mineures.

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Titre Original: FRANTZ

Réalisé par: François Ozon

Casting :  Pierre Niney, Paula Beer, Ernst Stötzner,

Marie Gruber, Johann von Bülow, Cyrielle Clair …

Genre: Drame

Sortie le: 07 septembre 2016

Distribué par: Mars Films

2,5 STARS MOYENMOYEN

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