Critiques Cinéma

VENDEUR (Critique)

2,5 STARS MOYEN

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SYNOPSIS: Serge est l’un des meilleurs vendeurs de France. Depuis 30 ans, il écume les zones commerciales et les grands magasins, garantissant à ses employeurs un retour sur investissement immédiat et spectaculaire. Il a tout sacrifié à sa carrière. Ses amis, ses femmes et son fils, Gérald, qu’il ne voit jamais. Et sa santé. Quand Gérald vient lui demander un travail pour financer les travaux de son futur restaurant, Serge hésite puis accepte finalement de le faire embaucher comme vendeur. Contre toute attente, Gérald se découvre un don. 

Découvrir un premier film est toujours un moment particulier, un peu comme pour un premier rendez-vous auquel on se rend avec un mélange d’appréhension et d’impatience. Ce premier film peut être un naufrage comme le début d’une belle histoire avec un réalisateur qui aura su immédiatement imposer son univers et son style (pour parler des plus récents on pense à Jeff Nichols avec Shotgun Stories, Duncan Jones avec Moon, J.C Chandor avec Margin Call et s’agissant du cinéma français Gaspar Noe avec Seul contre tous et Lucile Hadzihalilovic avec Innocence). Il peut aussi être un brouillon très imparfait, maladroit, mais avec lequel on est tenté d’avoir une certaine indulgence et d’accorder ainsi à son réalisateur un deuxième rendez-vous. Vendeur premier film du pourtant pas si jeune Sylvain Desclous peut être classé dans cette catégorie. Très imparfait et frustrant, affichant des promesses mais n’allant pas au bout de ses intentions, il ne peut pas non plus être considéré comme un ratage, probablement sauvé il est vrai, par ses deux acteurs (Gilbert Melki et Pio Marmai).

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A l’instar de son personnage principal, le film avance avec quelques arguments solides et persuasifs qui donnent d’abord envie de se laisser convaincre. Serge (Gilbert Melki) est un vendeur de cuisine qui maîtrise à la perfection ses techniques de vente, passe de client en client en s’adaptant au profil de chacun avec un cynisme total, cherchant la faille pour les pousser à dépasser leur budget et ainsi gonfler ses chiffres de vente. Caster Gilbert Melki pour ce rôle était une évidence qui se confirme à l’écran. Il déploie son jeu sans forcer, trouvant le bon équilibre et ne tombant pas dans un sur-jeu qui aurait rapidement rendu Serge très caricatural et agaçant. Ce vendeur ressemble à un vieil acteur qui part en tournée et qui le soir venu se retrouve seul avec lui-même et écume les bars pour chercher une autre scène, une autre adrénaline. Maître de son domaine lorsqu’il évolue dans son univers professionnel, une fois quitté son travail/ sa scène, il trompe sa solitude dans l’alcool, la drogue et dans les bras des prostitués qu’il ramène dans sa chambre d’hôtel. La caractérisation de ce personnage est réussie. Il est à la limite de la caricature mais c’est ce qu’il fallait pour éviter au film d’être dans un réalisme plan-plan qui n’est pas son ambition. On remarque aussi le soin pris dans le choix des costumes et des chemises de Serge, toujours impeccable, un peu à l’ancienne, à la limite de l’ostentatoire mais classe. Il a conservé sa BMW du début des années 80 qu’on l’imagine avoir acheté avec ses premières grosses commissions et qui était alors le symbole de sa réussite. Aujourd’hui, elle témoigne de son côté affectif et de sa nostalgie. Lorsque l’on parle de films sur un vendeur, on pense forcément à Glengarry Glen Ross et Serge est à mi-chemin entre Shelley Levene et Ricky Roma. Il a la flamboyance apparente de Ricky et la rondeur et aussi le côté « usé » de Shelley.

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Ayant dit cela, il se trouve malheureusement qu’on a parlé de ce qui est la seule vraie réussite du film. Le problème c’est que Sylvain Desclous a voulu ajouter de l’intime et du (mélo)drame à son scénario en introduisant le personnage du fils de Serge, Gérald qui vient de se faire saisir son restaurant et revient dans la vie de son père, avec lequel il entretenait des rapports très distants, pour lui demander de lui trouver un travail de vendeur le temps de se refaire une santé financière pour éponger ses dettes et reprendre son activité. Cela aurait pu ouvrir le film sur autre chose et servir l’ambition légitime de Desclous que son film ne soit pas que le récit d’un vendeur dont on suivrait les succès diurnes et les errances nocturnes. Malheureusement si le jeu de Pio Marmai n’est pas en cause et qu’on peut même être heureux de le voir dans un rôle plus « sobre » qu’à l’accoutumée, son personnage est purement utilitaire. A deux moments clés de son « arc narratif », Desclous use de l’ellipse pour faire avancer le récit, presque à marche forcée pour finalement retomber sur ses pas ou plutôt se remettre dans ceux de Serge. Le symbolisme est par ailleurs un peu grossier et on comprend assez rapidement la façon dont la relation père/fils va évoluer et ce que ça va réveiller en Serge.

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On a finalement le sentiment que Desclous a eu une ambition qui l’a dépassé et qu’il a finalement lui-même choisi de s’imposer une contrainte de durée et s’est ainsi limité à dessiner grossièrement le personnage de Gérald et sa relation avec Serge. C’est véritablement très préjudiciable au récit et fini par le rendre anecdotique, parce que frustrant et trop prévisible. Desclous agit de la même façon avec d’autres personnages et notamment un qui aurait pu être très beau, celui de Chloé, cette prostituée interprétée par Sara Giraudeau. Là encore, on a l’impression que le film va lui accorder de l’importance, qu’elle va influer sur le récit et le parcours de Serge mais il n’en est rien. C’est peut être là un problème typique du premier film d’un réalisateur qui a une idée de départ, qu’il développe avec beaucoup de soin mais qu’il finit par parasiter par d’autres qu’il abandonne en cours de route. Ce premier rendez-vous avec Sylvain Desclous avait bien commencé et après avoir commencé à regarder sa montre, on en sort gêné et déçu, pas assez toutefois pour que ça devienne un souvenir désagréable et qu’on renonce même à lui donner une seconde chance.

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Titre Original:  VENDEUR

Réalisé par: Sylvain Desclous

Casting :  Gilbert Melki, Pio Marmai, Sara Giraudeau,

Pascal Elso, Clémentine Poidatz, Christian Hecq…

Genre: Comédie dramatique,

Sortie le: 04 mai 2016

Distribué par: Bac Films

2,5 STARS MOYENMOYEN

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